Frappes aériennes contre l'Irak (décembre 1998) : réactions en Asie
controverses sur le rapport de Richard Butler, chef de la mission d'observation des Nations-Unies en Irak (UNSCOM)
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La publication mardi 15/12 du rapport très négatif du chef de la Commission spéciale sur le désarmement de l'Irak (UNSCOM) a été le déclencheur de la décision de Washington de lancer des frappes, ont affirmé les responsables américains.
Dans ce rapport, l'australien Richard Butler affirmait que l'Irak avait failli à sa promesse de pleinement coopérer avec l'ONU et
que, dans ces conditions, les inspecteurs n'étaient plus en mesure de poursuivre leur travail. "Ce rapport est honnête,
factuel, objectif", a-t-il dit. "Malheureusement, il est juste de conclure que l'Irak n'a pas tenu sa promesse de pleinement coopérer."
Le conseiller du président Bill Clinton pour la sécurité nationale Samuel Berger a reconnu mercredi que Washington avait eu
"des indications sur les conclusions de Butler dès dimanche 13/12", soit deux jours avant le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. M. Annan et ses collaborateurs ont été "surpris" par les conclusions beaucoup plus négatives que prévues par le rapport et s'attendaient à un texte plus équilibré, ont indiqué des sources onusiennes.

Quelques heures après le lancement de l'opération ``Renard du désert'' qui pourrait durer plusieurs jours (le Ramadan doit commencer samedi ou dimanche), les réactions dans le monde vont du soutien clair aux frappes militaires américano-britanniques sur l'Irak au soutien nuancé en passant par la colère. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont trouvé très peu d'appuis à leur intervention militaire conjointe contre l'Irak,leurs alliés et leurs adversaires appelant quasi-unanimement à la cessation des bombardements. Parmi les alliés des Etats-Unis, seuls le Japon, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Corée du sud, l'espagne et  la Norvège  ont manifesté à divers degrés leur soutien à l'action prise par Londres et Washington dans la nuit de mercredi à jeudi contre les capacités militaires irakiennes en matière  d'armes de destruction massive.  Par ailleurs, une vague de critiques a accueilli les attaques aériennes, en particulier du fait de leur caractère unilatéral. Les réactions jeudi en Asie aux frappes américaines et britanniques contre l'Irak sont allées de la très ferme condamnation de la Chine à des expressions de soutien par d'autres pays, mais toujours avec des marques de grande "préoccupation" au sujet de l'évolution de la situation.
Dans la plus importante attaque contre l'Irak depuis la guerre du Golfe en 1991 les Etats-Unis appuyés de la Grande-Bretagne ont lancé plusieurs centaines de missiles de croisière contre l'Irak dans l'opération "Renard du désert" qui devrait durer plusieurs jours.. Voici quelques réactions dans le monde le 17 décembre 1998.  (Sources : AFP 17-18./12/98)

"Un jour triste pour les Nations Unies et le monde" 
Kofi Annan, a "vivement regretté" que les efforts diplomatiques pour résoudre pacifiquement la crise irakienne aient échoué. "C'est un jour triste pour les Nations unies et le monde entier", a-t-il souligné
L'ancien secrétaire général des Nations-unies Boutros Boutros-Ghali déplore les frappes américaines contre
l'Irak et affirme être ``solidaire du peupe irakien'' dans une interview publiée par ``Le Parisien'' dans son édition de vendredi. 
``C'est surtout un jour triste pour le peuple irakien qui souffre, coincé entre une dictature implacable et un embargo
inadmissible. Je suis solidaire du peuple irakien'', réagit Boutros Boutros-Ghali 
``J'ai toujours été contre l'embargo et contre la politique des sanctions. Pour faire céder Saddam Hussein, il aurait fallu, en
réalité, des sanctions qui touchent uniquement les gens au pouvoir à Bagdad'', estime-t-il. 

Asie

L'Inde a estimé que les raids sapaient l'autorité du Conseil de Sécurité et a demandé l'arrêt des frappes. Le Liban, l'Autorité palestinienne, le  Pakistan, l'Iran et la Malaisie les ont également condamnées. 

Manifestations anti-américaines en Malaisie et en Indonésie
Dans la capitale indonésienne, Djakarta, des étudiants ont manifesté vendredi devant le bâtiment des Nations-unies. 
Une délégation d'une vingtaine de manifestants a remis une pétition condamnant l'opération ``Renard du désert'' aux
représentants de l'ONU. Les manifestants demandent également au gouvernement indonésien de rompre ses relations
diplomatiques avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Jeudi, le gouvernement indonésien avait appelé à l'arrét des frappes aériennes contre Bagdad. 
En Malaisie, des manifestants pro-gouvernementaux portraits dessinés de Bill Clinton ont défilé devant l'ambassade des Etats-Unis. ``Les Etats-Unis sont gouvernés par le mensonge et la luxure'', et ``Clinton, ne détourne pas
l'attention de ton scandale sexuel'' furent parmi les principaux slogans d'une vingtaine de manifestants qui ont également remis une note aux diplomates américains. La délégation était conduite par Mohd Ali Rustam, le vice-ministre malaisien des
Transports. 

La Chine, également membre permanent du Conseil de sécurité, a elle aussi condamné l'action américano-britannique. Pékin s'est déclaré "choqué" : "Nous demandons aux Etats-Unis d'interrompre immédiatement son action militaire contre l'Irak", a déclaré Sun Yuxi, porte-parole du  ministère des Affaires étrangères. 
L'ambassadeur de Chine à l'ONU Qin Huasen, visiblement irrité à sa sortie d'une réunion du Conseil de sécurité mercredi soir, où il venait d'apprendre le lancement de l'opération, a estimé qu'il n'y avait ``absolument aucun prétexte ou excuse pour utiliser la force contre l'Irak''. 

L'Indonésie, le plus grand pays musulman du monde a appelé les Etats-Unis et l'Irak à la retenue. ``Nous appelons les parties en conflit de régler  leurs problèmes pacifiquement et par la voie diplomatique'', a déclaré le ministre des Affaires étrangères par interim Imron Kotan. 

A Tokyo, le secrétaire général du gouvernement Hiromu Nonaka a souligné que le Japon ``demande avec force que l'Irak se conforme immédiatement et inconditionnellement aux résolutions du Conseil de sécurité''. 
Le Premier ministre japonais Keizo Obuchi a exprimé le soutien de son pays à l'opération militaire déclenchée par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne contre l'Irak et exhorté Bagdad à se conformer aux inspections de ses armements par les Nations unies. "Cela est profondément regrettable mais l'Irak a refusé de coopérer avec l'UNSCOM, ce qui a mené la situation dans l'impasse", a-t-il déclaré dans un communiqué publié à Hanoï, où se tient le sommet de l'Association des pays du Sud-Est asiatique (Asean).   Hiromu Nonaka, principal porte-parole du gouvernement japonais, a estimé que les frappes dureraient quatre jours au plus. 

