Chronologie de la guerre d'Afghanistan Les principaux acteurs du conflit afghan la politique américaine L'Afghanistan et les Talibans Rapport rédigé par Mme Soukhria Haidar Présidente de l’Association de soutien aux femmes afghanes (NEGAR) Sanctions financières internationales |
AFGHANISTAN: PAIX ET STABILITÉ DÉPENDRONT AUSSI
DE L'AGRICULTURE, SELON LA FAO Le coût de la relance agricole estimé à 39 millions de dollars pour 2002 Rome/Tokyo, 21 janvier 2002 /PR 02-01f . - En Afghanistan, la paix et la stabilité économique à long terme dépendent aussi de la relance du secteur agricole dont le coût est estimé, pour 2002, à 39 millions de dollars selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). A l'occasion de la tenue aujourd'hui à Tokyo d'une conférence internationale de bailleurs de fonds, la FAO a souligné la nécessité d'aider les paysans afghans à reprendre leurs activités agricoles, retourner à leurs champs et relancer la production agricole dans un pays où 85 pour cent de la population dépend du secteur primaire. Selon la FAO, 39 millions de dollars sont nécessaires pour améliorer l'accès à la nourriture dans les zones aussi bien urbaines que rurales, grâce à l'accroissement de la production, la fourniture d'intrants (semences, engrais, outils...) et la création de revenus agricoles. L'appel de la FAO aux donateurs s'insère dans le cadre d'un appel plus général lancé par les Nations Unies en faveur de l'Afghanistan. A court terme, la FAO réclame 18 millions de dollars pour la distribution de semences et d'engrais, la relance de l'élevage et des activités horticoles, la vaccination du bétail, la prévention du risque criquets pèlerins, la création du service d'évaluation de la sécurité alimentaire et la coordination des opérations agricoles d'urgence.. Selon Anne Bauer, qui dirige les opérations de la FAO en Afghanistan, la situation alimentaire demeure alarmante en zones urbaines et rurales. "Les semis d'automne ont considérablement souffert de la sécheresse et des actions militaires. A moins de les vacciner à temps, les troupeaux des populations nomades pourraient ne pas survivre à l'hiver rigoureux, aux maladies et à la pénurie de fourrages. Les paysans déplacés ont besoin de semences et d'engrais. Les familles qui sont retournées en Afghanistan et les communautés qui les hébergent méritent une attention particulière pour faciliter la réintégration", a indiqué Mme Bauer. Pour les actions à moyen terme, la FAO réclame 21 millions de dollars pour l'irrigation, le reboisement, la production de semences, les services vétérinaires, la lutte intégrée contre les ennemis des plantes et la promotion de produits agricoles à haute valeur ajoutée (pour contrebalancer la production de pavot). La FAO accordera une attention particulière aux femmes rurales, car ce sont elles qui s'occupent, traditionnellement, de la disponibilité de la nourriture, des revenus du foyer, de la nutrition, des soins de santé et de l'éducation. En outre, 20 ans de guerre ont laissé un demi-million de familles sans pères. "Le point de départ, c'est l'identification des besoins des femmes et des ressources dont elles disposent", selon Mme Bauer. Pour inciter les paysans à abandonner la production d'opium, il faut leur faciliter l'accès au crédit, aux cultures alternatives et aux marchés. A cet égard, il convient d'améliorer les conditions de vie des ménages et des communautés rurales, a indiqué Mme Bauer. A Islamabad, la FAO a déjà mis en place une unité de coordination des opérations de secours. Après l'appel qu'elle avait lancé en août dernier, l'agence onusienne a reçu 6 millions de dollars de l'Allemagne, de l'Irlande, des Pays-Bas, de la Norvège et des Etats-Unis. L'acquisition et la distribution de semences est actuellement en cours pour les semis de printemps. Sont également en cours des achats de fourrage pour le bétail. Le Département du développement international du Royaume Uni a alloué 2,9 millions de dollars à la FAO pour un programme de secours et de développement agricole intégré en Afghanistan. En ce moment, huit fonctionnaires internationaux de la FAO sont basés à Islamabad et un neuvième, à Mazar-e-Sharif, outre une quarantaine de nationaux qui travaillent dans le pays. A Kaboul, la FAO rouvrira prochainement ses bureaux situés dans les locaux abritant le personnel des Nations Unies dans la capitale afghane. ***
Pour toute information, contacter Erwin Northoff, Chargé d'information
FAO,0039-06-5705 2232/3105, e-mail: erwin.northoff@fao.org
Communiqué de presse FAO: PR 91/93 10 Site Internet de la FAO : < http://www.fao.org> Aider les agriculteurs et les réfugiés à retourner dans leurs fermes et à reprendre la production vivrière est le défi qu'il faudra relever au cours des prochains mois en Afghanistan, souligne l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Dans un appel à la communauté internationale, la FAO indique que 10,1 millions de dollars sont nécessaires pour la reprise immédiate de son aide d'urgence à ce pays éprouvé par la guerre: fourniture de semences, d'engrais, de fourrage et de vaccins pour le bétail. L'appel de la FAO fait partie d'un effort plus vaste des Nations Unies destiné à alerter la communauté internationale sur les besoins de l'Afghanistan, où sévit une grave pénurie alimentaire généralisée due aux effets conjugués de la sécheresse, de la crise économique et de la guerre. "Il est capital d'aider les agriculteurs et l'économie rurale à lutter contre la faim et la pauvreté en Afghanistan", déclare Madame Anne Bauer, Chef des opérations spéciales de secours et responsable du programme d'urgence de la FAO en Afghanistan. "Environ 85 pour cent des 22 millions d'Afghans dépendent directement de l'agriculture. Depuis l'attentat du 11 septembre, les approvisionnements alimentaires commerciaux et l'assistance humanitaire ont été interrompus. La majorité des ruraux luttent pour leur survie quotidienne. La demande d'intrants agricoles de base est considérable au moment où démarre la campagne d'hiver." "Nous devons faire tout ce qui est en notre possible pour réussir la prochaine campagne de semis", ajoute Madame Bauer. "Dès que les fonds seront disponibles, certaines des activités de la FAO pourront être aussitôt entreprises. L'enjeu consiste à aider le secteur de l'élevage pendant les semis d'hiver et de printemps, qui démarrent dès janvier dans certaines régions." Les semis d'automne de blé, qui représentent 80 pour cent de la production céréalière totale du pays, ont fortement souffert de la sécheresse et des actions militaires. "Sans fourrage et sans vaccins, le bétail a peu de chances de survivre à l'hiver, notamment les brebis qui devraient mettre bas à la fin de l'hiver", avertit Madame Bauer. Les réseaux d'irrigation du pays sont dévastés et les services agricoles quasiment inexistants. Des milliers d'hectares de terres agricoles fertiles ont été mis hors production à cause du manque d'irrigation et des millions de mines qui y ont été plantées. Les arbres fruitiers et les forêts, autrefois source principale de devises, ont pratiquement disparu. Afin de reprendre les projets déjà financés et faire démarrer de nouvelles activités d'urgence, la FAO rouvrira bientôt son bureau principal à Kaboul et ses bureaux régionaux dans les autres provinces. Une grande partie des immeubles a été détruite et pillée ces derniers mois et du matériel important a été dérobé. La FAO se joindra à une mission de l'ONU à Kaboul au cours des prochains jours pour préparer le retour de son personnel à Islamabad. Une des activités immédiates de la FAO sera la distribution de 1 500 tonnes de semences de blé pour les semis de printemps aux agriculteurs du nord du pays, avec un accent particulier sur les zones reculées. La production de blé pluvial dans les Provinces du Nord a chuté de 90 pour cent par rapport à 1998. La disponibilité de semences de qualité dans les zones pluviales et irriguées est une des principales entraves à la production de blé en Afghanistan, selon la FAO. Moyennant une disponibilité de fonds, quelque 100 000 familles agricoles victimes de la guerre et de la sécheresse recevront des semences de printemps et des engrais pour la prochaine campagne de printemps. Ces projets seront également axés sur l'irrigation et la gestion des ressources en eau. Par ailleurs,
la FAO distribuera des lots de légumes de printemps à 100
000 réfugiés et personnes déplacées à
l'intérieur du pays, pour faciliter leur retour et leur réinstallation
dans leurs bourgs et villages.
