Afghanistan archives 1998-1999
L'actualité sur l'Afghanistan en ligne avec l'AFP
Chronologie de la guerre d'Afghanistan
Les principaux acteurs du conflit afghan 
la politique américaine
L'Afghanistan et les Talibans   Rapport rédigé par Mme Soukhria Haidar
                Présidente de l’Association de soutien aux femmes afghanes (NEGAR) 
Sanctions financières internationales 
AFGHANISTAN: PAIX ET STABILITÉ  DÉPENDRONT AUSSI DE L'AGRICULTURE, SELON LA FAO

Le coût de la relance agricole estimé à 39 millions de dollars pour 2002

Rome/Tokyo, 21 janvier 2002 /PR 02-01f . - En Afghanistan, la paix et la stabilité économique à long terme dépendent aussi de la relance du secteur agricole
dont le coût est estimé, pour 2002,  à 39 millions de dollars selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
A l'occasion de la tenue aujourd'hui à Tokyo d'une conférence internationale de bailleurs de fonds, la FAO a souligné la nécessité d'aider les paysans afghans à reprendre leurs activités agricoles, retourner à leurs champs et relancer la production agricole dans un pays où 85 pour cent de la population dépend du secteur primaire.
Selon la FAO, 39 millions de dollars sont nécessaires pour améliorer l'accès à la nourriture dans les zones aussi bien urbaines que rurales, grâce à l'accroissement de la production, la fourniture d'intrants (semences, engrais, outils...) et la création de revenus agricoles.
L'appel de la FAO aux donateurs s'insère dans le cadre d'un appel plus général lancé par les Nations Unies en faveur de l'Afghanistan. A court terme, la FAO réclame 18 millions de dollars pour la distribution de semences et d'engrais, la relance de l'élevage et des activités horticoles, la vaccination du bétail, la prévention du risque criquets pèlerins,  la création du service d'évaluation de la sécurité alimentaire et la coordination des opérations agricoles d'urgence..
Selon Anne Bauer, qui dirige les opérations de la FAO en Afghanistan, la situation alimentaire demeure alarmante en zones urbaines et rurales.  "Les semis d'automne ont considérablement souffert de la sécheresse et des actions militaires. A moins de les vacciner à temps, les troupeaux des populations nomades pourraient ne pas survivre à l'hiver rigoureux, aux maladies et à la pénurie de fourrages. Les paysans déplacés ont besoin de semences et d'engrais. Les familles qui sont retournées en Afghanistan et

les communautés qui les hébergent méritent une attention particulière pour

faciliter la réintégration", a indiqué Mme Bauer.

 

Pour les actions à  moyen terme,  la FAO réclame 21 millions de dollars pour

l'irrigation, le reboisement, la production de semences, les services

vétérinaires, la lutte intégrée contre les ennemis des plantes et la

promotion de produits agricoles à haute valeur ajoutée (pour contrebalancer

la production de pavot).

 

La FAO accordera une attention particulière aux femmes rurales, car ce sont

elles qui s'occupent, traditionnellement, de la disponibilité de la

nourriture, des revenus du foyer, de la nutrition, des soins de santé et de

l'éducation.  En outre, 20 ans de guerre ont laissé un demi-million de

familles sans pères.  "Le point de départ, c'est l'identification des

besoins des femmes et des ressources dont elles disposent",  selon Mme

Bauer.

 

Pour inciter les paysans à abandonner la production d'opium, il faut leur

faciliter l'accès au crédit, aux cultures alternatives et aux marchés.  A

cet égard, il convient d'améliorer les conditions de vie des ménages et des

communautés rurales, a indiqué Mme Bauer.

 

A Islamabad, la FAO a déjà mis en place une unité de coordination des

opérations de secours.  Après l'appel qu'elle avait lancé en août dernier,

l'agence onusienne a reçu 6 millions de dollars de l'Allemagne, de

l'Irlande, des Pays-Bas, de la Norvège et des Etats-Unis.  L'acquisition et

la distribution de semences est actuellement en cours pour les semis de

printemps.  Sont également en cours des achats de fourrage pour le bétail.

 

Le Département du développement international du Royaume Uni a alloué 2,9

millions de dollars à la FAO pour un programme de secours et de

développement agricole intégré en Afghanistan.

 

En ce moment, huit fonctionnaires internationaux de la FAO sont basés à

Islamabad et un neuvième, à Mazar-e-Sharif, outre une quarantaine de

nationaux qui travaillent dans le pays. 

 

A Kaboul, la FAO rouvrira prochainement ses bureaux situés dans les locaux

abritant le personnel des Nations Unies dans la capitale afghane.

***
Pour toute information, contacter Erwin Northoff, Chargé d'information FAO,

0039-06-5705 2232/3105, e-mail: erwin.northoff@fao.org
 

FAO: 10,1 millions de dollars sont nécessaires pour aider les agriculteurs afghans, Rome, 29 novembre 2001.
Communiqué de presse FAO: PR 91/93 10 Site Internet de la FAO : < http://www.fao.org>

Aider les agriculteurs et les réfugiés à retourner dans leurs fermes et à reprendre la production vivrière est le défi qu'il faudra relever au cours des prochains mois en Afghanistan, souligne l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Dans un appel à la communauté internationale, la FAO indique que 10,1 millions de dollars sont nécessaires pour la reprise immédiate de son aide d'urgence à ce pays éprouvé par la guerre: fourniture de semences, d'engrais, de fourrage et de vaccins pour le bétail. L'appel de la FAO fait partie d'un effort plus vaste des Nations Unies destiné à alerter la communauté internationale sur les besoins de l'Afghanistan, où sévit une grave pénurie alimentaire généralisée due aux effets conjugués de la sécheresse, de la crise économique et de la guerre.

"Il est capital d'aider les agriculteurs et l'économie rurale à lutter contre la faim et la pauvreté en Afghanistan", déclare Madame Anne Bauer, Chef des opérations spéciales de secours et responsable du programme d'urgence de la FAO en Afghanistan. "Environ 85 pour cent des 22 millions d'Afghans dépendent directement de l'agriculture. Depuis l'attentat du 11 septembre, les approvisionnements alimentaires commerciaux et l'assistance humanitaire ont été interrompus. La majorité des ruraux luttent pour leur survie quotidienne. La demande d'intrants agricoles de base est considérable au moment où démarre la campagne d'hiver."

"Nous devons faire tout ce qui est en notre possible pour réussir la prochaine campagne de semis", ajoute Madame Bauer. "Dès que les fonds seront disponibles, certaines des activités de la FAO pourront être aussitôt entreprises. L'enjeu consiste à aider le secteur de l'élevage pendant les semis d'hiver et de printemps, qui démarrent dès janvier dans certaines régions." Les semis d'automne de blé, qui représentent 80 pour cent de la production céréalière totale du pays, ont fortement souffert de la sécheresse et des actions militaires. "Sans fourrage et sans vaccins, le bétail a peu de chances de survivre à l'hiver, notamment les brebis qui devraient mettre bas à la fin de l'hiver", avertit Madame Bauer.

Les réseaux d'irrigation du pays sont dévastés et les services agricoles quasiment inexistants. Des milliers d'hectares de terres agricoles fertiles ont été mis hors production à cause du manque d'irrigation et des millions de mines qui y ont été plantées. Les arbres fruitiers et les forêts, autrefois source principale de devises, ont pratiquement disparu.

Afin de reprendre les projets déjà financés et faire démarrer de nouvelles activités d'urgence, la FAO rouvrira bientôt son bureau principal à Kaboul et ses bureaux régionaux dans les autres provinces. Une grande partie des immeubles a été détruite et pillée ces derniers mois et du matériel important a été dérobé. La FAO se joindra à une mission de l'ONU à Kaboul au cours des prochains jours pour préparer le retour de son personnel à Islamabad.

Une des activités immédiates de la FAO sera la distribution de 1 500 tonnes de semences de blé pour les semis de printemps aux agriculteurs du nord du pays, avec un accent particulier sur les zones reculées. La production de blé pluvial dans les Provinces du Nord a chuté de 90 pour cent par rapport à 1998. La disponibilité de semences de qualité dans les zones pluviales et irriguées est une des principales entraves à la production de blé en Afghanistan, selon la FAO.

Moyennant une disponibilité de fonds, quelque 100 000 familles agricoles victimes de la guerre et de la sécheresse recevront des semences de printemps et des engrais pour la prochaine campagne de printemps. Ces projets seront également axés sur l'irrigation et la gestion des ressources en eau.