Le Premier ministre australien, John Howard, a estimé pour sa part que les frappes américaines et britanniques contre l'Irak étaient inévitables, Bagdad ayant manqué à ses engagements concernant sa coopération avec l'Unscom. Le recours à la force est ``regrettable'', mais Saddam Hussein 'n'a laissé aucune alternative''. 
Le gouvernement de Canberra a demandé aux australiens actuellement en Irak de quitter immédiatement le pays et a conseillé à ses  ressortissants en Israël, au Koweit et dans les territoires palestiniens de ne pas demeurer dans ces pays sauf raisons impérieuses.

La Nouvelle-Zélande a soutenu l'opération sans ambages. Le Premier ministre Jenny Shipley a relevé que ``des 
innocents souffriront des conséquences (mais) ne pas agir aurait engendré des conséquences encore plus graves''

A Manille, le président philippin Joseph Estrada a lui aussi regretté le recours à la force, espérant une résolution rapide de la crise pour ``sauver  immédiatement des vies''. 

En Afghanistan, les Talibans au pouvoir ont fermement condamné les raids contre Bagdad. "Cet acte va à l'encontre des principes et lois internationaux. Cette attaque a peut-être un lien avec la destitution de Clinton et les Etats-Unis et la Grande-Bretagne devraient y mettre un  terme". 

Les Philippines, la Thailande, et Singapour ont exprimé leurs "regrets" et se sont prononcés contre l'usage de la force en jugeant "malheureux" les évènements de la nuit et en exprimant leur "grande préoccupation".
Manille et de Singapour ont appelé l'Irak à "respecter les résolutions de  l'UNSCOM".
Aux Philippines, où un mouvement indépendantiste du sud du pays a qualifié Bill Clinton de "meurtrier de l'Islam" et de "plus grand terroriste au monde", le gouvernement de Manille a indiqué qu'il suivait de près la situation et préparait, en coordination avec d'autres gouvernements de la région, l'évacuation possible de ses centaines de milliers de ressortissants émigrés au moyen-orient.
Sur le plan de la sécurité, la Thailande a annoncé des mesures de sécurité spéciales autour des édifices américains et britanniques à Bangkok.
Les analystes financiers interrogés à Singapour ne prévoyaient cependant qu'un effet à court terme de l'attaque contre l'Irak, citant comme plus  grand souci de préoccupation pour les intervenants sur le marché la procédure de destitution engagée contre Bill Clinton.
Les attaques contre l'Irak ont eu des effets divers sur les places boursières, faisant remonter la bourse de Sydney en raison des perspectives de hausses dans les secteurs de l'énergie et en particulier du pétrole, et faisant baisser la bourse de Kuala Lumpur suite aux craintes de débordements en Malaisie de nouvelles perturbations financières.

Fédération de russie
Le président russe Boris Eltsine a déclaré que l'intervention, qu'il a jugé "inacceptable", constituait une grossière violation de la Charte des Nations unies et qu'elle "portait en germes les conséquences les plus dramatiques" pour la région du Golfe.
A Madrid où il était en visite, le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov a demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité et a  fustigé l'usage de la force qu'il a considéré comme ``une violation de la Charte des Nations unies''. ``Aucun pays n'a le droit d'agir seul au nom des Nations unies et encore moins s'ériger en seul juge pour le monde entier'', a-t-il souligné. 
Les communistes russes ont de leur côté accusé Washington de "terrorisme" qui pourraient conduire à une guerre mondiale. 

L'Otan et la Russie poursuivent leur coopération malgré le conflit en Irak
Le Conseil conjoint Otan/Russie s'est réuni le 18 décembre  à Bruxelles, tandis que des diplomates estimaient que l'Alliance atlantique et Moscou allaient poursuivre leur coopération en dépit des frappes en Irak, vivement
dénoncées par la Russie.  La situation en Irak a dominé cette réunion semestrielle du Conseil conjoint, mais les deux parties considèrent que "la coopération doit se poursuivre en dépit" du fait que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, membres influents de l'Otan, sont en guerre avec le président irakien Saddam Hussein, a indiqué un diplomate.
"Nous voudrions que les bombardements sur l'Irak s'arrêtent immédiatement", mais "nous comprenons que ce n'est pas l'Otan qui est responsable de ces faits", a, à cet égard, déclaré l'ambassadeur russe auprès de l'Alliance Sergueï Kisliak. Le Conseil conjoint, créé en mai 1997 et qui donne un droit de regard à la Russie sur les affaires de l'Otan sans droit de veto, doit fonctionner "quelque soit le temps, bon ou mauvais" et la Russie est d'accord avec cette analyse, a résumé un diplomate européen. Cette position permet à la Russie de ne pas s'isoler complètement sur la scène internationale, notent les observateurs. Outre la décision d'annuler le déplacement à Bruxelles de son ministre de la Défense Igor Sergueïev, qui a menacé de revoir le partenariat russe avec l'Otan si la position de Moscou continuait d'être ignorée, la Russie a, en effet, rappelé, toujours pour protester contre les frappes sur l'Irak, ses ambassadeurs en poste à Washington et Londres. Mais, signe de cette volonté de Moscou de poursuivre des relations avec l'Otan, le président russe Boris Eltsine s'est borné à demander à son ministre de la Défense de ne pas se rendre vendredi à Bruxelles, sans pour autant remettre en cause le principe de la session du Conseil conjoint.
Résultat, la Russie a été représentée à cette réunion, initialement convoquée au niveau des ministres de la Défense, par son
ambassadeur en Belgique Sergueï Kisliak.
Peu de ministres d'ailleurs étaient présents à la réunion convoquée de longue date. La Grande-Bretagne et les Etats-Unis étaient représentés par des hauts responsables de la Défense, tandis que plusieurs autres pays européens ont chargé leurs
ambassadeurs permanents à l'Otan de défendre leurs positions.
Une conférence de presse que devaient initialement donner à l'issue de la réunion le secrétaire général de l'Alliance Javier
Solana avec le représentant russe et le ministre de la Défense grec (coprésident en exercice du Conseil conjoint) a été annulée, a-t-on indiqué au siège de l'Otan.
"On ne peut pas faire abstraction des crises, mais chaque crise qui survient ne veut pas dire aussitôt que l'Otan s'en charge", a expliqué un diplomate. "Nous ne pouvons pas faire comme s'il ne se passait rien en Irak", a confirmé Sergueï Kisliak, en espérant que les évènements actuels ne serviront pas "de base" à la future politique de l'Occident et de l'Otan. Au cours de la réunion, beaucoup de pays ont souligné que l'Irak ne faisait pas partie du domaine de compétence de l'Alliance (la sécurité en Europe). En se félicitant que la réunion Otan/Russie ait pu se tenir, chacun a exprimé sa position nationale sans qu'il y ait débat, selon un diplomate.
A propos de la Bosnie, la Russie s'est félicitée de la bonne coopération qui existe avec l'Otan.
"Nous avons constaté qu'en Bosnie, nous avons fait beaucoup de choses utiles. Le potentiel de nos relations avec l'Otan est encore grand", a indiqué l'ambassadeur russe auprès de l'Alliance.
Le projet d'installer une mission militaire de l'Otan à Moscou est maintenu, ont dit des diplomates. Initialement prévue pour la fin de l'année, la mise en place de cette mission ne devrait en définitive intervenir qu'en 1999, en raison de "problèmes
bureaucratiques", selon des diplomates.

