Social et
culture
Entrée remarquée d'un royaume de 600.000 habitants
au festival de Cannes (AFP, 18/5/99)
Le Bouthan, un royaume de 600.000 âmes enclavé entre
l'Inde et la Chine, a fait une entrée remarquée à
Cannes dans la section parallèle de la Quinzaine des réalisateurs
avec le premier film jamais réalisé dans ce pays, "La Coupe"
("Phorpa"), signé par un lama, Khyentse Norbu. Inspiré de
faits réels, le film raconte comment deux jeunes apprentis lamas,
fans de football, Orgyen (Jamyang Lodro) et Palden (Kunzang Nyiama) vont
faire vivre un monastère tibétain en exil au rythme des dribbles
de Ronaldo et des passes de Zidane pendant le dernier Mondial. Un cocktail
d'humour zen, de ballon rond et de mystique tibétaine bricolé
avec des moyens d'une modestie qui en renforce la réussite. Ce premier
long métrage en langue tibétaine de l'histoire du cinéma
a été longuement applaudi lors de sa projection et ses principaux
protagonistes, en tenue, ont pu découvrir les fastes de la manifestation
cannoise, suscitant un vif intérêt. Le courant de sympathie
a été tel que de nombreux professionnels voient en lui un
très possible candidat à la Caméra d'Or, qui récompense
un premier film (toutes sélections confondues). C'est grâce
au réalisateur italien Bernardo Bertolucci que "La coupe" a pu en
partie se réaliser. Norbu, 37 ans, qui a grandi dans un monastère
et n'a pas suivi de formation de cinéma, a fait sa première
expérience de la caméra en regardant travailler le réalisateur
italien lors du tournage de "Little Buddha". Ses voyages lui ont ensuite
permis de découvrir l'univers de Yasujiro Ozu, Andrei Tarkovsky,
Satyajit Ray, Vittorio de Sica... Lors d'une conférence de presse,
le réalisateur a déclaré que "ce type de film peut
être considéré comme inhabituel parce qu'il est assez
peu commun de voir un film sortir du Tibet ou du Bouthan, et encore plus
lorsqu'il est signé par un lama". "On attend sans doute de moi que
je médite dans une cave ou que que je sois juché sur un trône
en train d'enseigner", a-t-il plaisanté. L'histoire, a-t-il souligné,
est en partie inspirée par des faits réels survenus dans
l'école religieuse qu'il dirige. "Il n'y a aucune intention politique
derrière mon film, mais si j'ai réussi à attirer l'attention
des gens sur la situation des tibétains en exil, alors ce sera un
cadeau supplémentaire", a-t-il encore dit. Pendant le tournage du
film, l'équipe a scrupuleusement respecté les préceptes
religieux tibétains, devins, oracles et yogis étant consultés
régulièrement. C'est en fonction d'un système ancestral
de divination tibétaine (le Mo) que l'équipe a ainsi fait
son choix de la pellicule et de la distribution. Un système qui
a fait des émules depuis, semble-t-il: des professionnels d'Hollywood
ont, dit-il, manifesté le plus vif intérêt pour cette
technique qui servira peut-être un jour à doper le box-office. |