Par ailleurs, la FAO distribuera des lots de légumes de printemps à 100 000 réfugiés et personnes déplacées à l'intérieur du pays, pour faciliter leur retour et leur réinstallation dans leurs bourgs et villages.
Pendant plusieurs années, la FAO, le Programme alimentaire mondial (PAM) et les ONG ont travaillé ensemble dans le cadre d'un programme de vivres-contre-semences en Afghanistan qui a incité les agriculteurs à améliorer les variétés de semences en échange de farine. La FAO et le PAM ont déjà convenu de poursuivre ce programme.
En outre, la FAO distribuera dans le nord du pays 1 800 tonnes de fourrage et relancera son programme de vaccination du bétail. Quelque 18 000 têtes de bétail seront nourries. Plus de 50 000 agriculteurs et leurs familles bénéficieront de ce programme. La vaccination des animaux devrait protéger jusqu'à 70 pour cent du bétail dans les zones ciblées.
Les services de santé animale, dont la vaccination, étaient auparavant dispensés par plus de 220 unités vétérinaires de terrain de la FAO, qui employaient plus de 650 vétérinaires nationaux et agents de santé animale. La FAO, avec les ONG et d'autres partenaires, envisage de réactiver et d'étendre cet important réseau.
La FAO lancera également une distribution d'urgence d'aliments pour animaux et une campagne de santé animale dans d'autres zones du pays, en faveur de 100 000 éleveurs - la plupart nomades - victimes de la guerre et de la sécheresse. Un réseau d'ateliers sera créé pour réparer les machines et les outils agricoles.
Une unité de surveillance de la sécurité alimentaire et un système d'alerte rapide seront mis en place afin de mieux cibler et évaluer les interventions internationales en matière de sécurité alimentaire dans la région.

Les activités de la FAO bénéficient déjà des promesses de contribution des Pays-Bas, des Etats Unis et de la Norvège.

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Noter : Clip audio, durée: 2min12sec

Au cours d'une interview au Siège de la FAO, à Rome, Anne Bauer, coordinatrice des Opérations d'urgence de la FAO en Afghanistan, déclare que la priorité du moment est de préparer les paysans afghans à la saison culturale prochaine, au printemps.

En Realaudio (écoute instantanée, 144 Kb) ftp://ext-ftp.fao.org/Radio/Realaudio/2001/Afghanistan-A-Bauer-fr.ram

En Mp3 (qualité Broadcast, 1,000 Kb à télécharger) ftp://ext-ftp.fao.org/Radio/MP3/2001/Afghanistan-A-Bauer-fr.mp3

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Jusqu'en 1998, les Etats-Unis ont été les maîtres d'œuvre des projets gaziers des talibans 
(Le Monde, 20/10/01)

Jusqu'en 1998, les Etats-Unis se sont vivement intéressés à la place de l'Afghanistan dans le grand jeu pétrolier d'Asie centrale. Car si les réserves d'hydrocarbures de ce pays sont trop faibles pour servir d'aliment aux guerres qui s'y sont déroulées, sa position géographique en fait une clé de l'évacuation des ressources d'Asie centrale. Il commande en effet l'accès aux mers chaudes, mer d'Oman et océan Indien.
Cette position intéresse directement le Turkménistan, qui dispose de réserves gazières importantes (plus de 20 billions - 1012 - de m3). Quand le Turkménistan s'est libéré, avec la chute de l'URSS, de la tutelle de Moscou, il a cherché le moyen d'acheminer son gaz vers des pays émergents aux besoins énergétiques croissants : soit à l'ouest vers la Turquie, soit au sud - Pakistan, Inde, Thaïlande, etc.
Le Turkménistan ne pouvait guère compter sur la collaboration du géant russe Gazprom pour exporter le gaz vers l'Europe, cette compagnie étant peu désireuse de se créer une concurrente sur son marché privilégié. Deux routes étaient possibles : à travers la Caspienne ou à travers l'Iran. Mais le champ gazier de Shah Deniz, appartenant à l'Azerbaïdjan, est beaucoup plus attractif pour la Turquie, qui n'a donc pas manifesté d'intérêt pour le gaz turkmène.
Restait donc la voie du sud. Un projet de gazoduc commença à être élaboré, et un tracé prit forme en 1994 sous l'égide de la compagnie argentine Bridas.
Mais le président turkmène, Saparmurat Niazov, estimait que les Etats-Unis devaient mener ce projet - on ne sait si l'idée lui en fut soufflée par Washington. Toujours est-il que Bridas fut éjectée du projet au profit de la compagnie texane Unocal. Bridas allait d'ailleurs porter l'affaire en justice en février 1996, pour se voir déboutée en octobre 1998 par un tribunal du Texas.

En 1995, les détails techniques commencèrent à être posés : le gazoduc transporterait, sur quelque 1 400 km, le gaz du champ turkmène de Dauletabad jusqu'à Multan, au Pakistan, d'où il serait envoyé vers le port de Karachi. Sa capacité serait de 50 millions de m3 par jour, son coût de construction de l'ordre de 2 milliards de dollars. En octobre 1997, le consortium Centgas (Central Asia Gas) était formé, comprenant Unocal pour 54 % des parts, une compagnie d'Arabie saoudite, Delta, pour 15 %, des compagnies japonaise, coréenne et pakistanaise et le gouvernement turkmène.

En janvier 1998, un accord fut passé avec les talibans, qui avaient pris le pouvoir en 1996. A cette époque, le régime taliban était donc vu favorablement à Washington. Mais cette collaboration allait susciter aux Etats-Unis l'opposition de mouvements féministes, scandalisés qu'Unocal travaille avec le régime taliban. Autre facteur négatif : le prix alors bas du pétrole, et donc du gaz, diminuait l'intérêt du projet afghan. La situation pour le moins instable de l'Afghanistan compliquait encore ce projet très politique, que les institutions financières internationales refusaient de soutenir.

Les attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam allaient ruiner le gazoduc. Le 21 août, Unocal annonçait qu'elle "suspendait toutes ses activités impliquées dans le projet de gazoduc en Afghanistan". Le jour même, l'aviation américaine bombardait des cibles supposées terroristes en Afghanistan et au Soudan. Unocal allait se retirer du consortium Centgaz en décembre 1998.

Depuis, les talibans n'ont pas abandonné l'idée du gazoduc. En mars 2000, par exemple, il était au menu des discussions entre les ministres des affaires étrangères pakistanais et turkmène, lors d'une rencontre à Islamabad à laquelle participaient des représentants de Kaboul. En janvier 2001 encore, un représentant des talibans, Haji Habib Ullah Fauzi, réitérait l'intérêt du régime pour le gazoduc. Mais aucune grande compagnie ne s'est manifestée sérieusement depuis le retrait d'Unocal. Le gaz turkmène attendra la paix.

L'exportation des hydrocarbures, sujet stratégique majeur pour l'Asie centrale (Le Monde, 20/10/01)
Contrairement à la guerre du Golfe, la campagne militaire en Afghanistan n'a pas de motivations pétrolières directes. En 1991, l'opération "Tempête du désert" contre l'Irak permettait aux Etats-Unis de s'installer durablement en Arabie saoudite, premier producteur mondial d'or noir. Aujourd'hui, l'opération "Liberté immuable" est une guerre contre Oussama Ben Laden et les talibans. L'Afghanistan n'est pas réputé pour ses ressources énergétiques. Le pays pourrait au mieux être une des voies d'acheminement du gaz et du pétrole d'Asie centrale vers le Pakistan et l'océan Indien. L'exportation des hydrocarbures d'Asie centrale n'en reste pas moins un enjeu disputé entre Américains et Russes depuis la chute de l'URSS.

La zone de la mer Caspienne a été présentée, au cours des années 1990, comme un nouveau Moyen-Orient. En fait, le potentiel s'est avéré beaucoup plus modeste; il reste cependant, avec près de 30 milliards de barils (4,5 milliards de tonnes) de réserves prouvées, comparable à celui de la mer du Nord. La Caspienne, plus grande mer fermée du globe, recèle ainsi environ 2 % des réserves prouvées mondiales de pétrole et 4 % des réserves prouvées de gaz naturel. Les gisements sont principalement concentrés sur quelques pays de l'ex-Union soviétique: Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan.

Depuis 1991, la région est au centre d'un nouveau "grand jeu" entre les Etats-Unis, la Russie et l'Iran pour le contrôle et l'acheminement des hydrocarbures de la Caspienne vers les marchés européen et asiatique. Dix ans plus tard, les républiques musulmanes des confins de la Russie, traversées par des crises d'identité, engluées dans des problèmes économiques et sociaux récurrents, n'ont toujours pas rattrapé leur niveau de vie d'avant 1991. Les tensions géopolitiques concernent tant la propriété des gisements que le tracé des pipe-lines. Aucun accord définitif n'est encore intervenu entre les pays riverains pour le partage de ces richesses. Les incidents ne sont pas rares. Cet été, un navire de guerre iranien a contraint un bâtiment de prospection pétrolière venu d'Azerbaïdjan à cesser ses forages. La Russie s'est posée en médiateur, mais Moscou a été soupçonnée de vouloir reprendre son hégémonie dans la région pour peser sur le choix des tracés d'oléoducs.

L'enclavement est au cœur de toutes les difficultés.
Il faut traverser de nombreux pays aux relations souvent conflictuelles pour joindre les ports de la mer Noire, de la Méditerranée ou ceux du Golfe. Les républiques d'Asie centrale souhaitent se dégager du réseau traversant la Russie, avec le soutien implicite des Etats-Unis qui veulent par ailleurs éviter la traversée de l'Iran.