Proche-Orient
Des oulémas s'élèvent contre une attaque durant le mois de Ramadan
"Evidemment, les Américains et les Britanniques font fi du Ramadan et des sentiments de plus d'un milliard de musulmans", a
notamment déclaré cheikh Abdel Sabour Chahine, professeur égyptien de sciences islamiques, contacté par l'AFP.
"Nos dirigeants se borneront, au mieux, à condamner l'agression, alors qu'il faudrait rompre les relations diplomatiques avec
Washington et Londres et arrêter de les approvisionner en pétrole", a-t-il cependant ajouté.
"Les Américains souhaitent frapper durant le Ramadan. Ils trouvent du plaisir à avilir davantage les Arabes", affirme pour sa
part un autre ouléma égyptien, cheikh Abdel Adhim Dib, professeur à la faculté de théologie du Qatar.
Selon lui, "les pays arabes ne pourront pas empêcher une frappe durant le Ramadan, mais ils peuvent à la rigueur refuser d'accorder des facilités militaires aux Américains". Cheikh Dib a déploré "la marginalisation des masses arabes, réduites au silence par leurs dirigeants".
Le même constat est exprimé par cheikh Ali Qorra Daghi, un irakien professeur à l'Université du Qatar.
"L'Amérique a réussi à apprivoiser les peuples arabes", a déclaré M. Qorra Daghi, estimant qu'"une éventuelle réaction des
masses serait sans effet sur le cours des événements".
Pour cheikh Yahiya Ismaïl, ouléma à al-Azhar, la plus prestigieuse institution sunnite d'Egypte, "l'Amérique a réussi à arracher l'Irak du corps arabe et islamique".
"L'Irak est devenu un membre sans vie dans le corps anesthésié de la nation arabe", a-t-il dit en appelant les Arabes à "secouer leur torpeur".
Cheikh Abderrahman al-Madani, ouléma syrien notoire résidant en Arabie saoudite, s'est pour sa part refusé à commenter l'attaque américano-britannique, se bornant à rappeler que "le Ramadan est le mois de l'entraide et de la réconciliation entre frères musulmans".
En Arabie saoudite, le quotidien al-Ryad a estimé qu'une frappe durant le Ramadan susciterait "au pire, quelques escarmouches de la part de certains extrémistes islamistes". 
Des commentateurs ont raillé Bill Clinton, qui,  selon eux, a bombardé Bagdad pour détourner l'attention de la procédure de destitution engagée à son encontre. "Pour Monica Lewinsky, ils  avaient frappé l'Afghanistan et le Soudan. Et maintenant, pour les yeux de Monica, ils ont frappé Bagdad", s'exclame un commentateur sur Al-Jazira, chaîne de télévision par satellite du Qatar. Fin août, Washington avait procédé à des frappes anti-terroristes américaines au Soudan et en Afghanistan, accusés de fourbir leurs armes en vue de l'attaque de sites stratégiques américains. 

Israël a choisi la neutralité. Le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a souligné que l'Etat hébreu entend ``rester en dehors de la dispute, et  dans tous les cas, prendra soin de se défendre si le besoin s'en fait sentir''. ``Nous n'avons pas l'intention de prendre part à ce conflit, mais nous nous préparons à toutes les éventualités'', a t-il déclaré, avant de retrouver son cabinet de sécurité, et notamment son ministre de la Défense Yitzhak Mordechai et celui des affaires étrangères Ariel Sharon, pour une réunion stratégique. 

Plusieurs manifestations ont par ailleurs eu lieu dans les territoires palestiniens, comme à Bethléem, Hébron, Gaza et Naplouse où 3.000  personnes ont brûlé des drapeaux américains et crié: ``Mort à l'Amérique!'' et ``Mort à Clinton!''. Ils étaient également 3.000 sur le campus de l'université du Caire et 250 sur celui de Beyrouth. 

Les Koweitiens s'estiment peu concernés par l'attaque américano-britannique en cours depuis contre l'Irak, tout en
reconnaissant qu'ils aimeraient bien voir le président Saddam Hussein renversé. 
Les avions américains et britanniques basés au Koweit n'ont pas participé aux premiers raids contre l'Irak, selon l'ambassade des Etats-Unis à Koweit et des responsables militaires britanniques. Le gouvernement koweitien a pour sa part annoncé jeudi avoir pris les mesures nécessaires pour "faire face à toute éventualité et défendre la souveraineté, la sécurité et la stabilité du pays".
"Ce sont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne qui ont décidé d'attaquer l'Irak, pas le Koweit. C'est différent de la guerre du Golfe" en 1991, au cours de laquelle une coalition multinationale conduite par Washington a libéré le Koweit alors occupé par l'Irak depuis plusieurs mois, dit un résident koweitien.