Pendant plusieurs
années, la FAO, le Programme alimentaire mondial (PAM) et les ONG
ont travaillé ensemble dans le cadre d'un programme de vivres-contre-semences
en Afghanistan qui a incité les agriculteurs à améliorer
les variétés de semences en échange de farine. La FAO
et le PAM ont déjà convenu de poursuivre ce programme.
En outre, la FAO
distribuera dans le nord du pays 1 800 tonnes de fourrage et relancera son
programme de vaccination du bétail. Quelque 18 000 têtes de
bétail seront nourries. Plus de 50 000 agriculteurs et leurs familles
bénéficieront de ce programme. La vaccination des animaux
devrait protéger jusqu'à 70 pour cent du bétail dans
les zones ciblées.
Les services de
santé animale, dont la vaccination, étaient auparavant dispensés
par plus de 220 unités vétérinaires de terrain de la
FAO, qui employaient plus de 650 vétérinaires nationaux et
agents de santé animale. La FAO, avec les ONG et d'autres partenaires,
envisage de réactiver et d'étendre cet important réseau.
La FAO lancera
également une distribution d'urgence d'aliments pour animaux et une
campagne de santé animale dans d'autres zones du pays, en faveur
de 100 000 éleveurs - la plupart nomades - victimes de la guerre
et de la sécheresse. Un réseau d'ateliers sera créé
pour réparer les machines et les outils agricoles.
Une unité
de surveillance de la sécurité alimentaire et un système
d'alerte rapide seront mis en place afin de mieux cibler et évaluer
les interventions internationales en matière de sécurité
alimentaire dans la région.
Les activités de la FAO bénéficient déjà des promesses de contribution des Pays-Bas, des Etats Unis et de la Norvège. *** Noter : Clip
audio, durée: 2min12sec
Au cours d'une interview au Siège de la FAO, à Rome, Anne Bauer, coordinatrice des Opérations d'urgence de la FAO en Afghanistan, déclare que la priorité du moment est de préparer les paysans afghans à la saison culturale prochaine, au printemps. En Realaudio (écoute
instantanée, 144 Kb) ftp://ext-ftp.fao.org/Radio/Realaudio/2001/Afghanistan-A-Bauer-fr.ram En Mp3 (qualité
Broadcast, 1,000 Kb à télécharger) ftp://ext-ftp.fao.org/Radio/MP3/2001/Afghanistan-A-Bauer-fr.mp3
Modalités d'écoute des fichiers audio Les fichiers RealAudio requièrent le logiciel RealPlayer, voir http://www.real.com. (RealPlayer 8 Basic is free). Il faut un logiciel mp3 pour écouter les fichiers mp3:Winamp, Windows Media player, Quicktime 4.0, RealplayerG2, etc...que vous pouvez obtenir gratuitement sur le Web: http://www.winamp.com; http://quicktime.com ; http://www.microsoft.com/downloads/ Contactez le studio radio de la FAO pour recevoir le son en Numéris ou par téléphone: (+ 39 06 57 05 68 63 - 3749) *** Jusqu'en 1998, les Etats-Unis ont été les maîtres d'œuvre des projets gaziers des talibans (Le Monde, 20/10/01) Jusqu'en 1998, les Etats-Unis se sont vivement intéressés à la place de l'Afghanistan dans le grand jeu pétrolier d'Asie centrale. Car si les réserves d'hydrocarbures de ce pays sont trop faibles pour servir d'aliment aux guerres qui s'y sont déroulées, sa position géographique en fait une clé de l'évacuation des ressources d'Asie centrale. Il commande en effet l'accès aux mers chaudes, mer d'Oman et océan Indien. Cette position intéresse directement le Turkménistan, qui dispose de réserves gazières importantes (plus de 20 billions - 1012 - de m3). Quand le Turkménistan s'est libéré, avec la chute de l'URSS, de la tutelle de Moscou, il a cherché le moyen d'acheminer son gaz vers des pays émergents aux besoins énergétiques croissants : soit à l'ouest vers la Turquie, soit au sud - Pakistan, Inde, Thaïlande, etc. Le Turkménistan ne pouvait guère compter sur la collaboration du géant russe Gazprom pour exporter le gaz vers l'Europe, cette compagnie étant peu désireuse de se créer une concurrente sur son marché privilégié. Deux routes étaient possibles : à travers la Caspienne ou à travers l'Iran. Mais le champ gazier de Shah Deniz, appartenant à l'Azerbaïdjan, est beaucoup plus attractif pour la Turquie, qui n'a donc pas manifesté d'intérêt pour le gaz turkmène. Restait donc la voie du sud. Un projet de gazoduc commença à être élaboré, et un tracé prit forme en 1994 sous l'égide de la compagnie argentine Bridas. ![]() Mais le président turkmène, Saparmurat Niazov, estimait que les Etats-Unis devaient mener ce projet - on ne sait si l'idée lui en fut soufflée par Washington. Toujours est-il que Bridas fut éjectée du projet au profit de la compagnie texane Unocal. Bridas allait d'ailleurs porter l'affaire en justice en février 1996, pour se voir déboutée en octobre 1998 par un tribunal du Texas. En 1995, les détails techniques commencèrent à être posés : le gazoduc transporterait, sur quelque 1 400 km, le gaz du champ turkmène de Dauletabad jusqu'à Multan, au Pakistan, d'où il serait envoyé vers le port de Karachi. Sa capacité serait de 50 millions de m3 par jour, son coût de construction de l'ordre de 2 milliards de dollars. En octobre 1997, le consortium Centgas (Central Asia Gas) était formé, comprenant Unocal pour 54 % des parts, une compagnie d'Arabie saoudite, Delta, pour 15 %, des compagnies japonaise, coréenne et pakistanaise et le gouvernement turkmène. En janvier 1998, un accord fut passé avec les talibans, qui avaient pris le pouvoir en 1996. A cette époque, le régime taliban était donc vu favorablement à Washington. Mais cette collaboration allait susciter aux Etats-Unis l'opposition de mouvements féministes, scandalisés qu'Unocal travaille avec le régime taliban. Autre facteur négatif : le prix alors bas du pétrole, et donc du gaz, diminuait l'intérêt du projet afghan. La situation pour le moins instable de l'Afghanistan compliquait encore ce projet très politique, que les institutions financières internationales refusaient de soutenir. Les attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam allaient ruiner le gazoduc. Le 21 août, Unocal annonçait qu'elle "suspendait toutes ses activités impliquées dans le projet de gazoduc en Afghanistan". Le jour même, l'aviation américaine bombardait des cibles supposées terroristes en Afghanistan et au Soudan. Unocal allait se retirer du consortium Centgaz en décembre 1998. Depuis, les talibans n'ont pas abandonné l'idée du gazoduc. En mars 2000, par exemple, il était au menu des discussions entre les ministres des affaires étrangères pakistanais et turkmène, lors d'une rencontre à Islamabad à laquelle participaient des représentants de Kaboul. En janvier 2001 encore, un représentant des talibans, Haji Habib Ullah Fauzi, réitérait l'intérêt du régime pour le gazoduc. Mais aucune grande compagnie ne s'est manifestée sérieusement depuis le retrait d'Unocal. Le gaz turkmène attendra la paix. L'exportation des
hydrocarbures, sujet stratégique majeur pour l'Asie centrale (Le
