Social, Environnement
et Culture
En Pacific 231, un périple à travers le temps dans
le sud du Cambodge (AFP, 8/2/2000)
La petite ville de Kampot n'avait pas vu ça depuis des lustres:
une locomotive à vapeur d'un autre âge, une Pacific 231, construite
en France dans les années 30, qui annonce son arrivée à
grands coups de sifflets et de volutes de fumée blanche. La vénérable
motrice et ses six wagons se sont ébranlés le matin même
de la gare de crépi jaune de Phnom Penh pour parcourir les 166 kilomètres
de rail, souvent en piteux état, qui relient le sud du royaume.Comme
une revanche du passé sur trois décennies de guerre qui ont
ravagé le Cambodge et, notamment, son réseau ferroviaire.
A la gare, les voyageurs se sont vu remettre des billets datant du "Sangkum
Reastr Niyum", la première "ère Sihanouk", dans les années
50 et 60, une époque de paix, de relative prospérité
et de stabilité parlementaire. Un certain "âge d'or" dont
la vision nostalgique est renforcée par les terribles épreuves
qui suivirent. A bord du train, 80 passagers, en majorité des hommes
d'affaires, diplomates et journalistes de la région, venus découvrir
en rail et à vapeur les provinces méridionales de Kandal,
Takéo et Kampot. A 30 km/heure maximum. "Je pense que cette première
pourra permettre d'ouvrir d'autres opportunités au tourisme dans
la région, et aussi de donner un petit coup de pouce au rail", explique
l'organisateur du voyage, Philippe Decaux, producteur de télévision
à Bangkok et routier du Cambodge. "Je voulais faire découvrir
autre chose du Cambodge que les sempiternels temples d'Angkor. L'idée
du train est un prétexte, mais un prétexte qui plaît",
dit-il. Sur la motrice, les cheminots, tous francophones du fait de leur
formation, s'occupent à alimenter la chaudière en bois, à
surveiller la pression et le niveau d'eau, mais aussi à scruter
la voie contre d'éventuels obstacles et autres déformations
du rail. "Nous avons remis la locomotive en état avec les dernières
pièces détachées françaises, mais les revues
techniques ont disparu sous les Khmers Rouges", explique Reth Bun, directeur-adjoint
des Chemins de Fer Royaux du Cambodge, chargé de l'exploitation.
Ne manquent au convoi ni le wagon royal, au charme suranné, transformé
en bar pour l'occasion, ni l'ancienne voiture blindée, devenu wagon-restaurant.
Mise en service dans les années 40, la Pacific 231 a traversé
l'histoire tragique du Cambodge, y compris la dictature polpotiste
(1975-79) et, jusque dans les années 80, la guerre civile qui
a suivi. Entre 1979 et 1996, les chemins de fer ont été la
cible répétée des embuscades de la guérilla
kmère rouge qui ont tué 712 voyageurs, 49 cheminots et 68
soldats, selon les autorités.
C'est au km 142, en direction de Kampot, que trois touristes occidentaux,
dont le Français Jean-Michel Braquet, ont été kidnappés
en 1994 par des rebelles lors d'un voyage en train avant d'être exécutés.
Un ancien chef de bande khmer rouge, Nuon Paet, a été condamné
l'an dernier à perpétuité et un complice présumé,
le colonel Chouk Rin, attend en prison d'être jugé.
"Lorsque l'on parle du Cambodge, on pense toujours au génocide,
à la guerre, aux mines. Ce voyage offre une vision différente,
celui d'un pays en paix, où les gens travaillent et communiquent
normalement", plaide Khieu Kanharith, secrétaire d'Etat à
l'Information.
Le pays aujourd'hui pacifié, l'idée du tourisme ferroviaire
fait son chemin. La Pacific 231 devrait de nouveau siffler à la
fin de l'année,
cette fois jusqu'à la station balnéaire de Sihanoukville
(sud). Mais il faudrait 200 millions de dollars pour remettre à
neuf les 600 kilomètres de voie ferrée, en attendant un grand
projet régional de relier par le train la Thaïlande aux pays
de l'ancienne Indochine (Cambodge, Vietnam et Laos).
