Rupture
au Japon (la Tribune, 22/6/98)
Les engagements pris samedi par Tokyo devant ses partenaires du G7
n'impliquent pas de simples réformes, mais une véritable
rupture avec un demi-siècle de pratique économique
et financière. Ainsi, la relance de l'économie passe par
une réforme fiscale, touchant à la fois l'impôt
sur les sociétés et l'impôt sur le revenu. Dans un
pays actuellement en récession de 5 % en rythme annuel, on imagine
l'ampleur que doit avoir cette réforme, et le risque politique
qu'elle signifie. En matière financière, les chiffres de
créances douteuses, d'ailleurs sans doute sous-estimés,
sont déjà si astronomiques que, pour éviter un étranglement
de l'économie faute de liquidités, c'est un plan de sauvetage
sans équivalent dans l'histoire mondiale contemporaine qu'il faut
échafauder. Certes, le Japon demeure un pays aux moyens immenses,
qui peut trouver en lui-même les ressources nécessaires
à son redressement. Mais quelles que soient la volonté politique
et l'habileté des autorités, les Japonais n'échapperont
pas à des restructurations brutales, des faillites en chaîne,
une montée rapide du chômage. Héritière
d'une tradition extrêmement centralisatrice et bureaucratique, où
les liens personnels demeurent souvent de nature quasi féodale,
la société japonaise s'apprête à subir
un choc que ses politiciens ne l'ont guère préparée
à encaisser, mais dont les marchés ne toléreront pas
qu'il soit plus longtemps différé. Déjà
plus que critiques à l'égard de la classe politique, les
Japonais accepteront-ils dès lors les humiliantes conditions
qui marquent l'entrée de leur pays dans l'ère de l'économie
mondialisée ?
André
Lévy-Lang, président du directoire de Paribas: "Le Japon
ne fera pas faillite" (la
Tribune, 22/6/98)
Pour le président du directoire de Paribas, la crise financière
en Asie sera longue à surmonter.Tout en indiquant qu'il n'a pas
de « vraie inquiétude » sur la solvabilité de
l'économie japonaise, il estime que les ajustements de provisions
à réaliser par Paribas sur la zone ne devraient pas remettre
en cause fondamentalement les résultats du groupe. Evoquant
la métamorphose spectaculaire de son groupe depuis trois ans, André
Levy-Lang conteste les reproches qui lui sont faits de ne pas prendre d'initiative.
Le boom des activités de financement spécialisé à
l'étranger a pris le relais des opérations sur le marché
domestique.
"L'Occident
presse Tokyo de transformer vite l'essai sur le yen" (la
Tribune, 18/6/98)
Après l'intervention réussie des banques centrales, les
marchés attendent des réunions du week-end des mesures
très significatives de relance et d'assainissement financier. Mais
seule l'annonce d'un stimulus fiscal permanent paraît de nature à
ramener la confiance.
"ÉCHANGES Le "" boomerang "" de la crise asiatique s'abat
sur le Japon" (la Tribune, 16/6/98)
En avril, les exportations japonaises sont en recul du fait de la contraction
des marchés en Asie. Mais la faiblesse du yen barre un peu plus
la route des autres produits asiatiques vers les pays occidentaux.
Le déficit de la balance des paiements courants du Japon
s'est accru en avril pour le treizième mois consécutif. Mais
les chiffres publiés ce lundi par le ministère des
Finances font apparaître une décélération de
cette croissance. En dépit de la dépréciation constante
du yen, les exportations enregistrent une baisse de 2,4 % par rapport
à leur niveau d'avril 1997. En avril dernier, le dollar valait
131,67 yens, il n'en valait que 125 un an plus tôt. Théoriquement,
cet affaiblissement de la monnaie nippone devrait dynamiser le volume
des exportations même si la valeur des ventes à l'étranger
s'en trouve dans un premier temps diminuée (la fameuse «
courbe en J » des économistes). Il n'empêche que, même
exprimées en yens, les exportations à destination de l'Europe
et des Etats-Unis sont effectivement en forte augmentation - respectivement
+ 18 % et + 7,3 % en glissement annuel - mais elles ont considérablement
diminué (- 18,1 %) vis-à-vis des pays d'Asie qui absorbent
environ 40 % des produits japonais exportés. Dans le même
temps, avec la récession, les importations connaissent une importante
réduction : - 13,8 % en avril 1998 par rapport à avril 1997
- date de l'augmentation de la TVA de 3 à 5 %. Dans
ces conditions, le Japon semble de moins en moins capable d'offrir un débouché
aux produits asiatiques. Pis, la compétitivité accrue
des produits japonais sur les marchés occidentaux constitue un obstacle
supplémentaire pour les pays d'Asie. Le Japon exporte ainsi sa
déflation dans le reste de l'Asie, sans vouloir assumer son rôle
de leader économique. Ainsi, le bureau de recherche de l'Agence
de planification économique se contente-t-il, dans son rapport
sur l'Asie pour 1998, d'épingler les erreurs de gestion financière
des pays d'Asie, sans mentionner la place que le Japon occupe dans
les affaires de la région. Bras de fer. En fait, tout se passe
comme si le Japon et les Etats-Unis étaient engagés dans
un bras de fer, sans trop tenir compte des répercussions de
leurs politiques respectives sur les pays émergents. Les Etats-Unis,
se montrant peu pressés d'endiguer la chute du yen en dépit
de leur déficit commercial avec le Japon, préfèrent
laisser l'archipel aux prises avec la crise asiatique afin qu'il se rende
compte de lui-même de la nécessité de relancer
la demande intérieure plutôt que de compter sur les exportations
pour financer la reprise.