Monde, 20/10/01) La zone de la mer Caspienne a été présentée, au cours des années 1990, comme un nouveau Moyen-Orient. En fait, le potentiel s'est avéré beaucoup plus modeste; il reste cependant, avec près de 30 milliards de barils (4,5 milliards de tonnes) de réserves prouvées, comparable à celui de la mer du Nord. La Caspienne, plus grande mer fermée du globe, recèle ainsi environ 2 % des réserves prouvées mondiales de pétrole et 4 % des réserves prouvées de gaz naturel. Les gisements sont principalement concentrés sur quelques pays de l'ex-Union soviétique: Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan. Depuis 1991, la région est au centre d'un nouveau "grand jeu" entre les Etats-Unis, la Russie et l'Iran pour le contrôle et l'acheminement des hydrocarbures de la Caspienne vers les marchés européen et asiatique. Dix ans plus tard, les républiques musulmanes des confins de la Russie, traversées par des crises d'identité, engluées dans des problèmes économiques et sociaux récurrents, n'ont toujours pas rattrapé leur niveau de vie d'avant 1991. Les tensions géopolitiques concernent tant la propriété des gisements que le tracé des pipe-lines. Aucun accord définitif n'est encore intervenu entre les pays riverains pour le partage de ces richesses. Les incidents ne sont pas rares. Cet été, un navire de guerre iranien a contraint un bâtiment de prospection pétrolière venu d'Azerbaïdjan à cesser ses forages. La Russie s'est posée en médiateur, mais Moscou a été soupçonnée de vouloir reprendre son hégémonie dans la région pour peser sur le choix des tracés d'oléoducs. L'enclavement est au cœur de toutes les difficultés. Des multiples projets en compétition, ces dernières années, pour l'exportation du gaz turkmène, du pétrole kazakh ou azerbaïdjanais vers les marchés mondiaux, un seul a vu le jour: l'oléoduc reliant – sur 1580 kilomètres via la Russie – le gisement de Tenguiz, au Kazakhstan (l'un des plus grands gisements au monde, estimé à 6 milliards de barils, soit près de 900 millions de tonnes) jusqu'au port russe de Novorossiisk, sur la mer Noire. Sa mise en exploitation, en mars 2001, permet au Kazakhstan, riche en pétrole, de doubler ses capacités d'exportation (l'oléoduc transportera à plein régime 67 millions de tonnes de brut par an) et donne à la Russie, traditionnellement maîtresse des voies d'acheminement des ressources de ses anciennes républiques "sœurs", un avantage certain. Exploité par le Consortium pour l'oléoduc de la Caspienne (CPC), dont les principaux actionnaires sont la Russie (24%), le Kazakhstan (19%) et Oman (7%), l'existence de ce nouveau tube amoindrit les chances d'aboutir d'un autre projet, auquel s'opposent les Russes: celui de l'oléoduc Bakou-Ceyhan (1730 kilomètres et d'un coût estimé à 2,5 milliards de dollars). Celui-ci est censé transporter le brut produit en Azerbaïdjan vers la Méditerranée, via la Géorgie, sa construction devant être, dans le meilleur des cas, finalisée en 2004. Il est favorisé par l'administration américaine pour des raisons politiques (il écarte la Russie et l'Iran du jeu), mais il rencontre l'opposition des "majors" du pétrole qui le jugent coûteux et de réalisation difficile. En fait, la meilleure voie d'exportation des hydrocarbures d'Asie centrale reste l'Iran. Mais cette perspective est bloquée par les sanctions américaines de 1996 contre ce pays. Il est, à l'heure actuelle, trop tôt pour dire dans quelle mesure la crise en cours et le rôle que l'Iran sera appelé à jouer en Afghanistan pourront changer les choses. Grand partenaire de la Russie dans la région, l'Iran a, certes, condamné les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis mais a refusé à l'aviation américaine l'utilisation de son espace aérien. Les réserves du Kazakhstan sont pour l'instant bloquées. Un oléoduc de près de 3000 kilomètres est évoqué pour alimenter la Chine depuis la rencontre en juin 1998 entre le président chinois Jiang Zemin et son homologue kazakh Noursoultan Nazarbaev. Mais le projet, très coûteux, ne s'est pas encore concrétisé. Le Turkménistan cherche lui aussi, pour son gaz, un débouché autre que la Russie, qui lui achète à moindre prix du gaz revendu ensuite deux fois plus cher à la Turquie ou à l'Europe via l'Ukraine. Depuis 1999, le Turkménistan a raccordé son réseau à un gazoduc iranien mais les quantités ainsi fournies via l'Iran à la Turquie sont très faibles. Même si la Russie de Vladimir Poutine arbore une stratégie commerciale moins empreinte de colonialisme que celle qui prévalait à l'époque de Boris Eltsine, s'engageant par exemple à payer le gaz turkmène en devises, le Turkménistan continue à espérer pouvoir évacuer son gaz vers le rivage pakistanais. Mais il faut traverser l'Afghanistan… Le Turkménistan a donc besoin de la paix chez son voisin, quel qu'en soit le bénéficiaire. Riche en réserves de gaz, l'Ouzbékistan voisin, doublement enclavé (il est, avec le Lichtenstein, le seul pays au monde séparé d'un accès à la mer par au moins deux pays), verrait lui aussi d'un bon œil une éventuelle pacification de l'Afghanistan. Faute de pouvoir exporter, l'Ouzbékistan, qui est la plus peuplée des républiques d'Asie centrale, avec 24,4 millions d'habitants, transforme son gaz en engrais et en polyéthylène. Outre l'Iran à qui l'Ouzbékistan fournit du gaz liquide, un de ses principaux clients est le Kirghizstan voisin. L'arrivée du gaz ouzbek est souvent coupée, faute de paiement. Le robinet est rouvert à chaque fois que le Kirghizstan, petite république montagneuse et dépourvue de ressources, menace de ne plus fournir d'eau à l'Ouzbékistan, qui en a cruellement besoin. Ce pays, qui partage 137 kilomètres de frontières avec l'Afghanistan, rêve de tirer une ligne droite jusqu'à Karachi. Au total, si la guerre en Afghanistan n'a pas de motivation pétrolière, l'instauration de la paix dans ce pays permettrait l'ouverture de l'Asie centrale sur le monde, hors du face-à-face exclusif avec la Russie. Trois questions à Michael Klare (Le Monde, 20/10/01)
2Pourquoi les Etats-Unis se sont-ils impliqués dans l'exploitation
des ressources de la mer Caspienne dans les années 1990 ? 3Comment les Etats-Unis pourraient-ils réduire leur dépendance
à l'égard du Golfe ? Défaire les
taliban : mission presque impossible pour une superpuissance (AFP, 18/9/2001)
Le régime afghan pose des
conditions à la livraison de ben Laden (Reuters, 18/9/2001)
Après son
éradication par le régime de Kaboul, la culture du pavot à
opium menace de reprendre (Le Monde, 20/10/01) La production est passée à 185 tonnes en Afghanistan en 2001 contre 3 276 tonnes en 2000. "3 100 tonnes qui disparaissent du marché, cela représente 75 % de la production mondiale, relève Bernard Frahi, responsable du Pnucid pour le Pakistan et l'Afghanistan . L'Afghanistan était le premier pays producteur du monde. Il ne produit plus aujourd'hui que 10 % du total, soit très loin derrière la Birmanie." Mais tout semble en passe de changer. Les agriculteurs afghans se préparent à reprendre cette culture extrêmement rentable. "Nous recevons déjà des informations sur des endroits reculés où les fermiers ont préparé leurs champs pour des semences de graines de pavot", indique M. Frahi. Les champs préparés pour recevoir les graines de pavot sont creusés à intervalles réguliers de rigoles qui permettront d'inonder les semences après quelques semaines. Une semaine avant les attentats du 11 septembre, le mollah Omar
avait renouvelé, "à l'approche de la saison des semences,
l'interdiction totale de la culture du pavot", prolonge M. Un signe ne trompe pas : le cours de l'opium sur le marché local s'est effondré. "L'opium se vendait 600 dollars le kilo en août. Son cours est tombé à 180 dollars après le 11 septembre et il s'établissait la semaine dernière à 90 dollars", observe M. Frahi. PETITS FERMIERS Les fermiers, qui avaient gardé de l'opium des récoltes précédentes, se sont rués au marché pour vendre leur stock et obtenir de l'argent liquide, indispensable en cas d'exode. Pour les petits fermiers, cette marchandise, qui se conserve d'une année sur l'autre, est à la fois une source de crédit et d'épargne. L'éradication de la culture de l'opium dans les zones sous contrôle taliban constituait pourtant le grand succès de l'ONU obtenu par le Pnucid, grâce à trois ans de dialogue continu avec les talibans et sans grands moyens financiers. Cette quasi-élimination du pavot en Afghanistan "résulte clairement de l'application de l'interdiction de la culture du pavot", note le rapport du Pnucid. Cette année, ses agents ont visité 10 030 villages
dans 160 districts ; 23 des 32 provinces d'Afghanistan sont concernées.