Europe

Environ une heure après le début de l'attaque, la France s'est dissociée des Etats-Unis et des Britanniques dans un communiqué. "Nous déplorons l'engrenage qui a conduit à ces frappes américaines dont les conséquences risquent d'être sévères pour les populations en Irak", a  ensuite déclaré Lionel Jospin, en voyage officiel au Canada, reprenant les termes du communiqué. Le Quai d'Orsay a déploré ``l'engrenage qui a conduit aux frappes militaires américaines contre l'Irak et les graves conséquences humaines qu'elles pourraient avoir pour la population irakienne''. réactions en France et dans la presse française

La Grande-Bretagne, seul allié des Etats-Unis à participer à l'attaque contre l'Irak, a fourni la plus éclatante illustration
du "lien privilégié transatlantique" que Tony Blair et Bill Clinton ont rétabli comme aux meilleurs temps du couple conservateur
Thatcher-Reagan. 
Dans le quotidien français Le Figaro, le Premier ministre britannique répète ainsi que la décision d'agir a été "prise à regret" et reconnaît qu'il y aura "des victimes, malgré tous nos efforts". "Nous avons pris cette initiative parce qu'il faut contrer le danger réel que pose un tyran", ajoute Tony Blair.
Son ministre de la Défense George Robertson s'est appliqué de son côté à minimiser la crise diplomatique ouverte avec la
Russie, qui a rappelé son ambassadeur à Londres, après celui de Washington.
Cette mesure ne diminue pas le "soutien international" à l'opération militaire américano-britannique, a assuré le ministre de la
Défense. "Les Russes veulent faire un geste, mais ils ont eux-mêmes souscrit très clairement en février à la résolution (de
l'ONU) qui avertissait des plus graves conséquences" si l'Irak ne respectait pas ses engagements, a ajouté M. Robertson, alors
que l'ambassadeur se préparait à prendre le premier vol pour Moscou.
Robin Cook, le chef de la diplomatie, et son secrétaire d'Etat Derek Fatchett, chargé du Proche-Orient, multiplient aussi les efforts pour expliquer la position britannique, avait indiqué jeudi Downing street.
Chez lui, Tony Blair est assuré du soutien de toute l'opposition, conservatrice et libérale-démocrate et de la majeure partie du
parti travailliste, à l'exception de l'aile gauche du Labour qui a manifesté haut et fort sa désapprobation jeudi.
Mais quelques journaux s'interogeaient vendredi matin sur les risques d'isolement de Londres: "cette opération n'a le soutien
affiché que d'une poignée de pays et suscite l'opposition de la plupart", notait le Guardian. Et Tony Blair, qui se veut le plus
européen des Premiers ministres britanniques, est en train de donner des arguments aux "eurosceptiques qui estiment que
"Londres devrait s'éloigner de l'UE" pour signer "un accord transatlantique" avec Washington, ajoutait le journal.réactions dans la presse britannique

Pour le ministre autrichien des Affaires étrangères Wolfgang Schuessel, dont  le  pays exerce la présidence tournante de l'UE, Saddam Hussein est responsable des conséquences de ses actes. Toutefois, il a dit à l'agence APA préférer des frappes ``limitées dans le temps et ne visant que des cibles militaires''.

Pour le chef de gouvernement néerlandais Wim Kok, ces attaques étaient ``inévitables''. Parlant de ``défaite de la diplomatie'', il a dit espérer qu'elles n'affecteront pas le peuple irakien. A Berne, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a exprimé ses regrets que la crise n'ait pas pu être réglée pacifiquement, tout en sommant Bagdad de se conformer aux résolutions de l'ONU. 

L'Allemagne a regretté le recours à la force, espérant une issue politique rapide. A Bonn, le chancelier allemand Gerhard Schroeder a exprimé la ``solidarité'' de l'Allemagne avec ``la communauté internationale et nos alliés américains et britanniques''. Pour lui, ``l'usage de la force militaire est la conséquence du refus obstiné de Saddam Hussein de coopérer avec les inspecteurs en désarmement comme prévu par les résolutions de l'ONU''. 

L'Italie a appelé à mettre rapidement un terme aux frappes,  jugeant qu'elles ne résoudraient probablement pas la crise. 
En revanche, l'Espagne et le Portugal ont affiché leur soutien à leurs alliés américains et britanniques. 

Afrique

Le gouvernement algérien a lancé jeudi ``un appel pressant à la cessation immédiate des opérations militaires contre l'Irak''. Alger considère dans un communiqué officiel que ``les différends liés à la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité doivent être résolus dans le cadre du Conseil de sécurité et conformément à la légalité internationale'' et non par ``l'usage de la force de manière unilatérale''. De son sôté, le sénat algérien a estimé que les raids de mercredi étaient ``venus approfondir les souffrances du peuple irakien, déjà frappé par l'embargo qui lui est imposé depuis 1991''. 

Côté sud-africain, on ne cachait pas sa déception. Le ministre des Affaires étrangères Alfred Nzo a estimé que la force ne résoudra rien et ne fera qu'aggraver ``les souffrances du peuple irakien''. 

Le secrétaire général de l'Otan Javier Solana a pour sa part accusé Saddam Hussein d'être le seul responsable de la situation et l'a pressé de se  conformer aux exigences de l'Onu. 
Les Pays-Bas, les Philippines et Oman, tout en regrettant l'usage de la force ont fait de même. 

 Canada
``Saddam Hussein s'est attiré cette crise tout seul'', a souligné le Premier ministre canadien Jean Chrétien. Son ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy a déclaré que le gouvernement approuvait ces frappes, ajoutant qu'Ottawa n'avait pas étésollicité pour une contribution militaire. 

Sondage aux Etats-Unis
Pour 30% des Américains, le président Bill Clinton a choisi la date des frappes militaires contre l'Irak pour retarder le
vote de la Chambre des Représentants sur sa destitution, selon un sondage réalisé par ABC News. 
Par ailleurs, 58% des personnes interrogées estiment que Bill Clinton ne devrait pas être destitué, contre 40% qui sont favorables à sa destitution. 
Ce sondage a été réalisé mercredi soir auprès de 510 adultes interrogés après le début des frappes contre l'Irak, avec une marge d'erreur de 4,5 points. 

La communauté arabe américaine manifeste contre les frappes 
"Nous ne voyons pas de raison à cette réaction des Etats-Unis", a déclaré à l'AFP Oussama Siblani, responsable de l'Arab
American News, à Dearborn (Michigan). Il s'agit de "faire diversion" juste avant le vote sur la destitution du président, selon lui.
Siblani s'est dit très découragé d'apprendre que, selon les sondages, 73% des Américains étaient favorables aux frappes contre
l'Irak. Il a dit avoir pourtant reçu de nombreux courriers électroniques d'Américains qui ne sont pas d'origine arabe et qui disent
"avoir honte" de l'attaque américano-britannique.
Le Comité américano-arabe contre la discrimination, basé à Washington, a également dénoncé les attaques contre l'Irak. "C'est choquant de voir qu'après huit années de sanctions, qui, de l'aveu même des agences de l'ONU, ont été responsables de la mort d'au moins un million de civils irakiens, les Etats-Unis cherchent à faire plus de morts", a affirmé le comité dans un
communiqué.