Des multiples projets en compétition, ces dernières années, pour l'exportation du gaz turkmène, du pétrole kazakh ou azerbaïdjanais vers les marchés mondiaux, un seul a vu le jour: l'oléoduc reliant – sur 1580 kilomètres via la Russie – le gisement de Tenguiz, au Kazakhstan (l'un des plus grands gisements au monde, estimé à 6 milliards de barils, soit près de 900 millions de tonnes) jusqu'au port russe de Novorossiisk, sur la mer Noire. Sa mise en exploitation, en mars 2001, permet au Kazakhstan, riche en pétrole, de doubler ses capacités d'exportation (l'oléoduc transportera à plein régime 67 millions de tonnes de brut par an) et donne à la Russie, traditionnellement maîtresse des voies d'acheminement des ressources de ses anciennes républiques "sœurs", un avantage certain. Exploité par le Consortium pour l'oléoduc de la Caspienne (CPC), dont les principaux actionnaires sont la Russie (24%), le Kazakhstan (19%) et Oman (7%), l'existence de ce nouveau tube amoindrit les chances d'aboutir d'un autre projet, auquel s'opposent les Russes: celui de l'oléoduc Bakou-Ceyhan (1730 kilomètres et d'un coût estimé à 2,5 milliards de dollars). Celui-ci est censé transporter le brut produit en Azerbaïdjan vers la Méditerranée, via la Géorgie, sa construction devant être, dans le meilleur des cas, finalisée en 2004.

Il est favorisé par l'administration américaine pour des raisons politiques (il écarte la Russie et l'Iran du jeu), mais il rencontre l'opposition des "majors" du pétrole qui le jugent coûteux et de réalisation difficile. En fait, la meilleure voie d'exportation des hydrocarbures d'Asie centrale reste l'Iran. Mais cette perspective est bloquée par les sanctions américaines de 1996 contre ce pays. Il est, à l'heure actuelle, trop tôt pour dire dans quelle mesure la crise en cours et le rôle que l'Iran sera appelé à jouer en Afghanistan pourront changer les choses. Grand partenaire de la Russie dans la région, l'Iran a, certes, condamné les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis mais a refusé à l'aviation américaine l'utilisation de son espace aérien.

Les réserves du Kazakhstan sont pour l'instant bloquées. Un oléoduc de près de 3000 kilomètres est évoqué pour alimenter la Chine depuis la rencontre en juin 1998 entre le président chinois Jiang Zemin et son homologue kazakh Noursoultan Nazarbaev. Mais le projet, très coûteux, ne s'est pas encore concrétisé.

Le Turkménistan cherche lui aussi, pour son gaz, un débouché autre que la Russie, qui lui achète à moindre prix du gaz revendu ensuite deux fois plus cher à la Turquie ou à l'Europe via l'Ukraine. Depuis 1999, le Turkménistan a raccordé son réseau à un gazoduc iranien mais les quantités ainsi fournies via l'Iran à la Turquie sont très faibles. Même si la Russie de Vladimir Poutine arbore une stratégie commerciale moins empreinte de colonialisme que celle qui prévalait à l'époque de Boris Eltsine, s'engageant par exemple à payer le gaz turkmène en devises, le Turkménistan continue à espérer pouvoir évacuer son gaz vers le rivage pakistanais. Mais il faut traverser l'Afghanistan… Le Turkménistan a donc besoin de la paix chez son voisin, quel qu'en soit le bénéficiaire.

Riche en réserves de gaz, l'Ouzbékistan voisin, doublement enclavé (il est, avec le Lichtenstein, le seul pays au monde séparé d'un accès à la mer par au moins deux pays), verrait lui aussi d'un bon œil une éventuelle pacification de l'Afghanistan. Faute de pouvoir exporter, l'Ouzbékistan, qui est la plus peuplée des républiques d'Asie centrale, avec 24,4 millions d'habitants, transforme son gaz en engrais et en polyéthylène.

Outre l'Iran à qui l'Ouzbékistan fournit du gaz liquide, un de ses principaux clients est le Kirghizstan voisin. L'arrivée du gaz ouzbek est souvent coupée, faute de paiement. Le robinet est rouvert à chaque fois que le Kirghizstan, petite république montagneuse et dépourvue de ressources, menace de ne plus fournir d'eau à l'Ouzbékistan, qui en a cruellement besoin. Ce pays, qui partage 137 kilomètres de frontières avec l'Afghanistan, rêve de tirer une ligne droite jusqu'à Karachi. Au total, si la guerre en Afghanistan n'a pas de motivation pétrolière, l'instauration de la paix dans ce pays permettrait l'ouverture de l'Asie centrale sur le monde, hors du face-à-face exclusif avec la Russie.

Trois questions à Michael Klare (Le Monde, 20/10/01)
1Vous êtes professeur au centre d'études sur la paix et la sécurité mondiale (massachusetts) et auteur de "resource wars : global geopolitics in the 21st century" (new york : metropolitan books). le pétrole est-il la clé de la crise actuelle ? 
La clé de la crise est l'engagement militaire américain en Arabie saoudite. Cette implication n'a d'autre objet que le pétrole : l'Arabie saoudite possède 25 % des réserves mondiales et l'économie américaine est basée sur le pétrole. Les Etats-Unis sont engagés dans la protection de la monarchie saoudienne et se trouvent donc en conflit direct avec ceux qui veulent renverser cette monarchie, donc avec Ben Laden.

2Pourquoi les Etats-Unis se sont-ils impliqués dans l'exploitation des ressources de la mer Caspienne dans les années 1990 ?
Les Etats-Unis cherchent à réduire leur dépendance à l'égard du Golfe en multipliant les sources d'approvisionnement alternatif.
Ils ont cherché à développer les champs de la Caspienne, à créer de nouveaux oléoducs et à renforcer les Républiques asiatiques de l'ex-URSS. Mais cela ne joue pas un grand rôle dans la crise actuelle. Ben Laden est un Saoudien qui s'est réfugié en Afghanistan, et ses intérêts réels sont en Arabie saoudite. Les Etats-Unis n'attaquent l'Afghanistan que parce que c'est là que se trouve Ben Laden.

3Comment les Etats-Unis pourraient-ils réduire leur dépendance à l'égard du Golfe ?
Sur le long terme, en diminuant leur besoin de pétrole. Aucune autre région du monde ne pourra remplacer les ressources du Golfe. Les Etats-Unis doivent édifier un autre système énergétique : c'est une société pilotée par le pétrole. Elle doit se transformer. Une autre raison de bouger est la nécessité de lutter contre le changement climatique. Mais je ne crois pas que les Etats-Unis sont prêts à considérer une telle transformation. Ils maintiendront des forces dans le Golfe face à la volonté de l'Iran, de l'Irak, et maintenant d'une force non étatique, de les chasser de la région. S'ils ne changent pas de système énergétique, les Etats-Unis sont engagés dans un état de guerre permanent.

Défaire les taliban : mission presque impossible pour une superpuissance (AFP, 18/9/2001)
Les techniques de guerre des taliban d'Afghanistan, qui ont souvent conquis des territoires en soudoyant leurs adversaires, sont à cent lieues de ce que pourrait impliquer un conflit conventionnel avec les Etats-Unis.
 Lors de leur conquête du territoire afghan, au milieu des années 90, les taliban ont généralement utilisé la tactique suivante : communication avec un commandant ennemi, tractations, prise de contrôle du secteur à bord de camionnettes souvent remplies d'argent. En cas de résistance, bombardement appuyé des positions rebelles et recherche du point faible chez l'adversaire susceptible de faire défection.
 Depuis la chute de l'ancien régime pro-soviétique de Kaboul (1992), la guerre civile en Afghanistan a surtout été marquée par des changements d'allégeance. Le puissant voisin pakistanais est soupçonné d'avoir contribué à la montée en puissance des taliban depuis 1994.
 Cependant, en sept ans, les "étudiants en religion" ont réussi progressivement à s'emparer de plus de 90% du territoire afghan. L'argent et la division de leurs ennemis ont permis aux taliban d'avancer et ensuite de garder leurs positions.
 L'exécutif des taliban serait à la tête d'une armée enturbannée, évaluée à entre 40.000 et 60.000 hommes. Selon le Jane's Intelligence Review, à cette force, il faut ajouter "une légion étrangère" de "Jihadis" (volontaires pour la guerre sainte), qui compterait entre 8.000 et 12.000 combattants, venus de pays comme l'Arabie Saoudite, l'Algérie ou l'Egypte, et pour la plupart loyaux au terroriste présumé Oussama ben Laden.
 Les véhicules de transport favoris des taliban et de leurs alliés : des camionnettes de fabrication japonaise, des camions lance-roquettes et quelques vieux chars de combat soviétiques.
 Ils disposent aussi d'une dizaine d'avions de combat datant de l'époque soviétique (MiG-21, SU-22 et L-39) et d'une poignée d'hélicoptères particulièrement grinçants. A cela, il faut ajouter quelques missiles Scud (hors d'usage) et Stinger (ces derniers provenant des vieux stocks d'armement fourni dans les années 80 via la CIA).
 En cas d'attaque américaine contre les taliban d'Afghanistan, peu d'analystes les considèrent suffisamment hardis pour une bataille conventionnelle, comme lors de la guerre du Golfe.
 Les Américains auraient, face à eux, un ennemi quasiment invisible, qui se cacherait dans les montagnes ou dans les recoins de vallées imprenables.
 Tout envahisseur étranger sait que l'Afghanistan n'est pas une proie facile : les Britanniques, les Perses, puis les Iraniens, les Russes, puis les Soviétiques, et aujourd'hui les Pakistanais, s'y sont cassé les dents.
 Selon des experts, une option à examiner avant toute confrontation majeure consisterait à "travailler" les éléments les moins radicaux de l'exécutif taliban et à favoriser un coup d'Etat.
 Lors de leur ascension au pouvoir, les "étudiants en religion" ont absorbé d'anciens communistes, des royalistes, des nationalistes pachtounes (l'ethnie majoritaire) et des chefs religieux et tribaux aux intérêts divergents, susceptibles de changer de camp et de provoquer des fissures au sein du pouvoir.
 "Si la délégation pakistanaise (qui exerce actuellement des pressions sur eux) échouait dans ses efforts, certains milieux au sein de l'appareil militaire d'Islamabad pourraient être tentés de favoriser un coup d'Etat en Afghanistan", estime une source pakistanaise.