Pour que les années d'efforts du Pnucid ne soient pas perdues, "tout programme de reconstruction devra tenir compte de la lutte contre la drogue et intégrer des plans de développement afin que les fermiers ne retournent pas au pavot", ajoute-t-il. Surveillée avec rigueur par les talibans, l'interdiction de la culture du pavot a coûté très cher aux fermiers afghans. A présent, ceux-ci risquent d'être encore plus difficiles à convaincre. Selon Alain Labrousse, "l'opium n'a pas été le
nerf du terrorisme" pour Ben Laden (Le Monde, 20/10/01) Dans cette histoire mouvementée de la drogue en Afghanistan, les talibans et leur protégé, Oussama Ben Laden, sont donc loin d'incarner le "Mal". "Contrairement à ce qu'avance le premier ministre britannique Tony Blair, la drogue n'a pas été le nerf de ce terrorisme-là", explique Alain Labrousse, chargé de mission à l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). De la guerre contre les Soviétiques jusqu'à la prise du pouvoir par les talibans en 1996, la production d'opium est allée croissant en Afghanistan. "Les services spéciaux pakistanais (ISI) avaient le monopole des livraisons d'armes aux moudjahidins afghans, avec des financements assurés par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis", rappelle M. Labrousse. Les camions d'armes revenaient d'Afghanistan chargés d'opium. "L'argent du trafic servait à financer des groupes dissidents en Inde, des islamistes actifs au Cachemire et, dans les années 1980, des sikhs au Pendjab. Mais on ne peut pas dire que la guerre d'Afghanistan a été financée par la drogue." Avec environ 2 800 tonnes d'opium produites en 1994, le pays a détrôné
la Birmanie. Pourtant, les talibans n'ont tiré qu'un profit limité du trafic. Ils se sont contentés de la zakat (dîme musulmane), soit environ 10 % du prix, comme pour les autres cultures. "Rien n'indique que les talibans soient allés au-delà de ce commerce local et qu'ils se soient impliqués dans l'exportation, qui rapporte beaucoup plus", note M. Labrousse. Les prélèvements sur la drogue constitueraient "au mieux 200 millions de dollars, c'est-à-dire à peine 10 %" de toutes les taxes perçues par les talibans sur le commerce légal et la contrebande. Et du côté de l'Alliance du Nord ? "Le commandant Massoud
a toujours été un puritain, antidrogue et même antitabac.
Il s'est opposé à des commandants locaux de l'Alliance qui,
eux, notamment dans le Badakhshan -nord-est-, tiraient profit de la drogue.
Selon les services de sécurité russes, le général
Rachid Dostom aurait aussi participé au trafic d'opium et d'héroïne
vers la Russie." Selon l'Association d'études géopolitiques
des drogues (AEGD), à laquelle participe M. Labrousse, le trafic finance
aussi des groupes islamistes d'Asie centrale, dont le Mouvement islamique
d'Ouzbékistan, dirigé par Djouma Namangani et basé dans
le nord de l'Afghanistan. EFFONDREMENT
DES PRIX Les taliban déclarent la "guerre sainte" aux Etats-Unis
(Reuters, 18/9/2001) L'opposition veut tirer profit d'un possible changement de donne
en Afghanistan (AFP, 18/9/2001) GUERRE DE CIVILISATIONS ? (Centre
de recherches et d'initiatives de solidarité internationale, 26/9/01)
A peine sorti de la guerre froide, le système international
est en train de basculer dans un nouvel affrontement binaire de très
grande ampleur. Les États : l'utilisation du pluriel est inquiétante car le conflit qui s'annonce comporte d'immenses risques, surtout s'il s'étend au delà de l'Afghanistan. A Washington, de hauts responsables présents et passés, tel l'ancien directeur de la CIA James Woolsey, parlent d'une éventuelle frappe massive contre l'Irak : "Si jamais il est démontré que l'Irak est impliqué dans les attentats, alors tous les instruments du pouvoir d'Etat irakiens devraient être détruits - la Garde républicaine et tout ce qui est associé à Saddam Hussein" (2). Certains évoquent aussi d'autres cibles éventuelles, comme le Soudan, le Yémen ou encore la Syrie. Dans une telle hypothèse, il faudra redouter que l'extrême et légitime colère devant la barbarie du 11 septembre ne se transforme par contagion en affrontement entre l'Occident et le monde arabo-musulman, en un conflit de civilisations par définition sans fin. Cette crainte, très forte en Europe, est aussi celle de spécialistes américains militaires et civils :"On ne peut simplement y aller et dévaster un pays ; […] une approche militaire [n'intégrant pas] les facteurs économiques et politiques régionaux ne fera que perpétuer le problème", a déclaré le Général Anthony Zinni, ancien commandant en chef du Commandement Central des forces armées américaines (3). David Ignatius, directeur du International Herald Tribune, a pour sa part souligné : "Il est facile de commencer des guerres, mais très difficile d'y mettre fin. C'est une règle que les terroristes auraient été sages de garder en mémoire, et c'est une règle qui devrait guider les responsables américains" (4). Prendre en compte la complexité de la situation régionale se heurte à la puissance des passions déchaînées qui poussent l'exécutif américain à se lancer indistinctement dans une réplique rapide. Cela impliquerait de déterminer les raisons profondes et non conjoncturelles ayant conduit les Etats-Unis à ce choc frontal avec l'islamisme politique sunnite, pourtant leur ancien allié de guerre froide (voir encadré). Comment les "combattants de la liberté" d'hier (Ronald Reagan) sont-ils aujourd'hui devenus des "ennemis de la civilisation" (George W. Bush)? Il ne suffit pas d'affirmer, comme le faisait un rapport de 1997 du département de la Défense, l'existence d'une "forte corrélation entre l'action internationale des Etats-Unis et l'accroissement des attentats terroristes contre le pays. Cette forme d'action, poursuit le rapport, découle de la situation d'asymétrie militaire qui interdit aux Etats-nations de s'attaquer ouvertement aux Etats-Unis et les pousse à recourir à des acteurs transnationaux [non-étatiques]". Aussi fondée soit-elle sur le plan technique, cette analyse ne rend pas compte des causes de la montée en puissance du terrorisme islamiste dans les années 90. Elle n'explique en rien la "talibanisation" progressive de la société pakistanaise, le désordre idéologique qui s'est emparé de l'Islam, les frustrations profondes et multiples des sociétés arabes, et les rancœurs anti-occidentales engendrées par celles-ci. Elle ne rend pas compte non plus de l'aveuglement américain devant les conséquences à long terme de leurs propres stratégies régionales, de "l'action internationale des Etats-Unis" dont parle le rapport. Comme les puissances coloniales d'hier, les Etats-Unis ont longtemps fermé les yeux sur les effets découlant de leur prégnante emprise économique et politique sur les sociétés du tiers monde. Cet aveuglement est la source fondamentale de la "faillite de renseignement" dont on parle tant aujourd'hui. Car, dans cette affaire, le problème technique imputable aux services est lui-même tributaire d'un problème politique, à savoir la pensée binaire propre aux grandes puissances. Celle-ci empêche de penser l'autre, comme en témoigne l'histoire récente dans le Golfe arabo-persique et en Asie. Si les Etats-Unis n'ont pas su prédire la révolution iranienne de 1979, ce n'est pas parce qu'ils manquaient de renseignements ou de sociologues et autres spécialistes de la zone. Certes, le personnel de l'ambassade américaine à Téhéran comptait peu de spécialistes parlant le farsi. Mais les experts étaient nombreux à Washington et dans les centres spécialisés universitaires (qui, aux Etats-Unis, ont