Réactions japonaises : le Premier ministre se dit convaincu
désormais qu'une intervention isolée des autorités
monétaires nippones est vouée à l'échec
et que le Japon a besoin d'une action concertée des banques centrales
d'autres pays pour stopper la chute de sa monnaie. Le quotidien économique
Nihon Keizai affirme que Ryutaro Hashimoto est de plus en plus irrité
par les déclarations du secrétaire d'Etat américain
au Trésor, Robert Rubin. Un membre de son entourage aurait même
déclaré : « Si les Américains acceptent la baisse
du yen, ils n'ont pas le droit de demander au Japon de réduire
le déséquilibre commercial entre les deux pays. »
El Pais + Le Japon en récession « La deuxième
économie la plus importante du monde traverse sa pire situation
depuis la crise du pétrole. (la
Tribune, 16/6/98)
La chute du PIB pendant deux trimestres consécutifs rend officielle
une récession qui s'est déjà manifestée avec
des symptômes comme le nombre élevé des faillites
d'entreprises, l'endettement croissant et la détérioration
de la situation des banques. L'inquiétude à propos d'une
contagion à d'autres économies est parfaitement justifiée.
[...] Les remèdes possibles ne sont pas nombreux et ils présentent
tous des effets secondaires négatifs. Avec les taux d'intérêt
au plus bas, il faudra que ce soit le budget qui fasse la principale contribution
pour rompre le cercle réssif grâce à des nouvelles
réductions d'impôts, et à des augmentations de l'investissement
public susceptibles de redresser la demande intérieure. Outre
ces thérapies de réanimation, il faudra mener à bien
les réformes du système financier et l'élimination
effective des obstacles à l'ouverture totale à l'extérieur
afin que l'économie finisse par s'adapter à un environnement
international très différent de celui qui prévalait
lorsqu'elle surfait sur sa croissance spectaculaire des dernières
décennies. »
Le
Japon est entré en récession économique pour
la première fois en vingt-trois ans (la
Tribune, 15/6/98)
Avec la faiblesse continue du yen et l'annonce d'une baisse de 1,3
% du PIB au premier trimestre 1998, l'entrée en récession
de l'économie nippone ne fait plus aucun doute. Le nombre de grandes
entreprises en faillite a augmenté de 37,5 % en mai. Les mesures
de relance se font toujours attendre et le gouvernement est attaqué
sur tous les fronts.
Le gouvernement japonais trop timide face à la crise bancaire
(Asahi Shimbun par la Tribune,
5/6/98)
« Peu de progrès ont été accomplis dans
le traitement des créances douteuses qui paralysent les institutions
bancaires. Les actifs immobiliers qui ont été apportés
en garantie aux banques ne peuvent pas être vendus facilement. Et
les prêts non remboursés pèsent lourdement sur
l'économie. Le gouvernement et le Parti libéral-démocrate
au pouvoir ont pris des mesures. Réunies sous le nom « Plan
total », elles entendent faciliter aux banques l'élimination
de leurs créances douteuses. [...] Mais les mesures prises jusqu'ici
se limitent à faire circuler des chiffres sur du papier. Et
dans de nombreux cas, le traitement des créances douteuses a été
retardé dans l'espoir d'un relèvement à venides
prix de l'immobilier. Il n'est pas faux de penser qu'une solution ne pourra
être trouvée tant que les biens immobiliers n'auront
pas changé de mains. Mais le plan mis au point par le gouvernement
et le parti au pouvoir pose de sérieux problèmes. »