Les fastes d'Angkor ressuscités pour le passage du millénaire
(AFP,
30/12/99)
Les fabuleux temples khmers d'Angkor renouent avec leur splendeur passée,
comme un haut-lieu de festivités et de danses royales, le temps
du passage au nouveau millénaire. Les autorités cambodgiennes
misent énormément sur "Angkor 2000" --trois soirées
"son et lumière" au coeur des temples-- pour prouver aux touristes
du monde entier que l'interminable guerre civile est bien finie. Certes,
ce festival artistique, qui culminera au Nouvel An, a été
arrangé un peu à la va-vite, avec les moyens du bord, relativement
modestes ici, mais là n'est pas le principal souci des organisateurs.
"Le plus important est de montrer au monde que le Cambodge est en paix",
plaide Pech Soken, le vice-gouverneur de la province de Siem Reap (nord-ouest)
qui abrite ce site exceptionnel, première attraction touristique
du royaume. "Il est crucial que tout se passe bien pour que le Cambodge
devienne une destination touristique de classe internationale", souligne-t-il.
Les organisateurs espèrent attirer trois jours durant des dizaines,
sinon des centaines, de milliers de touristes, surtout cambodgiens mais
aussi étrangers, autour d'un spectacle pyrotechnique qui évoquera
les fastes de l'Empire khmer. La reconstitution mobilisera près
de 600 danseurs et acteurs dans les ruines d'Angkor Wat. Et, pour une bénédiction
bouddhiste, 2.000 bonzes. Des milliers de visiteurs sont déjà
sur place depuis quelques jours, nombre de Cambodgiens qui découvrent
l'endroit avec émotion et touchent les vénérables
pierres pour la première fois.
Le règne multiséculaire (9ème-14ème) des
"Rois-Dieux" d'Angkor marque l'apogée de la puissante et brillante
civilisation khmère en Asie du Sud-Est.
Peut-être, arguent certains analystes pour expliquer la succession
de tragédies qui a bouleversé le royaume, les Cambodgiens
ne
se sont-ils jamais remis de la décadence de leur Empire angkorien.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement et l'industrie touristique ont
parfaitement saisi l'atout potentiel des 1.200 temples khmers
répertoriés sur les 800 km 2 du parc d'Angkor, encore
sous-développé.
Le nombre de touristes a déjà doublé en 1999,
à près de 100.000 contre 40. 000 l'année précédente.
Le gouvernement a d'ailleurs
décidé récemment d'ouvrir Siem Reap à des
vols directs de lignes aériennes internationales pour faire de l'ancienne
capitale royale
"la locomotive" du tourisme au Cambodge.
"Le Cambodge a compris le bénéfice économique
qu'il peut tirer du tourisme de la même façon que la Thaïlande",
explique un
employé du Grand Hôtel de Siem Reap. En séduisant
plus particulièrement une clientèle haut-de-gamme.
Ce luxueux fleuron de l'époque coloniale, qui appartient aujourd'hui
à la chaîne singapourienne Raffles, propose un forfait de
3.000
dollars pour les trois nuits du festival. Les autorités locales
ont dû dépensé plus de 50.000 dollars pour embellir
la préfecture de Siem Reap, ordinairement assoupie, et les temples
des alentours. Notamment pour installer des réverbères le
long de la route de l'aéroport et des chemins forestiers qui mènent
aux tours d'Angkor Wat. Il n'y a pas si longtemps, deux trois ans, la région
des temples était sous la menace sporadique des bandes khmères
rouges, un territoire massivement miné.
Au Cambodge, l'enfance de la protection de l'environnement (AP,
17/9/99)
PARC NATIONAL DE VIRACHEY, Cambodge (AP) -- Pendant 30 ans, les jungles
cambodgiennes ont été livrées à la folie des
hommes et de la guerre. Aujourd'hui, elles vivent leur année zéro
en matière de protection de la faune sauvage, notamment dans le
nouveau Parc national de Virachey, immense domaine de 330.000 hectares
dans le nord-est du pays. Là, des caméras infrarouge ont
été installées le long des itinéraires pratiqués
par les animaux, dans cette région traversée autrefois par
la Piste Ho Chi Minh... En 35 jours, elles ont pris sur le vif 70 photos
de 14 espèces animales, dont deux sortes de léopards, un
chat sauvage, un singe très rare, plusieurs chiens et cochons sauvages,
des daims, ours, civettes...