 

réactions en France :

Le point de vue officiel de la France est le suivant : Paris déplore l'''engrenage'' qui a mené aux bombardements. On regrette que
Saddam Hussein ne se soit pas plié aux demandes des Nations-unies, mais on déplore aussi que les Américains et les
Britanniques aient choisi la voie de la force pour tenter de régler le problème. ``D'un côté, nous avons la frustration américaine et, de l'autre, l'irrationalité des Irakiens. (...) Dans les derniers jours, c'était inévitable. Mais inévitable ne veut pas dire nécessaire'', a affirmé M. Jospin.Il a souligné: ``Nous voudrons qu'à un moment, un bilan soit fait de cette situation que nous n'avons pas souhaitée et que nous n'avons pas approuvée. Ensuite, nous essaierons de faire entendre notre position pour qu'on essaie de trouver des solutions à ce problème irakien''. 

" Nous déplorons l'engrenage qui a conduit à ces frappes américaines dont les conséquences risquent d'être sévères pour les populations en Iraq. Nous regrettons naturellement que les dirigeants iraquiens ne se soient pas tenus à l'accord qui avait été signé avec le Secrétaire général des Nations unies et M. Tarek Aziz, et dont le plein respect aurait pu amener à ce qu'un examen global de la situation en Iraq puisse déboucher sur une issue plus positive. Vous vous souvenez que la France, à plusieurs reprises, a essayé de seconder les efforts du Secrétaire général pour trouver une issue diplomatique à cette crise, qui est toujours celle qui a notre préférence ", déclaration du Premier ministre, lors de son entretien avec la presse, 17 décembre

Pour en savoir plus

Conférence de presse et interventions d'Hubert Védrine, les dernières déclarations du Porte parole du Quai d'Orsay... sur le site du ministère des Affaires étrangères 

Plusieurs partis de la coalition de gauche au pouvoir en France ont souhaité jeudi que le gouvernement de Lionel Jospin condamne plus clairement les frappes américaines en Irak. Seul le PS a adopté une position moins tranchée, plus proche de celle du gouvernement. 
- Pierre Guidoni, secrétaire national du PS aux Relations internationales.  Le Parti socialiste exprime sa très vive préoccupation devant la situation en Irak et demande l'arrêt immédiat des bombardements américains qui représentent un recours unilatéral à la force, en violation du droit international et de la charte des Nations unies", déclare Pierre Guidoni, secrétaire national du PS aux relations internationales, dans un communiqué. ``Ces frappes ne sont pas le moyen le plus approprié pour résoudre les crises provoquées par les manoeuvres répétées de Saddam Hussein. Elles ne peuvent qu'infliger de nouvelles souffrances aux populations civiles sans créer les conditions d'un désarmement durable et contrôlé de l'Irak, qui reste le seul but de la communauté internationale.''
- Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères. ``On n'a jamais ménagé nos efforts pour qu'on trouve une facon d'avancer'' sur les inspections du désarmement de l'Irak. ``Mais c'est Saddam Hussein qui porte la première responsabilité (...). Je regrette que le leader irakien et d'autres autorités de ce pays n'aient pas fait preuve d'esprit de coopération.'' 

Le Parti communiste, les Verts et le Mouvement des Citoyens (MDC) ont beaucoup plus clairement condamné l'attitude de Washington et ont appelé à manifester jeudi à 18h devant l'ambassade des Etats-Unis à Paris. 

- "Déplorer ne suffit pas. Il faut condamner", a dit Robert Hue, secrétaire national du PCF. "Je regrette que la France ne se fasse pas entendre avec plus de fermeté. J'attends de la diplomatie française et de l'Europe qu'elles interviennent pour l'arrêt des opérations" en Irak. 
- Le président délégué du MDC, Georges Sarre, "condamne sans équivoque l'intervention militaire anglo-américaine contre l'Irak, déplore les victimes innocentes qui viennent s'ajouter à toutes celles de l'embargo qui dure depuis huit ans et s'indigne de la décision unilatérale du président Clinton, qui fait fi des instances internationales, en particulier l'Onu". 
- Les Verts. ``Par cet acte, en s'autoproclamant gendarmes de la planète, les Etats-Unis violent la Charte des Nations unies et démontrent leur mépris pour l'ONU, pour le Conseil de sécurité et plus généralement pour le droit international au nom duquel ils prétendent agir. La population irakienne est prise en otage par Bill Clinton et Saddam Hussein. L'un se sert des frappes pour retarder la procédure d'impeachment, l'autre profite de chaque nouvelle crise pour renforcer sa dictature. (...) Pour mettre définitivement fin à la guerre du Golfe, il faut lever l'embargo.'' 

- Ligue des droits de l'Homme. ``L'initiative du gouvernement des Etats-Unis porte gravement attiente à l'autorité du Conseil de sécurité et à sa capacité d'intervenir efficacement à l'occasion de risques de conflits armés. D'autre part, faisant suite à l'embargo imposé depuis 1991, cette décision frappe une nouvelle fois le peuple irakien sans affaiblir le pouvoir dictatorial de Saddam Hussein.'' 


 
réactions de la presse britannique et française

LONDRES, 18 déc (AFP) - La réaction de la presse britannique aux frappes aériennes est largement positive vendredi, les
journaux l'estimant justifiée et trop longtemps différée.

En revanche, la presse française est sans pitié pour le président Bill Clinton, soupçonné d'avoir lancé une opération de
diversion.

Selon le Times (centre-droit), le président Bill Clinton et le Premier ministre Tony Blair "ont eu le courage politique d'agir dans
l'intérêt de l'ordre mondial ainsi que l'exigeaient les lois internationales et les impératifs de sécurité".

Le Daily Telegraph (droite) affirme que les raids aériens étaient à la fois implicitement autorisés par l'ONU et moralement
justifiés tout en s'interrogeant sur l'autorité morale dont dispose la président Clinton en pleine procédure de destitution sous
l'accusation de parjure. "Même lorsqu'il agit correctement, il demeure suspecté", écrit le journal.

Pour l'Independent (centre-gauche), Washington et Londres n'avaient pas le choix. "Lier le bombardement et la destitution,
c'est pousser trop loin l'accusation de duplicité", écrit-il.