Le régime afghan pose des conditions à la livraison de ben Laden  (Reuters, 18/9/2001)
Les taliban au pouvoir à Kaboul ont posé des conditions à la livraison du dissident d'origine saoudienne Oussama ben Laden, demandant qu'il soit emmené dans un pays islamique neutre pour y être jugé, annonce la presse afghane.
Ces conditions ont été émises lors de la rencontre de lundi à Kandahar, fief taliban dans le sud de l'Afghanistan, entre des responsables de haut rang pakistanais et le guide suprême taliban, le mollah Mohammad Omar, écrivent les journaux Nation et Jang.
"Avec des garanties d'un traitement juste, les taliban pourraient être prêts à livrer Oussama à un pays islamique neutre ou à l'Organisation de la conférence islamique", écrit Jang, qui cite une source non identifiée.
Parmi les autres conditions posées par le mollah Omar figurent la levée des sanctions de l'Onu contre le gouvernement taliban, reconnu par trois pays seulement, et l'attribution d'une aide économique au pays ravagé par la guerre.
Toujours selon la presse, les taliban demandent également la suspension de l'aide étrangère et militaire à l'Alliance du Nord (opposition), qui lutte contre les taliban dans les montagnes du Nord-Est et contrôle moins de 10% de l'Afghanistan.
Un responsable de l'ambassade afghane à Islamabad a indiqué qu'il n'était pas en mesure de confirmer ces informations.

Après son éradication par le régime de Kaboul, la culture du pavot à opium menace de reprendre (Le Monde, 20/10/01)
La réduction drastique de la culture du pavot à opium en Afghanistan risque d'être l'une des grandes victimes de la campagne militaire américaine dans ce pays. Selon le rapport annuel du Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (Pnucid), publié mercredi 17 octobre, l'interdiction totale de la culture du pavot, décidée en juillet 2000 par le chef suprême des talibans, le mollah Mohammed Omar, a quasiment éradiqué l'opium dans les 90 à 95 % du pays sous contrôle taliban.

La production est passée à 185 tonnes en Afghanistan en 2001 contre 3 276 tonnes en 2000. "3 100 tonnes qui disparaissent du marché, cela représente 75 % de la production mondiale, relève Bernard Frahi, responsable du Pnucid pour le Pakistan et l'Afghanistan . L'Afghanistan était le premier pays producteur du monde. Il ne produit plus aujourd'hui que 10 % du total, soit très loin derrière la Birmanie."

Mais tout semble en passe de changer. Les agriculteurs afghans se préparent à reprendre cette culture extrêmement rentable. "Nous recevons déjà des informations sur des endroits reculés où les fermiers ont préparé leurs champs pour des semences de graines de pavot", indique M. Frahi. Les champs préparés pour recevoir les graines de pavot sont creusés à intervalles réguliers de rigoles qui permettront d'inonder les semences après quelques semaines.

Une semaine avant les attentats du 11 septembre, le mollah Omar avait renouvelé, "à l'approche de la saison des semences, l'interdiction totale de la culture du pavot", prolonge M. Frahi. Mais, dans les circonstances présentes, les talibans ont d'autres priorités. De plus, "la crise nourrit des rumeurs selon lesquelles les talibans ne seront peut-être plus là au moment de la récolte" . La saison des semences se déroule de mi-octobre à mi-novembre en fonction des régions, la récolte en avril et mai.

Un signe ne trompe pas : le cours de l'opium sur le marché local s'est effondré. "L'opium se vendait 600 dollars le kilo en août. Son cours est tombé à 180 dollars après le 11 septembre et il s'établissait la semaine dernière à 90 dollars", observe M. Frahi.

PETITS FERMIERS

Les fermiers, qui avaient gardé de l'opium des récoltes précédentes, se sont rués au marché pour vendre leur stock et obtenir de l'argent liquide, indispensable en cas d'exode. Pour les petits fermiers, cette marchandise, qui se conserve d'une année sur l'autre, est à la fois une source de crédit et d'épargne.

L'éradication de la culture de l'opium dans les zones sous contrôle taliban constituait pourtant le grand succès de l'ONU obtenu par le Pnucid, grâce à trois ans de dialogue continu avec les talibans et sans grands moyens financiers. Cette quasi-élimination du pavot en Afghanistan "résulte clairement de l'application de l'interdiction de la culture du pavot", note le rapport du Pnucid.

Cette année, ses agents ont visité 10 030 villages dans 160 districts ; 23 des 32 provinces d'Afghanistan sont concernées.
Sur les 7 606 hectares de terre consacrés au pavot en Afghanistan (contre 82 172 l'an dernier), 6 342, soit 83 % du total, se trouvent dans la province du Badakhshan, territoire du Nord-Est, sous contrôle de l'Alliance du Nord, coalition d'opposition aux talibans, précise le rapport. La province d'Helmand, à l'ouest de Kandahar, qui arrivait en tête l'an dernier (plus de 42 000 ha de terres consacrées au pavot), n'en a pas produit du tout cette année. A l'inverse, les fermiers du Badakhshan ont profité de l'interdiction décrétée par le mollah Omar, en multipliant par 2,6 les surfaces consacrées à la culture du pavot. "Les commerçants leur ont offert dix fois le prix pour l'opium ainsi que des avances en liquide", explique M. Frahi.

Pour que les années d'efforts du Pnucid ne soient pas perdues, "tout programme de reconstruction devra tenir compte de la lutte contre la drogue et intégrer des plans de développement afin que les fermiers ne retournent pas au pavot", ajoute-t-il. Surveillée avec rigueur par les talibans, l'interdiction de la culture du pavot a coûté très cher aux fermiers afghans. A présent, ceux-ci risquent d'être encore plus difficiles à convaincre.

Selon Alain Labrousse, "l'opium n'a pas été le nerf du terrorisme" pour Ben Laden (Le Monde, 20/10/01)
Au pays de l'opium, les talibans ont cultivé le paradoxe. Sous leur férule, la production a battu tous les records en 1999. Puis leur régime a éradiqué presque tous les champs de pavot, sur ordre de leur chef suprême, le mollah Omar, en juillet 2000. Les talibans ont ainsi rompu avec un passé qui avait fait de l'Afghanistan, depuis 1994, le premier producteur mondial de pavot à héroïne.

Dans cette histoire mouvementée de la drogue en Afghanistan, les talibans et leur protégé, Oussama Ben Laden, sont donc loin d'incarner le "Mal". "Contrairement à ce qu'avance le premier ministre britannique Tony Blair, la drogue n'a pas été le nerf de ce terrorisme-là", explique Alain Labrousse, chargé de mission à l'Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT).

De la guerre contre les Soviétiques jusqu'à la prise du pouvoir par les talibans en 1996, la production d'opium est allée croissant en Afghanistan. "Les services spéciaux pakistanais (ISI) avaient le monopole des livraisons d'armes aux moudjahidins afghans, avec des financements assurés par l'Arabie saoudite et les Etats-Unis", rappelle M. Labrousse. Les camions d'armes revenaient d'Afghanistan chargés d'opium. "L'argent du trafic servait à financer des groupes dissidents en Inde, des islamistes actifs au Cachemire et, dans les années 1980, des sikhs au Pendjab. Mais on ne peut pas dire que la guerre d'Afghanistan a été financée par la drogue."

Avec environ 2 800 tonnes d'opium produites en 1994, le pays a détrôné la Birmanie.
Plus de 80 % de l'héroïne livrée en Europe occidentale provient alors du Croissant d'or (Afghanistan et Pakistan). Jusqu'en 1998, c'est-à-dire sous le gouvernement du président Rabbani puis sous les talibans, la production s'est maintenue à ce niveau, avant d'atteindre le record de 4 600 tonnes en 1999.