Selon l'écologiste Tony Lyman, organisateur du projet réalisé
par le Bureau cambodgien de protection de la vie sauvage, sous l'égide
du Fonds mondial pour la Nature (WWF), cette diversité prouve qu'en
dépit de la guerre, un écosystème préservé
a survécu au Cambodge. Car bon nombre de chercheurs pensent que
ces forêts, coupées du monde scientifique pendant si longtemps,
sont encore le Paradis secret des espèces rares. Principale cible
que cette étude veut recenser, le tigre, ``roi'' des espèces
en voie de disparition. Pas un seul d'entre eux n'a pourtant imprimé
la pellicule... Pas plus que d'éléphants. Les tigres, ``grands
animaux, flamboyants et dangereux (...) intéressent les gens. Ils
sont donc devenus le symbole de la protection de la vie sauvage'', explique
Tony Lyman. Selon lui, il n'en resterait que 200 au Cambodge, mais la première
expérience n'incite pas à l'optimisme... Il y a peu, des
gardes forestiers de Virachey ont constaté que des mines antipersonnel,
utilisées autrefois contre les populations civiles, servaient désormais
à tuer les tigres. Cette absence des espèces les plus rares
est venue confirmer les pires craintes des écologistes: depuis la
fin des combats, le Cambodge est touché par les maux frappant la
Thaïlande, la Birmanie, l'Indonésie, la Malaisie... l'abattage
illégal d'arbres, et le braconnage d'animaux rares, qui apparaît
en plein boom au Cambodge.
Autre but de l'enquête, le légendaire kouprey (''vache
de la forêt''). Autrefois animal national, ce boeuf gris cambodgien
a disparu
dans les années 60. Quelques rumeurs de réapparition
ont couru depuis, mais la guerre civile avait jusqu'ici empêché
toute
vérification... Non loin de là, au Vietnam, cinq ou sept
spécimen d'un rhinocéros rarissime et minuscule, cousin du
rhinocéros de Java, ont été retrouvés grâce
à ces mêmes ``pièges-caméras'' que Tony Lyman
apprend désormais aux Cambodgiens à installer.
Bientôt Lynam cèdera les commandes du projet à
ses élèves cambodgiens. Avec à terme la mise au point
et le financement d'un
programme de protection des tigres et des autres espèces en
voie de disparition...
Entreprise de longue haleine dans ce pays dévasté: ``Au
Cambodge, le système de protection de la nature est dans l'enfance.
Pour l'instant, les parcs ne sont que des zones marquées sur une
carte'', souligne Tony Lyman.
Répliquer Angkor Wat: le rêve fou d'un moine cambodgien
(AFP,
16/9/99)
Un moine cambodgien a entrepris depuis deux ans un projet fou:ériger
presque seul une réplique en dur du temple d'Angkor Wat, le symbole
du royaume khmer, près de mille ans après l'original.Le rêve
de Ros Sarin s'est matérialisé près de Phnom Penh,
à plusieurs centaines de kilomètres du vrai parc d'Angkor.
Ici, à Phnom Baset, à trente mètres au-dessus des
rizières, s'élèvent les fameuses tours, copies conformes
du majestueux monument d'origine."Quand j'ai commencé, on m'a critiqué,
on m'a pris pour un cinglé", raconte le bonze sexagénaire."Nous
sommes à la fin du 20ème siècle, et je veux que les
jeunes Cambodgiens se souviennent du passé et sachent qu'il y a
au moins un homme qui continue l'oeuvre millénaire de nos ancêtres
d'Angkor", explique-t-il. L'Empire des "rois-dieux" d'Angkor, du 9ème
au 14ème siècle, a marqué l'apogée de la civilisation
khmère en Asie du Sud-Est. Il en reste aujourd'hui un site grandiose
dans la jungle du nord-Cambodge, unique au monde, près de 1.200
temples répertoriés, dont la plupart sont des ruines isolées,
à demi enfouies sous la végétation. Au delà,
les tours d'Angkor Wat --qui figurent au centre du drapeau national-- sont
pour chaque Cambodgien un symbole de grandeur et de stabilité, tout
ce que le royaume a manqué depuis trente ans. Peut-être, arguent
certains analystes, ce peuple ne s'est-il jamais remis des fastes de l'Empire
angkorien qui a dominé la région pendant des siècles
avant de sombrer dans la décadence et tomber sous l'influence étrangère.