Le Guardian (gauche) est moins assuré dans son soutien, et cherche vainement à quel résultat tangible conduiront les frappes,
tout en qualifiant les raisons de l'implication britannique de "mal définies".

Les tabloïds Mirror et Sun sont les plus grands supporters de l'action militaire.

"Une fois de plus, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis doivent faire le sale boulot", estime le Sun. Eux-seuls "ont eu le courage d'agir" contre Saddam Hussein.

Où était le reste de l'Europe ? demande-t-il en y trouvant la preuve qu'il n'y aurait jamais de Force européenne de défense.

Le Mirror tance également ceux qui s'opposent à l'intervention: la Russie est "un tigre édenté", la Chine "ferait mieux de se taire étant donné la situation des droits de l'homme dans la pays et la France "dit toujours ce qu'elle estime le plus conforme à son intérêt".

En France, Le Figaro (droite modérée) déplore cette intervention militaire. "Voici la fierté nationale des Etats-Unis convoquée
pour sauver une situation personnelle compromise. Voici la fierté nationale des Irakiens, dont Saddam joue aussi - à sa
manière. Triste parallélisme. Et voici la France et l'Angleterre sur des fréquences différentes, quelques jours après le sommet
franco-anglais de Saint-Malo, où l'on avait parlé de coordination militaire. Les Anglo-Saxons contre les continentaux? Les
lignes de clivage ont du mal à s'effacer".

Libération (gauche) martèle: "C'est la fellation la plus meurtrière de l'Histoire. (...) Comme les raisons stratégiques avancées
sont des faux-semblants, comme les intérêts de l'Amérique ne sont pas en cause, il faut en revenir à Monica Lewinsky. Clinton dans l'embarras peut toujours compter sur Saddam. Le couple Amérique-Irak s'apparente ainsi à un couple sado-maso à l'échelle internationale, couple au sein duquel chacun trouve naturellement son compte: tous les deux s'en servent pour perpétuer leur pouvoir. (...) L'attaque américaine, parce qu'elle est inutile, parce qu'elle se fait en dehors du droit international, parce que c'est une guerre à usage privé, crée un immense désordre".
rapport, selon ``Libération'' (AP)  Le chef de la mission d'observation des Nations-unies en Irak, Richard  Butler a volontairement noirci les conclusions de son rapport pour offrir un prétexte aux  frappes brito-américaines contre l'Irak, affirme ``Libération'' dans son édition de vendredi.

Le quotidien populaire France-Soir estime: "D'un autre chef d'Etat, on dirait donc qu'il a perdu la raison. Mais les Etats-Unis
ont la raison du plus fort. Avec ou sans obsédé sexuel aux commandes. Et, face à eux, l'Europe n'ose rien. Comment le
pourrait-elle ? Elle a démontré, ces dernières heures, qu'elle n'existe pas. Avec ou sans monnaie unique".

L'Humanité (communiste) écrit: "Finalement, les +frappes chirurgicales+, c'est assez simple: on vise les bâtiments civils; on
touche les civils; pour le reste, rien ne change. Notons tout de même que cette aventure militaire soulève, à travers le monde,
une condamnation quasi générale. Nous sommes donc bien loin de la +Sainte-Alliance+ de la guerre du Golfe, qui n'est plus
qu'un vieux souvenir".



revue de presse de RFI (18/12/98)

Les stratèges en communication de la Maison-Blanche ont sans doute autre chose à faire que de dépouiller minutieusement la presse française. Ils pourraient y apprendre que le ton unanime des commentaires des journaux de ce vendredi n'est pas particulièrement favorable -et c'est presque un euphémisme- aux frappes américaines contre l'Irak. Avec un portrait de Bill Clinton en première page, FRANCE-SOIR s'exclame : "Arrêtez-le !" . Un peu à la manière dont on le ferait pour un fou dangereux ou d'un malfaiteur. "Histoire de fous", c'est d'ailleurs le titre de l'éditorial où l'on peut lire notamment : "D'un autre chef d'Etat, on dirait qu'il a perdu la raison. Mais les Etats-Unis ont la raison du plus fort. Avec ou sans obsédé sexuel aux commandes. Et face à eux, l'Europe n'ose rien.
 Comment le pourrait-elle ? Elle a démontré, ces dernières heures, qu'elle n'existe pas. Avec ou sans  monnaie unique". C'est encore FRANCE-SOIR qui fait remarquer ce qui tombe sous le sens pour  tous ceux qui connaissent un peu l'Histoire : l'expression "Renard du désert", le nom de l'opération de frappes aériennes n'est pas particulièrement heureuse. Le "Renard du désert", c'était le surnom donné au maréchal allemand Rommel qui commandait l'armée d'Hitler en Afrique, la célèbre
 "Afrikakorps". On peut encore noter que "Desert fox" ou "Renard du désert", c'est le nom d'un site Internet nazi basé en Arizona, et qui vend par correspondance des objets souvenirs ou des chants à la gloire du IIIème Reich. On peut d'ailleurs juger que tout cela est bien anecdotique. 

 Les frappes de l'Irak : le camp divisé

 LIBERATION va plus loin, en évoquant dans sa manchette "La manip du rapport Butler". Autrement  dit, la manipulation réalisée par le chef de la mission d'observation de l'ONU en Irak, l'UNSCOM, l'Australien Richard Butler. Il aurait -ce qui n'est pas le seul avis de LIBERATION- volontairement noirci le tableau en accusant les Irakiens de faire preuve de beaucoup plus de mauvaise volonté qu'ils n'en ont sans doute fait, pour justifier l'intervention militaire de Washington. Et l'éditorial signé du directeur du journal commence ainsi : "C'est la fellation la plus meurtrière de l'Histoire". Il est en effet bien difficile de ne pas relever l'espèce de fausse coïncidence chronologique entre les derniers développements de la procédure de destitution du président Clinton et sa décision d'intervenir contre Bagdad. D'ailleurs, LA VOIX DU NORD titre ainsi son éditorial : "De Charybde en Monica".
 On remarque encore les divergences -pour ne pas dire plus- entre les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels, à l'exception de la Grande-Bretagne dont l'aviation participe aux opérations. Pour L'HUMANITE, par exemple, "nous sommes bien loin de la "Sainte-Alliance" de la Guerre du Golfe qui n'est plus qu'un vieux souvenir". Ceci encore dans LA CROIX : "Le camp de 1991 est divisé. Clinton et Blair sont partis seuls à la bataille. La Russie et la Chine tempêtent. L'ONU est court-circuitée. Kofi Annan déplore un "triste jour". L'Europe est partagée. La France regrette à mi-voix". "Pourquoi, demande OUEST-FRANCE, pourquoi la solidarité entre alliés empêche-t-elle de dire avec netteté que Bill Clinton, non seulement se moque de tout le monde, en méprisant l'ONU, mais surtout se trompe dans sa politique irakienne ? Encore faudrait-il pouvoir proposer une alternative. Or, personne n'y voit clair". Laissons sur le sujet le dernier mot à L'INDEPENDANT DU MIDI : "Bill Clinton ou Saddam Hussein, l'un des deux au moins doit être de bonne foi ! Lequel ? Et l'un des deux est un irresponsable. Lequel ? Pourquoi pas tous les deux ! Les historiens trancheront". 
 