toujours eu des liens forts avec l'Etat). Eux maîtrisaient la langue, la civilisation et les réalités persanes et s'inquiétaient des évolutions. Une révolution politique et sociale ne se prépare pas en quelques mois ni même en quelques années et ne peut s'expliquer par la simple action d'une minorité déterminée. Quoi qu'on en pense par ailleurs, la révolution iranienne avait des racines socio-politiques profondes : une modernisation rapide mais superficielle et déséquilibrée, des inégalités sociales criantes et la violation systématique de droits humains élémentaires par une monarchie manquant de légitimité populaire. Auteurs du coup d'Etat de 1953 qui a porté le Shah Reza Pahlavi au pouvoir, les Etats-Unis ont pendant des années, voire des décennies, ignoré les innombrables signes de la révolution à venir : manifestations étudiantes de masse, instabilité sociale, fort mécontentement exprimé par les élites lettrées qui se sont ultérieurement ralliées à l'ayatollah Khomeyni. Le contraire aurait supposé une remise en cause de l'alliance de guerre froide avec l'Iran du Shah Pahlavi, "gendarme du Golfe" arabo-persique. On retrouve le même aveuglément idéologique dans l'autisme des autorités politiques et militaires pendant la guerre du Vietnam. Ils refusaient d'entendre ceux qui, au sein même de l'appareil d'Etat américain (en particulier les analystes de la CIA), affirmaient à juste raison à la fin des années soixante que les bombardements stratégiques du Vietnam souderaient la population sud-vietnamienne au Viêt-cong. Deux administrations successives ont refusé de reconnaître ce que Franklin D. Roosevelt et l'Office of Strategic Services (le précurseur de la CIA) avaient pourtant compris : le nationalisme et le communisme s'alliaient dans la lutte indépendantiste des Viêt-minh contre la France, puis dans celle des Viêt-cong contre un Etat sud-vietnamien autoritaire créé de toutes pièces par les Etats-Unis et perçu comme illégitime par une partie importante de la population. Que les communistes vietnamiens aient perdu la paix après avoir gagné la guerre en 1975, ne change rien au constat. La logique binaire de guerre froide a renforcé l'insensibilité des institutions américaines insensibles aux réalités sociologiques et politique des tiers mondes. Elle les a poussés à prêter leur soutien à des régimes autoritaires ou despotiques et à des mouvements terroristes financés par la drogue, comme les "contras" en Amérique latine. Elle a trop souvent conduit à la mise entre parenthèse des valeurs éthiques occidentales et a autorisé des pratiques et des politiques aux antipodes des droits humains et des principes issus des Lumières. C'était vrai au Moyen Orient comme dans le Golfe arabo-persique, ou en Amérique Latine. Et aussi en Asie orientale où les Etats-Unis ont, après l'intervention vietnamienne au Cambodge en 1979, maintenu des relations diplomatiques avec l'auteur du plus grand génocide de l'après guerre, Pol Pot. Les liaisons dangereuses des services spéciaux américains avec l'islamisme radical sunnite au cours des années 80 participaient de cette logique de guerre froide. C'est pour des raisons géostratégiques et géoéconomiques que les Etats-Unis ont tout au long de la guerre froide soutenu le Pakistan contre l'Inde (quoique cette dernière ne se soit jamais vraiment alignée sur l'URSS pendant la guerre froide). L'islam ultra conservateur pakistanais et le wahabisme saoudien semblaient un rempart sûr contre "l'athéisme soviétique". Ainsi, ce sont les mouvements islamistes les plus radicaux (le Hezb-i-islami de Gulbuddin Hekmatyar) crées par les services spéciaux pakistanais, et non les plus modérés, qui ont bénéficié de l'aide américaine en Afghanistan. Et quand Ahmed Shah Massoud (qui vient d'être assassiné) réussit à prendre Kaboul en 1992, le Pakistan créa les Talibans pour le combattre et faire de l'Afghanistan un Etat satellite. Les Etats-Unis ont laissé faire. Ils ont même tenté de se rapprocher du régime taliban. L'histoire, ancienne et complexe, des rapports entre les Etats-Unis et l'Islam ne se résume bien sûr pas à cela. Dans les années cinquante, le Président Eisenhower s'était radicalement distancé de Londres, Paris et Tel-Aviv lors de l'affaire de Suez en 1956. Dans son esprit, l'Amérique devait bâtir des liens de coopération économiques et politiques avec les pays arabes nouvellement indépendants. Sur ce point, il partageait les idées anti-coloniales de Roosevelt. Plus tard, dans les années soixante, ses successeurs ont mis en œuvre une politique différente, soutenant des mouvements islamiques conservateurs (les Frères Musulmans) contre le panarabisme nassérien jugées sous influence soviétique. L'ordre moyen oriental d'après 1973 s'articulait autour d'Israël, les monarchies du Golfe, le Pakistan, la Turquie, et l'Iran. Après 1979, autour des quatre premiers et l'Irak, devenu jusqu'en 1991 un allié de circonstance. Ces va et vient géopolitiques ont permis de maintenir les équilibres stratégiques et de sécuriser les approvisionnements pétroliers. Mais, souterrainement, se préparait une tempête, la montée de l'islamisme politique radical. Aujourd'hui, c'est un immense défi que de ne pas s'aveugler à nouveau. Puisque guerre il y aura, il faudrait la mener en tenant compte des besoins et des aspirations des peuples du monde arabo-islamique (entre autres), de peuples soumis depuis des décennies à l'arbitraire de gouvernements autoritaires. Il faudrait une démocratisation et une ouverture politique, une répartition plus équitable des ressources, une politique d'aide généreuse pour la modernisation économique et un règlement définitif et juste du conflit israélo-palestinien. Dans un contexte historique différent, c'est ce que les Etats-Unis ont fait au plan économique en Europe de l'Ouest au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec les résultats que l'on sait. Ces politiques de longue portée ne résoudront évidemment pas le problème immédiat posé par les réseaux terroristes. Mais sans elles on risque un conflit sans fin. Notes Encadré C'est le 3 juillet 1979, peu avant l'invasion soviétique
de Kaboul que se nouent les fils de l'incommensurable tragédie qui
vient de frapper les Etats-Unis et, par ricochet, le monde tout entier. Ce
jour-là, la Maison Blanche avait signé une directive (Executive
Order) autorisant le lancement d'une action clandestine destinée à
soutenir les opposants du régime afghan pro-soviétique d'alors.
Peu après, en décembre, l'Union soviétique envahissait
Kaboul, premier acte d'une guerre qui durerait neuf ans et d'une guerre civile
toujours en cours, laissant l'Afghanistan en ruines. Après que Mikhaïl Gorbatchev eut ordonné
le départ des soviétiques, des milliers de vétérans
aguerris se sont redéployés hors d'Afghanistan et se sont disséminés
non seulement à travers l'aire arabo-musulmane, mais aussi en Europe,
aux Balkans, en Asie orientale et aux Etats-Unis (comme on vient malheureusement
de s'en apercevoir). Un grand nombre d'entre eux sont passés par des
camps de transit en Arabie Saoudite (Osama bin Laden, lui, s'est réinstallé
en Arabie dans sa famille très fortunée jusqu'en 1994, date
de son expulsion vers le Soudan). Constitués en réseaux terroristes
actifs ou dormants, ces "afghans", comme on les appelle communément,
forment une armée de l'ombre décentralisée. Ce sont
ces vétérans, possiblement soutenus par des éléments
incontrôlés des services secrets pakistanais, qui livrent une
guerre secrète aux pays occidentaux et à leur alliés
dans le monde arabe depuis le début des années 90.