Le nouvel Angkor Wat de Ros Sarin est à bien plus petite échelle
que l'original, trois tours au lieu de cinq, et il est fait de ciment ordinaire,
pas de pierres. La tâche serait impossible autrement. A la place
des bas-reliefs d'"apsaras" (déesses) et de dieux hindouistes de
la "période Bayon" (13ème siècle), le moine a gravé
sur les murs des scènes de la vie quotidienne contemporaine. "Sur
le modèle de l'original, les sculptures de ce temple montrent comment
vécurent les gens de la fin du 20ème siècle", souligne-t-il.
Si elle a forcément un aspect un peu caricatural, la réplique
attire de plus en plus les foules du week-end.
Pourtant, elle n'est pas non plus un "Disneyland" bouddhiste.
C'est un temple actif, avec une vingtaine de moines, hébergés
dans un dortoir voisin. Ros Sarin espère que son monument --baptisé
Nokor Vimeansour, "le temple paradisiaque du pays"-- fournira des emplois
et s'ajoutera au patrimoine artistique cambodgien. Il a mis deux ans à
le dessiner et le construire, avec l'aide de 34 ouvriers et pour quelque
deux millions de dollars en dons --une bagatelle quand il a fallu des siècles
et des milliers d'esclaves pour monter Angkor Wat. Il ne reste à
terminer que les grands portails et les ponts pour que son oeuvre soit
complète."Mais j'ai aussi des plans pour d'autres temples ici",
dit en souriant le bonze devenu architecte.
Les cerfs-volants ne sont plus dans le vent (AFP, 20/8/99)
Proclamant la nécessité de protéger les pelouses
d'un piétinement immodéré, les autorités cambodgiennes
ont réagi contre un divertissement qu'elles assimilent désormais
à un fléau social - les enfants qui jouent au cerf-volant
dans les parcs citadins. Des policiers parfois armés chassent ainsi
de nombreux enfants des parcs de la capitale et confisquent les cerfs-volants
aux marchands, rapporte vendredi le Phnom Penh Post. "On ne peut même
pas laisser deux ou trois personnes jouer au cerf-volant dans le parc -
il y en aurait subitement 100 ou 200 autres pour les imiter", a dit un
agent de la sécurité. "Les Cambodgiens adorent les cerfs-volants
parce qu'ils sont si jolis dans le ciel", dit un marchand. "Et puis, ça
les détend, car cela n'a rien à avoir avec la politique."
La plus populaire actrice du Cambodge succombe à ses blessures
(13/7/99,
AP)
Abattue la semaine dernière par des inconnus armés, la
plus populaire actrice du Cambodge, Piseth Peaklica, 34 ans, a succombé
mardi à ses blessures. L'annonce de sa mort a suscité une
forte émotion à Phnom Penh. Le corps de l'actrice a été
exposé quelques heures dans l'enceinte de l'école des Beaux-Arts
de l'Université de Phnom Penh, où elle avait enseigné
le ballet traditionnel cambodgien. Véritable star dans son pays,
Mme Peaklica était particulièrement appréciée
par le roi Norodom Sihanouk. Les deux hommes qui l'ont criblée
de balles mardi dernier, alors qu'elle faisait son marché dans la
capitale, n'ont pas été retrouvés. Plusieurs quotidiens
ont avancé que l'assassinat aurait été ordonné
par l'épouse jalouse d'un homme politique avec lequel Mme Peaklica
avait eu une aventure. Une section spéciale de la police a été
créée afin d'enquêter sur cet assassinat qui a affligé
toute
la population. Mais jusqu'à maintenant, aucun progrès n'a
été réalisé.
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