Pourtant, les talibans n'ont tiré qu'un profit limité du trafic. Ils se sont contentés de la zakat (dîme musulmane), soit environ 10 % du prix, comme pour les autres cultures. "Rien n'indique que les talibans soient allés au-delà de ce commerce local et qu'ils se soient impliqués dans l'exportation, qui rapporte beaucoup plus", note M. Labrousse. Les prélèvements sur la drogue constitueraient "au mieux 200 millions de dollars, c'est-à-dire à peine 10 %" de toutes les taxes perçues par les talibans sur le commerce légal et la contrebande.

Et du côté de l'Alliance du Nord ? "Le commandant Massoud a toujours été un puritain, antidrogue et même antitabac. Il s'est opposé à des commandants locaux de l'Alliance qui, eux, notamment dans le Badakhshan -nord-est-, tiraient profit de la drogue. Selon les services de sécurité russes, le général Rachid Dostom aurait aussi participé au trafic d'opium et d'héroïne vers la Russie." Selon l'Association d'études géopolitiques des drogues (AEGD), à laquelle participe M. Labrousse, le trafic finance aussi des groupes islamistes d'Asie centrale, dont le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, dirigé par Djouma Namangani et basé dans le nord de l'Afghanistan.
Jusqu'à ces derniers mois, de nombreux spécialistes internationaux des drogues estimaient que le décret d'interdiction du mollah Omar, en juillet 2000, était motivé par la nécessité d'écouler les volumineux stocks d'opium afin de ne pas faire chuter les prix. Mais comment expliquer son renouvellement, un an plus tard ? "L'hypothèse optimiste est que le mollah Omar est convaincu que la sécheresse frapppant le pays est une punition d'Allah, à cause du trafic de drogue. Selon une autre hypothèse, les trafiquants avaient plus d'une année de stock à écouler", risque M. Labrousse.

EFFONDREMENT DES PRIX
Depuis les attentats du 11 septembre, les prix de l'opium vendu à Peshawar (Pakistan) se sont en tout cas effondrés. Parce que des petits producteurs ont eu besoin de liquidités face aux incertitudes de la situation ? "On peut plutôt penser que, dans ce contexte, des trafiquants ont remis des stocks sur le marché", pense M. Labrousse.
Une chose est sûre : depuis la guerre, les talibans ne se préoccupent plus de cette question. "Ni les talibans, ni les forces alliées n'ont intérêt à embêter les tribus qui cultivaient habituellement le pavot", conclut-il. D'autant moins qu'elles sont nombreuses dans les provinces de l'Helmand et du Nangarhar, deux importantes régions de tribus pachtounes dont chacun - les talibans comme leurs adversaires de la coalition alliée - escompte aujourd'hui les bonnes grâces.

Les taliban déclarent la "guerre sainte" aux Etats-Unis (Reuters, 18/9/2001)
Les extrémistes musulmans au pouvoir à Kaboul ont déclaré une guerre sainte (djihad) aux Etats-Unis, a rapporté la radio afghane Voix de la charia enregistrée par la BBC.
"Je voudrais dire à notre peuple que notre djihad va officiellement reprendre contre les Américains", a déclaré le vice-président du Conseil des ministres taliban, le mollah Mohammad Hasan Akhond, dans un discours enregistré lundi soir.
Akhond a ajouté qu'il était inimaginable que les "attentats terroristes" perpétrés contre le World trade center et le Pentagone aient été commis par les taliban ou le milliardaire d'origine saoudienne Oussama ben Laden.
"Mais les Etats-Unis et tous les impérialistes du monde, les juifs et les chrétiens et leurs sympathisants, tentent de détruire sous ce prétexte l'ordre islamique qui a été établi au prix de notre sang", a ajouté Akhond.
Cet déclaration survient alors que les responsables religieux islamiques afghans devaient se réunir mardi pour discuter du sort de ben Laden, "hôte" de Afghanistan, mais rien n'indiquait que les taliban avaient l'intention de livrer le dissident d'origine saoudienne accusé par Washington d'être derrière les attentats-suicide commis aux Etats-Unis.
Le choura (conseil) des oulemas (chefs religieux) est aux ordres du mollah Mohammad Omar, le guide suprême des extrémistes taliban.
Un porte-parole taliban, Abdoul Hai Moutamaen, a déclaré à l'agence AIP que le conseil "discutera dans le détail et prendra une décision sur la situation récente soulevée par une possible attaque des Etats-Unis et sur Oussama ben Laden."
Réunion des chefs religieux taliban
"La décision et les ordres des religieux (...) sont importants et obligatoires et le gouvernement les mettra en oeuvre complètement", a-t-il ajouté.
Le choura a été convoqué à la demande du mollah Omar, mais ce dernier ne devrait pas y participer.
Les responsables pakistanais ont indiqué que la délégation pakistanaise présente à Kaboul pourrait être informée des décisions prises lors du conseil religieux.
La mission pakistanaise, désireuse de persuader les taliban d'extrader Oussama ben Laden, a quitté mardi marin l'ambassade du Pakistan à Kaboul pour se rendre à une réunion dans un lieu tenu secret.
Le chef des services secrets pakistanais, le général Mahmoud Ahmed, a quitté l'ambassade en compagnie de son adjoint, d'un responsable du ministère des Affaires étrangères, du vice-ambassadeur et de l'attaché militaire à Kaboul.
La médiation entreprise par Islamabad pour tenter de convaincre les taliban de livrer ben Laden n'avait pas donné de résultat lundi malgré trois heures de discussion. La délégation a décidé ensuite de prolonger de 24 heures son séjour en Afghanistan.
Ben Laden laden et les taliban ont nié toute implication dans les attentats-suicide, ce qui n'a pas convaincu les Etats-Unis.
"Toutes les pistes" nous conduisent vers ben Laden, a même affirmé le secrétaire d'Etat américain Colin Powell.
A l'instar de l'Iran samedi, le Pakistan a fermé lundi sa frontière avec l'Afghanistan vers où se précipitaient des dizaines de milliers d'Afghans terrorisés à l'idée d'être bombardés par l'armée américaine.
Plus de 2,5 millions d'Afghans s'entassent déjà dans des camps installés en bordure de frontière, au Pakistan.

L'opposition veut tirer profit d'un possible changement de donne en Afghanistan (AFP, 18/9/2001)
Les forces du général Babajan, positionnées à moins de 40 kilomètres au nord de Kaboul, tiennent le poste le mieux placé de l'opposition afghane pour frapper le régime des taliban.
 Alors que Washington prépare des représailles contre les taliban et leur "hôte" Oussama ben Laden, principal suspect dans les attentats aux Etats-Unis, Babajan voudrait bien profiter d'un éventuel changement de donne en Afghanistan.
 D'abord effondrés par l'attentat mortel contre leur chef, le commandant Ahmed Shah Massoud, deux jours avant les attaques terroristes de New York et Washington, Babajan et ses hommes se prennent maintenant à espérer.
 Si les Etats-Unis veulent raser les camps d'entraînement dont dispose ben Laden en Afghanistan et empêcher les taliban d'accueillir de nouveaux extrémistes, ils devraient fournir un soutien militaire de grande envergure aux opposants, estime Babajan.
 "Je suis confiant que le début de la fin du terrorisme et des taliban s'amorcera ici et que nous vengerons le sang de Massoud et de l'Amérique", déclare Babajan depuis la ligne de front.
 "Nous pouvons aider les Etats-Unis en matière de renseignement et d'opérations militaires", ajoute-t-il scrutant les positions taliban depuis le sommet d'une tour de contrôle décatie de l'ancienne base aérienne de Bagram.
 Pour l'instant, les Etats-Unis n'ont pas donné de signes concrets d'une volonté de s'engager directement dans les combats que mène l'Alliance du nord du défunt commandant Massoud contre les miliciens taliban.
 Pourtant Babajan sent de la nervosité chez ses ennemis, qu'il voit à trois kilomètres en train de convoyer du ravitaillement et de renforcer leurs positions.
 La possibilité d'un soutien américain arrive à un moment critique pour l'opposition, même si Massoud n'avait pas été tué dans l'attentat perpétré par deux Arabes se faisant passer pour des journalistes.
 Depuis cinq ans qu'ils ont pris la capitale Kaboul, les taliban ont étendu leur influence et leur contrôle sur plus de 90% du territoire afghan. Malgré l'aide de la Russie, de l'Inde ou de l'Iran, l'opposition n'a cessé de perdre du terrain.
 Son dernier pré-carré se limite au fief natal de Massoud, la vallée du Panchir, à la province du Badakshan (nord-est) et à quelques poches de résistance dans le nord et l'ouest.
 Une alliance hétéroclite de chefs de guerre des minorités ouzbèke, hazara et tadjike (l'ethnie de Massoud) compose l'essentiel des combattants anti-taliban. La coalition très fragile n'était cimentée que par le charisme, la conviction et le leadership du commandant Massoud, décédé à 49 ans et enterré dimanche au Panchir.
 Sa mort a fait redouter l'éclatement de cette alliance.
 "Sa voix donnait le moral à chacun, leur donnait la force", se rappelle Babajan.
 "J'aurais préféré perdre dix mille hommes que de voir mourir Massoud."
 Le successeur de Massoud, le général Fahim est peu connu. Egalement basé dans le Panchir, il commandait jusqu'à présent les lignes de front de la province de Takhar (nord-est). "C'est quelqu'un de très réservé", note un proche de Massoud.
 "Massoud dépassait tout le monde de la tête et des épaules. Mais tous les autres commandants sont au même niveau. L'Alliance a besoin de quelqu'un qui inspire le respect", ajoute cette source qui requiert l'anonymat.
 Les 15.000 hommes dont dispose l'opposition ne sont pas à la taille des taliban, réputés bénéficier d'un important soutien matériel pakistanais, ainsi que de contingents de volontaires arabes.
 L'opposition n'a plus qu'un rôle défensif.
 Deux jours après l'attentat contre Massoud, les taliban avaient profité de son absence et lancé une offensive en direction de Bagram. Elle avait été repoussée.
 Bagram avait été construit par l'Union soviétique qui en avait fait sa principale base aérienne en Afghanistan. Mais elle a changé de mains à plusieurs reprises depuis la prise de Kaboul par les taliban en 1996.
 Il n'en reste plus que des bâtiments bombardés et de le ferraille éparse.
 Porte d'entrée vers Kaboul par les plaines, Bagram n'est qu'à 25 km de la gorge de la vallée du Panchir.
 Ce que Babajan redoute, c'est que les Américains ne recourent qu'à des frappes aériennes, laissant les forces anti-taliban se débrouiller seules au sol.
 "Il faut qu'ils montent des opérations communes avec nous. Ce n'est pas avec les seules frappes tactiques qu'ils vont éradiquer le problème terroriste". 