Mort du commandant Massoud, figure de proue de la résistance
(Le Monde, 18/9/2001) PORTRAIT
Afghanistan : la m
ort de Massoud confirmée
(L'Humanité, 18/9/2001) "Je suis sûr que je verrai la paix de mon vivant et que je participerai à la réhabilitation de l'Afghanistan", nous déclarait en mai 1999, le commandant Ahmed Shah Massoud, dans ce qui était alors son fief de Taloqan, au nord-est de l'Afghanistan. Cet ancien étudiant de la faculté polytechnique de Kaboul rêvait à l'époque d'utiliser ses études inachevées pour reconstruire son pays ravagé par vingt ans de guerre. Son rêve a été stoppé brutalement, non sur les champs de batailles qu'il courrait depuis vingt ans, mais par l'explosion d'une bombe cachée dans une caméra. Une fin teintée d'ironie pour cet homme très conscient de son image et qui savait tenir à ses différents interlocuteurs le discours qu'ils attendaient. Son profil d'aigle, sa barbe clairsemée, ses yeux perçants avaient fait le tour du monde. Toujours élégamment vêtu, son pacoul (chapeau plat en laine) vissé sur la tête, Massoud savait jouer du charme dont il ne manquait pas. Sa jeunesse à Kaboul, ses études au lycée français de l'Istiqlal (indépendance), son origine petite bourgeoise - son père était colonel dans l'armée du roi Zaher Shah - lui avait donné une aisance avec les Occidentaux qui tranchait avec la rigidité des autres dirigeants de la résistance islamique afghane. Massoud était toutefois un très fervent musulman, qui étudiait quotidiennement le Coran avec des mollahs et ne craignait pas de diriger la prière pour ses soldats. Dans son fief de la vallée du Panshir, les femmes portent la burqa (la longue robe traditionnelle recouvrant tout le corps avec un filet à hauteur des yeux) et, sans le comité suédois pour l'Afghanistan, les écoles de filles seraient inexistantes. La femme de Massoud, mère de leurs cinq enfants, respecte le purdah (réclusion) et vit dans le village d'origine de Massoud, Bazarak, au cœur de la vallée du Panshir. UN STRATÈGE HORS PAIR A l'arrivée des talibans, ces étudiants en religion qui, avec l'aide du Pakistan, bouleversent la carte afghane depuis 1994, Massoud rassemble ses hommes et quitte Kaboul, parmi les derniers, pour se réfugier dans la plaine de Shomali, à l'entrée de son fief du Panshir. Depuis cette date, Massoud symbolisait l'opposition à un régime qui n'a cessé de gagner du terrain. Incapable de vaincre militairement les talibans, la stratégie de Massoud consistait surtout à entretenir des fronts divers pour fixer les miliciens islamistes et les empêcher de se jeter ensemble contre ses troupes. A plusieurs reprises, les chefs de l'opposition, Karim Khalili pour les chiites, Abdel Rachid Dostom pour les Ouzbeks, et Ismaïl Khan, ancien chef d'Hérat, rentré récemment d'Iran, s'étaient regroupés derrière la bannière de Massoud. Mais la méfiance caractérisant leurs relations empêchait toute véritable stratégie militaire. ADMIRATEUR DE DE GAULLE Disparition confirmée par l'opposition aux talibans Kaboul : "Les Américains échoueront comme les Soviétiques"
L'opposition afghane a confirmé samedi le décès de son dirigeant militaire, Ahmed Shah Massoud, blessé dans un attentat une semaine auparavant. Les principaux responsables de l'Alliance du Nord se sont réunis le même jour dans la vallée du Panchir (nord de l'Afghanistan) sous la direction de l'ancien président Burhanuddin Rabbani. Le ministre des Affaires étrangères de l'opposition, le docteur Abdoullah, le général Fakhim, ainsi que divers chefs de guerre participaient à cette réunion. Par ailleurs, Rabbani a accusé le Pakistan, les taliban et Oussama Ben Laden d'avoir organisé l'attentat-suicide contre Massoud, établissant un lien entre celui-ci et les attentats antiaméricains du 11 septembre. " Ce sont les mêmes réseaux qui ont commis les attentats aux Etats-Unis et contre Massoud ", insistait le docteur Abdoullah. Bien qu'islamiste lui-même, le commandant Massoud dirigeait l'Alliance des forces du Nord, seule opposition armée structurée au régime des taliban. Celle-ci contrôle moins de 10 % du territoire national, dont une seule des trente-deux provinces du pays, le Badakshan (nord-est). Cette mort pourrait faire renaître les divisions de la très hétéroclite opposition afghane, largement composée d'adversaires de la veille, dont le seul trait commun est d'avoir souffert des taliban. Elle renforce les risques de déstabilisation pour la région, en particulier au Tadjikistan, qui partage une frontière de plus de 1 200 kilomètres avec l'Afghanistan. Douchanbé, la capitale tadjik, on craint notamment l'arrivée d'un flot de réfugiés dans le cas où les taliban lanceraient une offensive majeure contre la poche du nord-est. Signe de cette inquiétude, des diplomates et responsables des services spéciaux de cinq pays qui soutiennent l'opposition armée aux taliban - Inde, Iran, Russie, Tadjikistan et Ouzbékistan - s'étaient réunis vendredi dans la capitale tadjik pour des consultations. Plusieurs milliers de villageois ont rendu dimanche, dans la vallée du Panchir, un dernier hommage au commandant Massoud. Dans le district de Bozarak, dont ce dernier était originaire, ils étaient nombreux sur le bord des pistes pour assister aux funérailles du " Lion du Panchir ". Son cercueil, drapé du drapeau vert, blanc et noir du gouvernement déchu (où il avait été ministre de la Défense) était arrivé par hélicoptère depuis la province de Takhar où il est officiellement décédé samedi. Des centaines d'hommes tentaient de s'en approcher, jetant des fleurs aux cris de " Allah ou Akbar " (Dieu est grand), rapporte l'AFP. Son successeur vraisemblable, le général Fakhim, de même que le président déchu Burhanuddin Rabbani, assistaient à cette cérémonie ainsi qu'Ahmad, treize ans, le fils du " héros ", qui s'est engagé à reprendre le flambeau de la lutte contre les taliban. " Je veux juste suivre la route de mon père et obtenir l'indépendance de mon pays ", a déclaré le garçon devant une foule en pleurs. Afghanistan: le retour de l'obscurantisme (Dossier, Le Monde) Ahmad Shah Massoud appelle à l'aide l'Europe et les Etats-Unis
(Le Monde, 5/4/2001) Le chef militaire afghan Ahmad Shah Massoud, en difficulté
sur le plan militaire face à la milice intégriste des taliban
au Parmi les grands pays occidentaux, Massoud s'est adressé
en priorité au nouveau président américain, George W.
Bush. Il a demandé que les Etats-Unis fassent pression sur leur allié
pakistanais afin de "mettre fin à la guerre en Afghanistan",
comme, a-t-il dit, ils ont fait pression sur le Pakistan pour mettre un terme
au conflit du Cachemire, où existe une guérilla pro-pakistanaise.
Interrogé à plusieurs reprises lors de sa conférence
de presse dans la capitale française sur le fait de savoir s'il souhaitait
recevoir une aide militaire occidentale, Ahmad Shah Massoud n'a pas répondu
aux questions ou a Le commandant Massoud estime que sans l'aide du Pakistan les
talibans "ne pourraient pas tenir" (Le Monde, 5/4/01) "A Paris, je ne me sens pas étranger", sourit Ahmad Shah Massoud, l'ancien étudiant du lycée français de Kaboul, au soir de son premier séjour en Europe. Saharienne beige, bottines de cuir noir, coiffé de son éternel pakul, le bonnet de laine roulée qu'il porte rejeté en arrière et fait partie de sa légende, le Lion du Panshir répond aux questions du Monde, tard mercredi 4 avril, dans la suite d'un grand hôtel parisien proche des Champs-Elysées. Le jeune "vieux guerrier", qui frise aujourd'hui la cinquantaine, a eu une journée chargée. Le matin, il a pris son petit déjeuner avec le ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, puis a répondu aux questions des journalistes durant une longue conférence de presse fréquemment interrompue par les applaudissements de ses partisans, rencontré la communauté afghane de France sous les lambris de la vieille ambassade décatie du 16e arrondissement, s'est entretenu avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Pas mal pour un homme qui n'était quasiment jamais sorti d'Afghanistan et reste confiné, depuis la prise de Kaboul par ses ennemis talibans, à l'automne 1996, dans son Nord-Est natal et sa vallée du Panshir. Mais pourquoi avoir tant tardé à venir en Occident? "J'ai toujours été très occupé", répond-il avec une lueur malicieuse dans le regard. Massoud joue de son charme, élude les questions qui fâchent, assène son programme, argumente ses obsessions. "Le Pakistan et ses services secrets, l'ISI, a une influence déterminante sur les talibans; sans cette aide militaire et économique, les talibans ne pourraient pas tenir." UN "ISLAMISME MODÉRÉ" Pour le chef militaire afghan, qui cumule les fonctions de ministre de la défense et de vice-président du gouvernement de l'Etat islamique d'Afghanistan, seule instance reconnue par les Nations unies, la politique pakistanaise est bien la cause de tous les malheurs de son pays en guerre, endeuillé par un conflit de vingt ans qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes. Mais qu'a-t-il à proposer, lui qui, lorsque son gouvernement
était encore au pouvoir, avait parfois donné de son personnage
l'image ambiguë d'un chef de guerre prestigieux flanqué trop souvent
d'officiers corrompus et d'alliés peu recommandables? "Je n'ai
jamais essayé d'accaparer le pouvoir, explique-t-il; quand le
régime post-communiste de Kaboul est tombé entre nos mains,
c'est-à-dire aux mains des moudjahidins, en 1992, j'ai mis à
la disposition des autres chefs tout le pouvoir possible afin d'éviter
le conflit interne. Mais cela n'a pas pu être évité, finalement, et cela m'a conduit à ne devoir compter que sur mes propres forces." Il concède: "C'est vrai, je ne nie pas qu'il y avait de la corruption parmi certains de ses hommes; mais il n'y avait pas que mon parti au pouvoir! Il y avait un grand nombre d'organisations politiques et militaires différentes!" Sa définition de l'Etat futur d'Afghanistan–quand, un jour, les talibans auront disparu emportés par une "rébellion du peuple" qu'il appelle de ses vœux et promet pour bientôt–est simple, claire: "Je répète que je suis un islamiste modéré, partisan d'un gouvernement modéré qui peut se dresser face à l'islamisme extrémiste. Nous sommes attachés au principe d'élections où hommes et femmes joueront un rôle dans le respect des droits des personnes. Et ce gouvernement modéré en paix avec ses voisins se lèvera contre le terrorisme et le trafic de drogue." Plus tôt dans la journée, le commandant Massoud avait lancé un appel aux pays occidentaux, déclarant "accepter toute aide que l'on pourrait nous donner pour reconquérir notre pays ". Mais que retire-t-il de ses échanges avec les responsables français, en particulier avec Hubert Védrine ? "J'ai demandé au ministre que la France prenne des initiatives pour œuvrer pour le retour de la paix en Afghanistan. Notamment en exerçant des pressions sur le Pakistan." Infatigable Massoud qui, en difficulté militaire sur le terrain,
ne songe pas une seconde à renoncer à son combat. Mais conserve-t-il
la nostalgie des années enfuies, songe-t-il parfois à l'infinie
tristesse des choses ? "Je vais vous dire mon sentiment, affirme-t-il
en se redressant sur sa chaise alors que son visage s'éclaire d'un
sourire bonhomme, la vie, que ça se passe dans la joie ou sans joie,
ça se passe. Chaque homme qui, en réfléchissant sur
son passé, a l'impression d'avoir été utile, n'a rien
à regretter. Moi, grâce à Dieu, je suis sûr du
choix que j'ai fait, du chemin que j'ai suivi, j'en ai la certitude absolue.