 
sites internet
Pentagone (en anglais) 
Nations Unies
Ministère des Affaires étrangères - Déclarations françaises de politique étrangères concernant l'Irak 
Irak mesopotamia (en arabe et anglais) 
Site du gouvernement irakien (en anglais) 
La mission permanente de l'Irak à l'ONU (en anglais) 
Irak fondation (en anglais) 

Dossiers 
rapport, selon ``Libération'' :  Le chef de la mission d'observation des Nations-unies en Irak, Richard Butler a volontairement noirci les conclusions de son rapport pour offrir un prétexte aux frappes brito-américaines contre l'Irak
L'Express - Les crises irakiennes
Le Monde - Irak
Le Monde - L'Irak entre guerre et paix
Le Monde Diplomatique - L'Irak
Paris-Match - Bagdad : les enfants de l'embargo

articles 
17 décembre : L'Humanité - Richard Butler, chef de l'UNSCOM, affirme que l'Irak ne coopère pas 
17 décembre : Libération - Saddam, bouclier politique de Clinton
17 décembre : Le Parisien - Les Américains bombardent l'Irak
17 novembre : El Watan - L’autre objectif des USA

audio-infos
17 décembre : EuropeInfos - L'Irak sous les bombes
 

 


Résolution 1205 - 5 novembre 1998 (en anglais) 
Résolution 1175 - 19 juin 1998
Résolution 1158 - 25 mars 1998
Résolution 1154 - 2 mars 1998
Résolution 1143 - 4 décembre 1997
Résolution 1137 - 12 novembre 1997
Résolution 1134 - 23 octobre 1997
Résolution 1115 - 21 juin 1997
Résolution 1111 - 4 juin 1997
Résolution 1060 - 12 juin 1996
Résolution 1051 - 3 mars 1996

Richard Butler, un diplomate peu diplomatique (AFP, 18/12/98) - L'Australien Richard Butler, 56 ans, chef des inspecteurs en désarmement des Nations unies dont le rapport a motivé les frappes américaines et britanniques en Irak, est un diplomate chevronné mais réputé intransigeant.
Celui dont la Russie demande la tête s'est acquitté de sa mission en Irak avec un manque de tact notoire. Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan notamment lui a reproché des propos "parfois peu diplomatiques" envers Bagdad.
Succédant au Suédois Rolf Ekeus, Butler a pris la tête de la Commission spéciale de désarmement de l'ONU (UNSCOM) le 1er juillet 1997.
Presque aussitôt, il est projeté au coeur d'une des plus graves crises avec l'Irak depuis la guerre du Golfe en 1991, qui manque de dégénérer en confrontation armée avec les Etats-Unis.
Traité de "menteur" et de "chien enragé" par la presse irakienne, les mauvaises relations de M. Butler avec Bagdad alimentent les critiques à l'ONU, où il est peu populaire.
Hautain pour les uns, rugueux pour les autres, le chef de l'UNSCOM est considéré comme un homme de principe, peu enclin au compromis, contrairement à son prédécesseur, et soupçonné de n'avoir jamais essayé de comprendre les Irakiens. Ses collaborateurs ajoutent qu'il "jure comme un charretier".
Affectueusement surnommé "le prince noir" au ministère des affaires étrangères australien, M. Butler a derrière lui une longue carrière qui l'a mené à des postes clés comme Londres, Paris, Bonn, Genève, Singapour ou encore Vienne. Au tournant des années 80 et 90, il jouera un rôle clé dans les accords de paix au Cambodge.
Politiquement, Richard Butler appartient en Australie au camp travailliste. Au début de la décennie 70, il fut le secrétaire personnel du Premier ministre, Gough Whitlam. Il était marié à l'époque à une sénatrice travailliste en vue, Sue Ryan.
L'ascension de celui qui rêve de diriger la diplomatie de son pays a subi un coup d'arrêt avec le retour des conservateurs au pouvoir à Sidney en mars 1996. Alors ambassadeur aux Nations unies, on lui reproche de ne pas avoir obtenu un siège pour l'Australie au Conseil de sécurité de l'ONU. 
En devenant le président de l'UNSCOM, commission chargée de localiser et de détruire l'arsenal irakien, M. Butler accepte un rôle moins prestigieux mais dans sa spécialité: le désarmement.
Opposant passionné aux armes de destruction massive, M. Butler a contribué à l'élaboration du Traité d'interdiction des essais nucléaires (CTBT).
Il s'acquitte de sa tâche avec un zèle qui ravira Washington, mais qui lui vaut le reproche d'outrepasser son mandat. Les Américains apprécient son approche carrée envers l'Irak.
Né pendant la Seconde guerre mondiale, diplômé d'économie, Richard Butler a été marqué par son passage à l'école publique de Bondi Beach à Sydney, où il côtoie des enfants de familles ayant quitté une Europe meurtrie par la guerre.
C'est là que le petit Butler a appris les bases de la diplomatie, raconte son vieux père. "Richard a décidé à ce moment-là qu'il voulait être un faiseur de paix", se souvient Harold Butler, 81 ans. "Il avait un désir sincère de paix et de bonne volonté".