GUERRE DE CIVILISATIONS ? (Centre de recherches et d'initiatives de solidarité internationale, 26/9/01)
Philip S. Golub 

A peine sorti de la guerre froide, le système international est en train de basculer dans un nouvel affrontement binaire de très grande ampleur.
Victimes d'un acte de guerre sans précédent dans leur histoire, qui a frappé deux lieux symboles de leur richesse et de leur puissance et tué des milliers d'innocents, les Etats-Unis s'apprêtent à mener des opérations de guerre de grande envergure en Asie centrale et au Moyen orient. Selon le vice-ministre de la défense, Paul Wolfowitz, elles auraient pour but "de supprimer les sanctuaires, d'éliminer les réseaux de soutien et d'achever les Etats qui appuient le terrorisme" (1).

Les États : l'utilisation du pluriel est inquiétante car le conflit qui s'annonce comporte d'immenses risques, surtout s'il s'étend au delà de l'Afghanistan. A Washington, de hauts responsables présents et passés, tel l'ancien directeur de la CIA James Woolsey, parlent d'une éventuelle frappe massive contre l'Irak : "Si jamais il est démontré que l'Irak est impliqué dans les attentats, alors tous les instruments du pouvoir d'Etat irakiens devraient être détruits - la Garde républicaine et tout ce qui est associé à Saddam Hussein" (2). Certains évoquent aussi d'autres cibles éventuelles, comme le Soudan, le Yémen ou encore la Syrie. 

Dans une telle hypothèse, il faudra redouter que l'extrême et légitime colère devant la barbarie du 11 septembre ne se transforme par contagion en affrontement entre l'Occident et le monde arabo-musulman, en un conflit de civilisations par définition sans fin. Cette crainte, très forte en Europe, est aussi celle de spécialistes américains militaires et civils :"On ne peut simplement y aller et dévaster un pays ; […] une approche militaire [n'intégrant pas] les facteurs économiques et politiques régionaux ne fera que perpétuer le problème", a déclaré le Général Anthony Zinni, ancien commandant en chef du Commandement Central des forces armées américaines (3). David Ignatius, directeur du International Herald Tribune, a pour sa part souligné : "Il est facile de commencer des guerres, mais très difficile d'y mettre fin. C'est une règle que les terroristes auraient été sages de garder en mémoire, et c'est une règle qui devrait guider les responsables américains" (4). 

Prendre en compte la complexité de la situation régionale se heurte à la puissance des passions déchaînées qui poussent l'exécutif américain à se lancer indistinctement dans une réplique rapide. Cela impliquerait de déterminer les raisons profondes et non conjoncturelles ayant conduit les Etats-Unis à ce choc frontal avec l'islamisme politique sunnite, pourtant leur ancien allié de guerre froide (voir encadré). Comment les "combattants de la liberté" d'hier (Ronald Reagan) sont-ils aujourd'hui devenus des "ennemis de la civilisation" (George W. Bush)? 

Il ne suffit pas d'affirmer, comme le faisait un rapport de 1997 du département de la Défense, l'existence d'une "forte corrélation entre l'action internationale des Etats-Unis et l'accroissement des attentats terroristes contre le pays. Cette forme d'action, poursuit le rapport, découle de la situation d'asymétrie militaire qui interdit aux Etats-nations de s'attaquer ouvertement aux Etats-Unis et les pousse à recourir à des acteurs transnationaux [non-étatiques]". 

Aussi fondée soit-elle sur le plan technique, cette analyse ne rend pas compte des causes de la montée en puissance du terrorisme islamiste dans les années 90. Elle n'explique en rien la "talibanisation" progressive de la société pakistanaise, le désordre idéologique qui s'est emparé de l'Islam, les frustrations profondes et multiples des sociétés arabes, et les rancœurs anti-occidentales engendrées par celles-ci. Elle ne rend pas compte non plus de l'aveuglement américain devant les conséquences à long terme de leurs propres stratégies régionales, de "l'action internationale des Etats-Unis" dont parle le rapport. 

Comme les puissances coloniales d'hier, les Etats-Unis ont longtemps fermé les yeux sur les effets découlant de leur prégnante emprise économique et politique sur les sociétés du tiers monde. Cet aveuglement est la source fondamentale de la "faillite de renseignement" dont on parle tant aujourd'hui. Car, dans cette affaire, le problème technique imputable aux services est lui-même tributaire d'un problème politique, à savoir la pensée binaire propre aux grandes puissances. Celle-ci empêche de penser l'autre, comme en témoigne l'histoire récente dans le Golfe arabo-persique et en Asie. 

Si les Etats-Unis n'ont pas su prédire la révolution iranienne de 1979, ce n'est pas parce qu'ils manquaient de renseignements ou de sociologues et autres spécialistes de la zone. Certes, le personnel de l'ambassade américaine à Téhéran comptait peu de spécialistes parlant le farsi. Mais les experts étaient nombreux à Washington et dans les centres spécialisés universitaires (qui, aux Etats-Unis, ont toujours eu des liens forts avec l'Etat). Eux maîtrisaient la langue, la civilisation et les réalités persanes et s'inquiétaient des évolutions. 

Une révolution politique et sociale ne se prépare pas en quelques mois ni même en quelques années et ne peut s'expliquer par la simple action d'une minorité déterminée. Quoi qu'on en pense par ailleurs, la révolution iranienne avait des racines socio-politiques profondes : une modernisation rapide mais superficielle et déséquilibrée, des inégalités sociales criantes et la violation systématique de droits humains élémentaires par une monarchie manquant de légitimité populaire. Auteurs du coup d'Etat de 1953 qui a porté le Shah Reza Pahlavi au pouvoir, les Etats-Unis ont pendant des années, voire des décennies, ignoré les innombrables signes de la révolution à venir : manifestations étudiantes de masse, instabilité sociale, fort mécontentement exprimé par les élites lettrées qui se sont ultérieurement ralliées à l'ayatollah Khomeyni. Le contraire aurait supposé une remise en cause de l'alliance de guerre froide avec l'Iran du Shah Pahlavi, "gendarme du Golfe" arabo-persique. 

On retrouve le même aveuglément idéologique dans l'autisme des autorités politiques et militaires pendant la guerre du Vietnam. Ils refusaient d'entendre ceux qui, au sein même de l'appareil d'Etat américain (en particulier les analystes de la CIA), affirmaient à juste raison à la fin des années soixante que les bombardements stratégiques du Vietnam souderaient la population sud-vietnamienne au Viêt-cong. Deux administrations successives ont refusé de reconnaître ce que Franklin D. Roosevelt et l'Office of Strategic Services (le précurseur de la CIA) avaient pourtant compris : le nationalisme et le communisme s'alliaient dans la lutte indépendantiste des Viêt-minh contre la France, puis dans celle des Viêt-cong contre un Etat sud-vietnamien autoritaire créé de toutes pièces par les Etats-Unis et perçu comme illégitime par une partie importante de la population. Que les communistes vietnamiens aient perdu la paix après avoir gagné la guerre en 1975, ne change rien au constat. 