Je n'ai pas de regrets. Oui, le temps s'enfuit, la vie passe mais qu'importe
quand c'est au nom de la justice…" "Une catastrophe culturelle mondiale", selon l'ancien directeur
afghan de l'archéologie (AFP, 26/2/2001) ![]() Les Taliban ordonnent la destruction de toutes les statues dont
les Bouddhas géants de Bamiyan (AP, 26/2/2001) Le plus grand Bouddha du monde menacé de disparition en
Afghanistan (AFP, 26/2/2001) La famine en Afghanistan : une tragédie humaine majeure
(Le Monde, 13/2/2001) Nettoyage ethnique en Afghanistan Ali, un Hazara, se souvient qu'il était dans le bazar de Yakawlang lorsque les taliban ont attaqué la ville, le 9 janvier. Celle-ci était tombée depuis peu aux mains de 250 combattants du Hezb-e Wahdat, une unité de moudjahidin composée d'Hazaras alliés au commandant tadjik Ahmed Shah Massoud, en lutte contre les «étudiants en théologie». L'opposition et les taliban (qui contrôlent 90 % du pays) mènent depuis des années une guerre de positions incessante. Les deux camps gagnent puis reperdent des régions, souvent au prix de lourdes pertes de part et d'autre. «Plus que dix minutes à vivre.» «L'attaque a eu lieu vers midi, raconte Ali. Le Hezb-e Wahdat, qui n'avait plus de munitions, avait évacué la ville, ne laissant que deux combattants sur place. La première vague d'assaut des taliban est arrivée à pied, suivie de dizaines de pick-up tirant de tous côtés, y compris au lance-roquettes. Je me suis enfui dans le village de Dareli, à 2 km de là, où je me suis caché. Je me croyais en sécurité car l'endroit n'est pas accessible en voiture. Mais des taliban sont arrivés à cheval, ont encerclé le village, puis ont fouillé maison par maison. Ecartant les femmes, ils ont pris tous les hommes qu'ils trouvaient, ainsi que des enfants dont certains n'avaient pas plus de 7 ans. J'ai moi-même été découvert. Comme aux autres, ils m'ont attaché les mains derrière le dos avec des turbans dont ils se servent comme coiffe. Les femmes criaient et les taliban les repoussaient en les frappant. L'une d'elles s'est interposée pour les empêcher de prendre son mari d'une vingtaine d'années. Elle les suppliait en disant qu'ils n'étaient mariés que depuis un mois. Ils l'ont frappée, puis l'un d'eux a vidé son chargeur de Kalachnikov sur le jeune homme, en tirant des pieds à la tête. Nous nous sommes retrouvés à 70 ou 80 captifs, hommes, enfants et vieillards. Ils nous ont d'abord descendus du village, puis nous ont mis dans leurs pick-up pour nous ramener à Yakawlang. Ils nous disaient: "Nous allons vous tuer... votre vie arrive à son terme, vous n'avez plus que dix minutes à vivre." A Yakawlang, on nous a regroupés avec d'autres prisonniers. Comme je parlais le pachtou (la langue des Pachtouns, ethnie dont sont originaires l'immense majorité des taliban, ndlr), j'ai pu expliquer que je n'étais pas de la région, et l'un d'entre eux m'a libéré. Après, ils ont emmené les prisonniers, qui étaient alors plus d'une centaine, sur un terrain derrière le bazar et j'ai entendu des coups de feu...» Mussah, un autre Hazara de Yakawlang, a fui dans un village plus éloigné, échappant ainsi à la rafle. Mais il est retourné sur place pour enterrer les morts après le départ des taliban (entre-temps, le Hezb-e Wahdat avait repris la ville et la tenait encore à la mi-février, ndlr). Son récit corrobore celui d'Ali. Il explique que les taliban, qui avaient apparemment ordre de ne tuer que les hommes, ont poursuivi leurs massacres pendant près d'une semaine, commençant le matin vers 9 heures jusqu'en fin d'après-midi. «Ils encerclaient un village, faisaient sortir les hommes, les emmenaient un peu à l'écart, les exécutaient, puis passaient à un autre village.» Il dit avoir enterré lui-même, avec des femmes et d'autres rescapés, 15 corps dans le village de Sari Osiop. Il dresse une liste non exhaustive des villages de la banlieue de Yakawlang où tous les hommes présents ont été tués: Mandiak, Ghumbzi, Kushkak, Katahona, Akhundon, Bedemoushkin, Girtbeid... Toutefois, de nombreux habitants se sont enfuis dans les montagnes avec leurs familles et y étaient toujours quand il est parti, début février, assure-t-il, car la peur ne les a pas quittés. Une bonne partie de ceux-là sont morts de froid, selon Mussah. Quelque 1500 familles de Yakawlang se sont réfugiées à Panjao, à 40km de là, où il est lui-même allé avant de se rendre à Jalalabad. Il explique encore que le Hezb-e Wahdat est parvenu à reprendre Yakawlang sans combattre à la suite de ces massacres indiscriminés, en rassemblant tous les hommes encore valides des environs, qui jusqu'alors refusaient de s'engager. «Ils ont mis des haut-parleurs sur leurs voitures, disant que désormais plus personne n'avait le choix, qu'il fallait combattre les taliban ou se laisser massacrer», raconte Mussah. En constatant une telle mobilisation, les taliban, au nombre de quelques centaines, ont décampé sans combattre. Haine raciste. Les villageois ont alors entrepris de compter les victimes. Au bout de quelques jours, ils sont arrivés au chiffre de 530 morts - un décompte qui inclut toutefois les réfugiés morts de froid dans les montagnes. Au moins deux employés afghans d'une ONG occidentale, ainsi qu'un chauffeur employé par l'ONU, ont également péri dans ce nettoyage ethnique: toutes les victimes sont des Hazaras, des musulmans chiites d'origine mongole, traditionnellement méprisés en Afghanistan. Les taliban avaient déjà à plusieurs reprises pris cette ethnie pour cible. En 1998, ils avaient tenté d'affamer le Hazarajat par un embargo sur la nourriture qui dura de nombreux mois. «Les taliban étaient allés jusqu'à interdire la région aux organisations humanitaires», se souvient un responsable d'ONG en poste à Kaboul, qui met ces derniers événements sur le compte d'une «haine raciste» des taliban (pachtouns et sunnites) à l'encontre des autres ethnies afghanes et des Hazaras (chiites) en particulier. Les Hazaras avaient, il est vrai, eux-mêmes massacré froidement plus d'un millier de prisonniers de guerre taliban à Mazar-i-Sharif en 1997. La guerre civile afghane, qui a commencé après la chute du pouvoir communiste en 1992, prend de plus en plus l'allure d'une guerre ethnique entre un pouvoir pachtoun (seuls deux ministres taliban sont non pachtouns) et l'opposition, presque exclusivement composée d'autres ethnies. Cette nouvelle tournure du conflit inquiète nombre d'Afghans ainsi que les ONG et les experts onusiens sur place. Le pouvoir taliban, qui cherche en vain depuis 1996 à être reconnu comme légitime par la communauté internationale, déploie depuis janvier beaucoup d'efforts pour empêcher les rares témoins qui parviennent à traverser les lignes de front de parler de ce dernier massacre. Les sentinelles des postes de contrôle à l'entrée de Kaboul demandent aux voyageurs d'où ils viennent et arrêtent ceux en provenance de Yakawlang... Moscou accuse les Talibans d'abriter des camps terroristes
(Reuters, 4/2/2001) A Sangin, l'opium se vend à la tonne (AFP, 8/5/2000)
La récolte d'opium bat son plein en Afghanistan (AFP,
8/5/2000) L'ONU signale un risque de famine en Afghanistan et au Pakistan
(Reuters, 2/5/2000) Oussama Ben Laden est mourant, selon un magazine hong-kongais
(AP, 16/3/2000) Début de nouveaux pourparlers de paix entre factions afghanes
(AP, 7/3/2000) Afghanistan: l'OIC organisera les pourparlers de paix (Reuters,
5/3/2000) Drogue: l'ONU préoccupé par le manque de coopération