Richard Butler, chef de l'UNSCOM, affirme que l'Irak ne coopère pas - Le rapport qui met le feu aux poudres (AFP, 17/12/98)

Comme dans un mauvais scénario, la crise entre l'Irak et l'ONU, ou plus précisément entre Bagdad et Washington se joue en remake avec les même protagonistes aux dialogues usés. En moins de vingt-quatre heures, la tension est remontée en flèche et l'on attendait hier soir les décisions du Conseil de sécurité dont les membres manifestaient leurs divergences. 
Premier acte de ce nouvel épisode tragique pour le peuple irakien: mardi soir, l'ambigu Richard Butler, diplomate australien et chef de la commission spéciale des Nations unies (UNSCOM) chargée du désarmement irakien, remettait au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, un rapport très attendu de dix pages faisant le point sur la coopération de l'Irak depuis la dernière crise de novembre. Il y affirme que Bagdad 'n'a pas pleinement coopéré' avec l'ONU et que de 'nouvelles restrictions' au travail des inspecteurs ont été appliquées par le régime irakien. Il fait état de plusieurs incidents 'inacceptables', en particulier lors des visites surprises de la semaine dernière, et indique que Bagdad a refusé de remettre plusieurs documents clés sur son désarmement. 
Acte II: Kofi Annan avait à peine le rapport en main qu'il était, selon ses propres déclarations, informé en pleine nuit, par le chargé d'affaires américain à l'ONU, Peter Burleigh, que les Etats-Unis venaient de donner pour instruction au personnel américain de quitter la région et dans la foulée de 'conseiller' à M. Butler de retirer l'UNSCOM. Ce qui fut fait dans les heures qui ont suivi. Les experts en désarmement de l'ONU avaient quitté Bagdad mercredi en milieu de journée, Bagdad pour Bahreïn. Aussitôt après, Washington et Londres menaçaient l'Irak de frappes sans préavis. Pour les Etats-Unis, l'affaire est entendue: ils considèrent qu'ils ont l'autorité nécessaire pour frapper l'Irak puisque celui-ci refuse toujours de coopérer avec l'ONU, a lancé le porte-parole du département d'Etat, James Rubin. Restaient hier soir à Bagdad, 142 membres internationaux du personnel humanitaire de l'ONU. 
Dans une lettre au Conseil de sécurité, le vice-premier ministre irakien, Tarek Aziz, a réfuté les arguments de Richard Butler, mettant en cause 'les manières provocatrices' avec lesquelles certaines équipes de l'UNSCOM ont mené leur inspection. Le porte-parole de Kofi Annan réaffirmait alors que le secrétaire général de l'ONU avait toujours été favorable à une solution pacifique de la crise irakienne. 
Tous les membres du Conseil de sécurité n'ont pas goûté la précipitation de Butler et de ses amis de Washington. Troisième rebondissement de cette folle journée: la France et la Russie critiquent fermement l'ordre d'évacuation du personnel onusien, avant même toute consultation au sein du Conseil de sécurité (voir article ci-dessous). Paris et Moscou ont réclamé une réunion urgente du Conseil, laquelle a débuté hier soir à 17 h 30, heure française, et promettait d'être très tendue. 'Elle sera violente et Richard Butler devrait démissionner immédiatement', assurait un diplomate russe avant que les portes se referment sur une séance à huis clos. Moscou a accusé le chef de l'UNSCOM d'avoir 'outrepassé ses prérogatives' en ordonnant l'ordre d'évacuation du personnel de l'ONU. En visite à Madrid, Igor Ivanov, le ministre russe des Affaires étrangères, affirmait que la Russie s'opposerait à l'usage de la force. 
Les nouveaux éléments de la crise demandent à être examinés d'autant plus près que les conclusions du rapport du directeur général de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique), Mohamed El-Baradei, vont à l'encontre de celles de l'UNSCOM. L'AIEA affirme en effet que l'Irak 'a fourni le niveau nécessaire de coopération' pour permettre à l'agence de mener à bien ses activités. Les contradictions sont troublantes. Il  appartient au Conseil de sécurité de l'ONU de 'décider de la suite à donner aux rapports' de l'UNSCOM et de l'AIEA, a déclaré le Quai d'Orsay. 
L'idée d'un examen global avait été proposée en août par le secrétaire général de l'ONU aux membres du Conseil de sécurité, à la satisfaction de  l'Irak et de pays comme la France, la Russie et la Chine qui souhaitent une 'sortie du tunnel' à une situation qui dure depuis huit ans. Bagdad  espérait que cette revue globale permettra de lever ou d'alléger les sanctions en vigueur depuis l'invasion du Koweït en 1990. L'embargo ne pourra être levé que lorsque l'ONU assurera que l'Irak ne possède plus d'armes de destruction massive. 
Mais avant même que les Nations unies se prononcent sur les conditions d'apaisement de ce nouveau bras de fer, le Pentagone faisait savoir  que ses forces actuellement déployées dans la région du Golfe étaient prêtes à frapper l'Irak. 'Elles le sont et l'ont toujours été', confirmait un  responsable militaire. Ces dernières semaines, le Pentagone a poursuivi le renforcement de son dispositif militaire à la faveur de la relève des  forces sur place.

Richard Butler réplique aux critiques russes et chinoises

NATIONS UNIES (AP, 18/12/98) -- Vivement critiqué par la Russie et la Chine, le chef de la Commission de l'ONU chargée du
désarmement irakien Richard Butler a défendu jeudi son rapport selon lequel l'Irak n'a pas respecté son engagement de
coopérer pleinement avec les inspecteurs et a déclaré qu'il n'avait aucune intention de quitter son poste. 

``Je souhaite dire simplement, lentement, clairement que toute insinuation selon laquelle le rapport n'était pas factuel, n'était pas
objectif, est entièrement fausse'', a souligné Richard Butler. 

Il a également rejeté l'idée ``totalement fausse'' selon laquelle le rapport aurait été rendu public mardi soir pour conforter le
gouvernement américain et contribuer à détourner l'attention du vote sur la destitution de Bill Clinton prévu à la Chambre des
représentants. 

Le 24 novembre, le chef de l'UNSCOM avait promis de rendre son rapport dans les deux ou trois semaines suivantes. Il a
précisé avoir informé les Russes, les Français et d'autres diplomates qu'il se fixait la date du 14 ou 15 décembre pour remettre
son rapport. Ce qui a été fait le 15. 

S'exprimant quelques heures après que le ministre russe des Affaires étrangères Igor Ivanov eut déclaré que Moscou insisterait
pour qu'il démissionne, Richard Butler, interrogé à ce sujet, a déclaré qu'il ne quitterait ``absolument pas'' ses fonctions. 

Au lendemain d'une réunion du Conseil de sécurité marquée par la division, la Russie avait appelé à de nouvelles consultations
au sein du Conseil jeudi et a fait circuler un projet de déclaration appelant à la cessation immédiate des hostilités, exprimant le
regret que la force soit utilisée contre l'Irak et demandant la reprise rapide de la coopération entre les inspecteurs et Bagdad. 

Ce type de déclaration est non contraignante mais elle doit être adoptée par consensus et étant donné les divisions dans les
rangs du Conseil, le projet russe n'a pratiquement aucune chance d'être approuvé.