La logique binaire de guerre froide a renforcé l'insensibilité des institutions américaines insensibles aux réalités sociologiques et politique des tiers mondes. Elle les a poussés à prêter leur soutien à des régimes autoritaires ou despotiques et à des mouvements terroristes financés par la drogue, comme les "contras" en Amérique latine. Elle a trop souvent conduit à la mise entre parenthèse des valeurs éthiques occidentales et a autorisé des pratiques et des politiques aux antipodes des droits humains et des principes issus des Lumières. C'était vrai au Moyen Orient comme dans le Golfe arabo-persique, ou en Amérique Latine. Et aussi en Asie orientale où les Etats-Unis ont, après l'intervention vietnamienne au Cambodge en 1979, maintenu des relations diplomatiques avec l'auteur du plus grand génocide de l'après guerre, Pol Pot. Les liaisons dangereuses des services spéciaux américains avec l'islamisme radical sunnite au cours des années 80 participaient de cette logique de guerre froide. 

C'est pour des raisons géostratégiques et géoéconomiques que les Etats-Unis ont tout au long de la guerre froide soutenu le Pakistan contre l'Inde (quoique cette dernière ne se soit jamais vraiment alignée sur l'URSS pendant la guerre froide). L'islam ultra conservateur pakistanais et le wahabisme saoudien semblaient un rempart sûr contre "l'athéisme soviétique". Ainsi, ce sont les mouvements islamistes les plus radicaux (le Hezb-i-islami de Gulbuddin Hekmatyar) crées par les services spéciaux pakistanais, et non les plus modérés, qui ont bénéficié de l'aide américaine en Afghanistan. Et quand Ahmed Shah Massoud (qui vient d'être assassiné) réussit à prendre Kaboul en 1992, le Pakistan créa les Talibans pour le combattre et faire de l'Afghanistan un Etat satellite. Les Etats-Unis ont laissé faire. Ils ont même tenté de se rapprocher du régime taliban. 

L'histoire, ancienne et complexe, des rapports entre les Etats-Unis et l'Islam ne se résume bien sûr pas à cela. Dans les années cinquante, le Président Eisenhower s'était radicalement distancé de Londres, Paris et Tel-Aviv lors de l'affaire de Suez en 1956. Dans son esprit, l'Amérique devait bâtir des liens de coopération économiques et politiques avec les pays arabes nouvellement indépendants. Sur ce point, il partageait les idées anti-coloniales de Roosevelt. Plus tard, dans les années soixante, ses successeurs ont mis en œuvre une politique différente, soutenant des mouvements islamiques conservateurs (les Frères Musulmans) contre le panarabisme nassérien jugées sous influence soviétique. L'ordre moyen oriental d'après 1973 s'articulait autour d'Israël, les monarchies du Golfe, le Pakistan, la Turquie, et l'Iran. Après 1979, autour des quatre premiers et l'Irak, devenu jusqu'en 1991 un allié de circonstance. Ces va et vient géopolitiques ont permis de maintenir les équilibres stratégiques et de sécuriser les approvisionnements pétroliers. Mais, souterrainement, se préparait une tempête, la montée de l'islamisme politique radical. 

Aujourd'hui, c'est un immense défi que de ne pas s'aveugler à nouveau. Puisque guerre il y aura, il faudrait la mener en tenant compte des besoins et des aspirations des peuples du monde arabo-islamique (entre autres), de peuples soumis depuis des décennies à l'arbitraire de gouvernements autoritaires. Il faudrait une démocratisation et une ouverture politique, une répartition plus équitable des ressources, une politique d'aide généreuse pour la modernisation économique et un règlement définitif et juste du conflit israélo-palestinien. Dans un contexte historique différent, c'est ce que les Etats-Unis ont fait au plan économique en Europe de l'Ouest au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec les résultats que l'on sait.

Ces politiques de longue portée ne résoudront évidemment pas le problème immédiat posé par les réseaux terroristes. Mais sans elles on risque un conflit sans fin. 

Notes
1. Déclaration du 14 septembre 2001. 
2. Cité dans le International Herald Tribune,14 septembre 2001. 
3. Cité dans le Washington Post, 14 septembre 2001 
4. International Herald Tribune, 12 septembre 2001. 

Encadré
Liaisons (très) dangereuses

C'est le 3 juillet 1979, peu avant l'invasion soviétique de Kaboul que se nouent les fils de l'incommensurable tragédie qui vient de frapper les Etats-Unis et, par ricochet, le monde tout entier. Ce jour-là, la Maison Blanche avait signé une directive (Executive Order) autorisant le lancement d'une action clandestine destinée à soutenir les opposants du régime afghan pro-soviétique d'alors. Peu après, en décembre, l'Union soviétique envahissait Kaboul, premier acte d'une guerre qui durerait neuf ans et d'une guerre civile toujours en cours, laissant l'Afghanistan en ruines. 
Tout au long de la guerre anti-soviétique, les Etats-Unis, le Pakistan et l'Arabie saoudite ont, par leurs services de renseignements interposés, apporté une assistance technique, logistique et financière massive aux mouvements islamistes les plus radicaux luttant contre l'Armée rouge (au Hezb-i-islami de Gulbuddin Hekmatyar en particulier). Aux côtés du Inter Intelligence Service (IIS) pakistanais, chef d'orchestre de l'opération, la CIA et les forces spéciales de l'armée américaine ont envoyé à Peshawar des spécialistes en tous genres pour entraîner la guérilla à la lutte armée et les équiper d'armes adaptées au terrain montagneux du pays (entre autre, des missiles Stinger sol-air). Le Pakistan servait de base arrière et de centre logistique, tandis que l'Etat saoudien assurait le financement des opérations et simultanément organisait un réseau de recrutement de volontaires arabes. Le but stratégique des Etats-Unis était d'infliger à l'URSS une humiliation comparable à celle qu'ils avaient subie eux-mêmes au Vietnam (1965-1975). 
Fils d'un industriel du BTP d'origine yéménite devenu un des intimes du roi Abdelaziz, Osama bin Laden jouissait de la confiance des grands princes de sang (l'intimité des princes et de la famille Laden a valu à celle-ci un contrat spectaculaire pour la construction des immenses mosquées dans les deux lieux saints du royaume). C'est pour cette raison qu'Osama bin Laden jouissait également de la confiance des agences de renseignement américains. Selon des sources occidentales, ces dernières auraient recruté Osama bin Laden, ou du moins obtenu sa collaboration au tout début de la guerre d'Afghanistan. Déployé à Peshawar, à la frontière du Pakistan et de l'Afghanistan, il a joué un rôle important dans la structuration des moudjahidines arabes. Il devait être opérationnel pendant toute la durée de la guerre. C'est probablement vers la fin du conflit qu'il a basculé dans une opposition anti-occidentale farouche, revirement confirmé après la guerre du Golfe en 1991 et le stationnement de troupes américaines sur le sol saoudien. 

Après que Mikhaïl Gorbatchev eut ordonné le départ des soviétiques, des milliers de vétérans aguerris se sont redéployés hors d'Afghanistan et se sont disséminés non seulement à travers l'aire arabo-musulmane, mais aussi en Europe, aux Balkans, en Asie orientale et aux Etats-Unis (comme on vient malheureusement de s'en apercevoir). Un grand nombre d'entre eux sont passés par des camps de transit en Arabie Saoudite (Osama bin Laden, lui, s'est réinstallé en Arabie dans sa famille très fortunée jusqu'en 1994, date de son expulsion vers le Soudan). Constitués en réseaux terroristes actifs ou dormants, ces "afghans", comme on les appelle communément, forment une armée de l'ombre décentralisée. Ce sont ces vétérans, possiblement soutenus par des éléments incontrôlés des services secrets pakistanais, qui livrent une guerre secrète aux pays occidentaux et à leur alliés dans le monde arabe depuis le début des années 90. 
Il est établi que ce sont des "afghans" qui portent la responsabilité des attentats à la fois contre le World Trade Center en 1993, un immeuble à Riyad utilisé par les forces armées américaines en novembre 1995, la base militaire américaine de Khobar dans l'est saoudien en juin 1996, et le massacre de touristes à Louxor en Egypte en octobre 1997. En supposant que la participation du réseau bin-Laden dans la destruction du World Trade Center et du Pentagone se confirme, on aura donc assisté de nouveau, à une échelle autrement dramatique, au "blowback" de la guerre d'Afghanistan et de la guerre du Golfe. Ce terme, que l'on peut traduire par "onde de choc en retour", est utilisé par la CIA pour désigner les "conséquences inattendues" de la politique et des opérations américaines à travers le monde. 
On sait que l'auteur de l'attentat de 1993, le cheikh égyptien Omar Abdurahman, aujourd'hui en prison aux Etats-Unis, avait été un honorable correspondant de la CIA dans les années 80 avant de basculer dans le terrorisme anti-américain. C'est pour cette raison qu'il avait reçu une carte verte l'autorisant à résider aux Etats-Unis. Comme Osama bin Laden lui même, Omar Abdurahman avait donc acquis une certaine expertise à la fois technique et politique : tous ceux qui ont collaboré avec la CIA et le Inter Intelligence Service (IIS) pakistanais ont appris certaines méthodes et leurs procédures. Cette expertise explique peut-être le succès terrifiant des cellules terroristes qui ont planifié et exécuté l'opération du 11 septembre. On sait aujourd'hui que des dizaines d'agents actifs et dormants, dont un très grand nombre de Saoudiens et d'Emiratis, ont participé à l'attaque contre les symboles économiques et militaires de la puissance américaine. 
Mais ce savoir-faire n'explique pas de façon satisfaisante pourquoi les services de renseignements américains n'ont pas su prévenir les attentats. A cela il y a plusieurs niveaux de réponse.
Au niveau technique, le moins important, l'immense communauté de renseignement américaine était mal préparée à une action de ce type. Elle a été construite pendant la guerre froide pour faire face à un défi d'une toute autre nature : l'effort singulier d'endiguement de l'Union soviétique. Le recueil de renseignement, l'espionnage, le contre-espionnage et l'action clandestine étaient jusqu'en 1991 presque exclusivement centrés sur les institutions soviétiques et/ou sur la lutte par procuration contre l'URSS dans les pays du tiers monde. 
D'où, pour aller vite, une très forte dépendance sur le renseignement électronique et une impréparation aux défis mondiaux de l'après guerre froide. Cependant, c'est sur les plans politique et idéologique que se situait et se situe encore la véritable faiblesse : une vision binaire du monde héritée de la guerre froide. 