des taliban afghans (AFP, 23/2/2000) 73 ex-otages du Boeing afghan en route vers l'Afghanistan
(Reuters, 14/2/2000) 10.000 dollars pour "fuir vers la liberté" (AFP, 28/1/2000)
La Tchétchénie va ouvrir une ambassade en Afghanistan
(AP, 21/1/2000) Moscou qualifie de ``juridiquement nulle'' la reconnaissance
de la Tchétchénie par les Talibans (AP, 18/1/2000) |
I. LA SITUATION ACTUELLE DANS LES REGIONS CONTROLEES PAR LES TALIBAN Depuis leur prise de Kaboul, le 27 septembre 1996, la milice islamique des Taliban contrôle environ les 2/3 du pays. Dès leur entrée dans la capitale afghane, leur premier acte a symbolisé leur profond mépris de toutes les lois internationales : ils ont violé les locaux de l’ONU pour s’emparer de l’ancien président communiste Nordjiballah qu’ils ont ensuite pendu sans jugement après l’avoir torturé.Le travail des femmes est interdit Après 18 ans de guerre, et la mort ou l’exil de millions d’hommes, beaucoup de femmes étaient devenues soutiens de familles et occupaient 70 % des postes dans l’administration, la santé ou l’éducation. Les renvoyer à la maison signifie que les 40.000 veuves de Kaboul sont réduites à la mendicité, que l’enseignement et les soins ne peuvent plus être assurés correctement, que beaucoup de femmes qui avaient des postes importants sont réduites à l’exil.L’enseignement est interdit aux filles Les Taliban ont fermé toutes les écoles et lycées de filles et ont interdit aux étudiantes de se rendre à l’université. A leur arrivée, il y avait 60 % de filles à l’université de Kaboul. Toutes les familles qui en avaient les moyens ont envoyé leurs jeunes filles continuer leurs études en exil. Les autres se désespèrent dans leur maison et se tournent parfois vers le suicide.Il est interdit aux femmes de sortir sans un membre mâle de leur famille proche et sans une raison « valable » aux yeux des Taliban De quel droit les Taliban se permettent-ils de juger des raisons « valables » d’une femme et osent-ils décider à la place des femmes ? Quelles sont les femmes qui ont toujours un mâle à leur disposition pour les accompagner ?Le port du tchadri est obligatoire Les Taliban ont décidé de ne plus voir les femmes, qu’ils considèrent comme des invitatrices à la débauche. Comme ils ne peuvent pas les enterrer vivantes, ils les cachent sous le voile intégral du tchadri qui les recouvre de la tete aux pieds sans qu’un centimère carré de peau soit visible.La répression La répression envers les femmes est impitoyable. Les Taliban n’hésitent pas à les frapper jusqu’à la mort sous n’importe quel prétexte. Tout leur est interdit et même les fillettes sont menacées.II. REFERENCE AU PASSE Cette situation de dictature obscurantiste s’imposant par la terreur au nom de l’Islam est unique dans le monde et dans l’histoire de l’Afghanistan. Le pays est connu depuis l’antiquité comme un carrefour des cultures védique, grecque, boudhiste, hindouiste et finalement musulmane. Les vestiges architecturaux du passé sont nombreux, de même que toutes les expressions littéraires et artistiques. Les femmes y ont toujours tenu une place importante, qu’elles aient été reines, mécènes, poétesses, artistes ou héroïnes épiques. Quelques uns des plus grands philosophes ou scientifiques mondialement connus en sont originaires, comme Avicenne.III. QUI SONT LES TALIBAN ? Pendant la guerre contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan, le Pakistan soutenait le parti fondamentaliste de la Résistance afghane, celui de Gulbudin Hekmatyar. Après le retrait de l’Armée Rouge, le Pakistan, désireux de vassaliser l’Afghanistan pour des raisons politiques de suprématie dans la région, et économiques d’accès aux nouveaux marchés et aux hydrocarbures d’Asie Centrale, décidait de continuer à jouer la carte Hekmatyar contre le nationaliste Massoud.La carte Hekmatyar Hekmatyar avait deux avantages aux yeux d’Islamabad : il était l’ennemi juré du patriote Massoud et il désirait diriger seul un Afghanistan uni au Pakistan sous la forme d’un « Marché commun » islamique.La carte Taleban Pour remplacer Hekmatyar, les services secrets pakistanais créèrent alors de toute pièce un autre mouvement extrémiste, le mouvement des Taliban. Les Taliban sont des jeunes gens issus des écoles islamiques pakistanaises, principalement composés de Pashtouns, ethnie commune au sud de l’Afghanistan et à l’ouest du Pakistan. Leurs rangs sont grossis de chômeurs des régions du Pandjab ou du Sindh pakistanais et de mercenaires arabes, kurdes ou autres, tous payés 300 US $ par mois par le Gouvernement pakistanais.L’avancée des Taliban Ils sont précédés d’une habile propagande pakistanaise et saoudienne, relayée par une minorité de collaborateurs afghans, liés à l’ancienne famille royale afghane. Ces derniers pensent revenir au pouvoir comme des dirigeants fantoches au service du Pakistan, grâce à la force de frappe des Taliban. Sans armée présente sur le terrain, mais eux-mêmes présents dans toutes les organisations internationales, ils pensent pouvoir légitimer au niveau mondial leur future accession au pouvoir. Cette propagande pakistano-saoudienne présente les Taliban comme des « envoyés de Dieu » venus réconcilier tous les Afghans au nom du Coran, et rétablir la paix et la sécurité dans un pays ravagé par 18 ans de guerre. Elle leur fait aussi une réputation d’honnêteté et de lutte contre la corruption.Le vrai visage des Taliban Une fois installés dans les régions qu’ils ont conquises, les Taliban montrent leur vrai visage. Ils sont bien une armée d’occupation et non pas de libérateurs puisqu’ils imposent par la force une série d’interdits et d’obligations qui n’ont jamais eu cours sur le sol afghan et qu’il reçoivent toutes leurs directives d’Islamabad. Ils se comportent en ennemis vainqueurs, se faisant craindre par leur brutalité, leur pillage des biens de gens qu’ils sont censés être venus défendre, leur racisme vis-à-vis des différentes ethnies coexistant depuis toujours sur le sol afghan et leur racisme linguistique vis-à-vis du persan qui est la langue véhiculaire du pays, la langue de culture depuis des millénaires. Contre cette langue, la seule légitime en Afghanistan, ils veulent imposer la langue d’une ethnie commune au sud de l’Afghanistan et à l’ouest du Pakistan. Ils veulent ainsi couper définitivement le pays de sa culture et de tout accès à la modernité, et s’imposer en perturbant les gens qui ne se comprendront plus.La résistance aux Taliban L’avancée des Taliban a vite été bloquée au nord de Kaboul. Devant leurs exactions, bombardements de villages, massacres de population, déportation de plus de 100.000 personnes, les gens se sont révoltés. Les femmes ont pris les armes et, aux côtés des hommes, ont repoussé les Taliban jusqu’à Kaboul. SANCTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES source : http://www.finances.gouv.fr/pole_ecofin/international/sanctions/talibans.htm Règlement (CE)N° 337/2000 du Conseil du 14 février 2000 concernant l’interdiction des vols et le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan "Ajout à l'annexe I du règlement 337/2000 du 14 février 2000, de la ADB (Agricultural Development Bank of Afghanistan") Position commune du Conseil, du 24
janvier 2000, relative à l’Afghanistan - Journal officiel n° L
021 du 26/01/2000 p. 0001 – 0003 |
Mise à jour : novembre 2001
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