Politique
intérieure
Une femme traque la corruption dans la petite République de
Vanuatu (AFP, 5/4/99)
Nommée il y a quatre ans premier "Médiateur de la République
de Vanuatu", Marie-Noëlle Ferrieux Patterson, une Française
établie depuis 1981 dans ce petit pays mélanésien,
mène un combat tenace contre la corruption, qui lui vaut d'être
crainte par la classe politique et soutenue par la population.Devenu indépendant
en 1980 après avoir s'être appelé pendant trois-quarts
de siècle "Condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides",
Vanuatu compte près de 180.OOO habitants répartis sur près
de 80 îles, et trois langues officielles: le français, l'anglais
et le bichelemar. Une certaine instabilité politique entraîne
l'existence de coalitions interchangeables handicapant le développement
et favorisant la corruption."Le bureau fonctionne, on se maintient", résume
avec modestie Madame le Médiateur après quatre années
d'activité. Elle situe la "grosse flambée" des "mauvaises
conduites des politiciens" vers 1995/96. "Aujourd'hui, explique-t-elle
en riant, tous mes ministres font attention et répondent dans les
délais à mes demandes de renseignements".Installée
avec 25 collaborateurs dans un petit immeuble du centre de Port Vila, modeste
capitale où tout le monde se connait, cette Drômoise notamment
diplomée en sciences politiques, urbanisme et droit anglais, devenue
citoyenne de Vanuatu en 1991, a vu le budget de fonctionnement de son bureau
passer de 132.000 F à 1,4 MF. Son salaire mensuel, lui, reste plafonné
à 6.000 F. Publier un rapport remis gratuitement à qui le
demande est sa seule "arme", mais elle est souvent efficace. En 1996, la
révélation de la vente de 60 passeports diplomatiques à
des hommes d'affaires de la région, au prix unitaire de 5 à
10.000 dollars US a ainsi conduit à l'annulation de cette opération
juteuse. "Meilleure journaliste d'investigation" de la région
Rapport après rapport, ont été dénoncés
des exemptions de droits de douanes abusives, des nominations illégales
de
fonctionnaires, une tentative d'achat par un ministre des finances,
sans étude préalable ni concertation, d'un Boeing 737 pour
la
compagnie nationale, et différents montages financiers hasardeux
avec des investisseurs étrangers parfois douteux.
En quatre ans, la police est venue plusieurs fois spontanément
offrir sa protection à Mme Ferrieux Patterson, son mari écossais,
et leurs deux enfants, lors de périodes de tension. "Quand j'ai
commencé mon travail, les journalistes vivaient dans la peur physique
d'enquêter et d'écrire. Publier mes rapports constituait pour
eux le moyen de faire passer l'information", explique-t-elle.
En juillet 1997, la PINA (Association des journalistes des îles
du Pacifique) lui a remis son "prix annuel de la liberté de
l'information", la qualifiant de "meilleure journaliste d'investigation"
de la région. Le médiateur a dénoncé à
plusieurs reprises les agissements des Premiers ministres successifs, dont
le francophone Maxime Carlot Korman (1991/95), qui avait utilisé
à des fins personnelles des fonds offerts par l'étranger
pour les victimes d'un cyclone, et elle a résisté avec succès
en 1997 à une demande de limogeage émanant du Conseil des
ministres. "Le développement attire des idées et des comportements
nouveaux, parfois mauvais. Le médiateur joue un rôle extrêmement
positif", selon le francophone Vincent Lunabeck, tout jeune président
de la Cour suprême.
"Elle est très exigeante dans le travail, mais j'aime ça,
car elle aide à donner une image propre de Vanuatu", explique de
son côté l'une de ses collaboratrices. |