Mort du commandant Massoud, figure de proue de la résistance (Le Monde, 18/9/2001)
Le "Lion du Panshir" a succombé à un attentat-suicide après vingt ans de combats. Son profil d'aigle, sa barbe clairsemée, ses yeux perçants ont fait le tour du monde.

PORTRAIT
"Je suis sûr que je verrai la paix de mon vivant et que je participerai à la réhabilitation de l'Afghanistan", nous déclarait en mai 1999, le commandant Ahmed Shah Massoud, dans ce qui était alors son fief de Taloqan, au nord-est de l'Afghanistan. Cet ancien étudiant de la faculté polytechnique de Kaboul rêvait à l'époque d'utiliser ses études inachevées pour reconstruire son pays ravagé par vingt ans de guerre. Son rêve a été stoppé brutalement, non sur les champs de batailles qu'il courrait depuis vingt ans, mais par l'explosion d'une bombe cachée dans une caméra. Une fin teintée d'ironie pour cet homme très conscient de son image et qui savait tenir à ses différents interlocuteurs le discours qu'ils attendaient. Son profil d'aigle, sa barbe clairsemée, ses yeux perçants avaient fait le tour du monde. Toujours élégamment vêtu, son pacoul (chapeau plat en laine) vissé sur la tête, Massoud savait jouer du charme dont il ne manquait pas.
Sa jeunesse à Kaboul, ses études au lycée français de l'Istiqlal (indépendance), son origine petite bourgeoise - son père était colonel dans l'armée du roi Zaher Shah - lui avait donné une aisance avec les Occidentaux qui tranchait avec la rigidité des autres dirigeants de la résistance islamique afghane.
Massoud était toutefois un très fervent musulman, qui étudiait quotidiennement le Coran avec des mollahs et ne craignait pas de diriger la prière pour ses soldats. Dans son fief de la vallée du Panshir, les femmes portent la burqa (la longue robe traditionnelle recouvrant tout le corps avec un filet à hauteur des yeux) et, sans le comité suédois pour l'Afghanistan, les écoles de filles seraient inexistantes. La femme de Massoud, mère de leurs cinq enfants, respecte le purdah (réclusion) et vit dans le village d'origine de Massoud, Bazarak, au cœur de la vallée du Panshir.

UN STRATÈGE HORS PAIR
C'est dans cette vallée étroite et sereine où coule entre deux falaises dénudées, à la vitesse d'un torrent, le Panshir, qu'Ahmed Shah Massoud avait acquis durant ses années de lutte contre l'occupant soviétique son titre de gloire de "lion du Panshir". Son opposition aux communistes, Massoud l'avait manifestée très tôt. Etudiant à Kaboul, il avait adhéré au mouvement étudiant islamiste, alors dirigé par un jeune professeur de théologie, Burhanuddin Rabbani. Parmi les adhérents, un autre futur dirigeant de la résistance, Gulbuddin Hekmatyar, déjà célèbre pour son rigorisme extrême. Ces deux hommes, pour le meilleur et pour le pire, ne sortiront plus de la vie de Massoud. Quand en 1975, leur parti (le Jamiat) est sur le point de se soulever contre le président Daoud qu'il juge otage d'officiers communistes, les trois hommes menacés s'enfuient au Pakistan.
Massoud ne reviendra en Afghanistan qu'après le coup d'état du 27 avril 1978, qui porte au pouvoir le chef du parti communiste khalk, Noor Mohammad Taraki. Il rejoint la première vallée qui s'enflamme contre les communistes, la Kunar, avant de partir organiser la résistance dans son Panshir natal. De 1980 à 1983, Massoud résiste avec ses hommes à six offensives soviétiques avant de conclure - au grand dam des Moujahideen - une trêve avec l'Armée rouge. En 1984, les Soviétiques rompent la trêve et lancent une offensive de grande envergure avec des troupes héliportées sur le Panshir. Peine perdue : cela sera leur dernière grande offensive et jusqu'à aujourd'hui le Panshir garde, sous forme de carcasses de chars, de canons, de camions, les stigmates de la défaite russe. 
De son père, Massoud avait hérité le goût de la chose militaire et l'amour du commandement. Même ses ennemis le reconnaissaient comme un stratège hors pair. Mais ce soldat était avant tout un politique ambitieux, pour son pays et pour son ethnie (les Tadjiks représentent environ 20 % de la population), comme pour lui-même. Quand en 1992, à la chute de Najibullah, les Moujahideen s'emparent de Kaboul, il est l'un des premiers à investir la ville à la tête de ses Panshiri, le 29 avril. Le 8 mai, il est nommé ministre de la défense sous la présidence de Sibqatullah Modjadeddi, poste qu'il gardera quasiment sans interruption jusqu'à l'arrivée des talibans, le 27 septembre 1996. 
L'espoir né de la prise du pouvoir par les Moudjahideen, après quatorze années de guerre, sera toutefois de courte durée. Incapables de s'entendre, ceux-ci décident d'une présidence tournante. Mais, une fois son tour fini, le président Burhanuddin Rabbani convoque une Choura (Assemblée) pour se faire confirmer. D'alliances rompues à peine formées en féroces oppositions, les Moujahideen se déchirent Kaboul. En 1993, Ahmad Shah Massoud détruit notamment le quartier chiite de la ville, faisant des milliers de morts. Dans un conflit devenu de plus en plus ethnique, Massoud est d'abord un Tadjik et, dans son entourage immédiat, les autres ethnies (Pashtouns, Ouzbeks, Hazaras) sont absentes. 

A l'arrivée des talibans, ces étudiants en religion qui, avec l'aide du Pakistan, bouleversent la carte afghane depuis 1994, Massoud rassemble ses hommes et quitte Kaboul, parmi les derniers, pour se réfugier dans la plaine de Shomali, à l'entrée de son fief du Panshir. Depuis cette date, Massoud symbolisait l'opposition à un régime qui n'a cessé de gagner du terrain. Incapable de vaincre militairement les talibans, la stratégie de Massoud consistait surtout à entretenir des fronts divers pour fixer les miliciens islamistes et les empêcher de se jeter ensemble contre ses troupes. A plusieurs reprises, les chefs de l'opposition, Karim Khalili pour les chiites, Abdel Rachid Dostom pour les Ouzbeks, et Ismaïl Khan, ancien chef d'Hérat, rentré récemment d'Iran, s'étaient regroupés derrière la bannière de Massoud. Mais la méfiance caractérisant leurs relations empêchait toute véritable stratégie militaire. 

ADMIRATEUR DE DE GAULLE
Ces derniers mois, la lutte était devenue plus incertaine pour Massoud. Il avait été incapable de reprendre son fief de Taloqan, capitale de la province de Takhar, perdu en septembre 1999. Le soutien plus accentué de la Russie qui lui vendait des armes, l'incorporation dans ses rangs d'officiers généraux ayant appartenu au régime communiste, la lassitude de la guerre, ainsi que les offres sonnantes et trébuchantes des talibans, avaient provoqué des défections parmi ses commandants. Ses relations jamais très sereines avec le président Rabbani, dont il était toujours, sur le papier, ministre de la défense, s'étaient détériorées encore dernièrement. Ses relations étaient aussi très tendues avec Abdul Rassoul Sayyaf, vice-premier ministre du gouvernement déposé. 
Acquise sur les champs de bataille, l'aura de Massoud tenait aussi au fait de sa présence presque constante en Afghanistan, à la différence de ses pairs qui fréquentaient assidûment les capitales du monde à la recherche de gloire ou d'argent. Pendant les dix ans de Jihad, alors que quasiment tous les mouvements de résistance avaient leur quartier généraux à Peshawar (Pakistan) ou en Iran, il était le seul à maintenir le sien dans le Panshir. Depuis 1996, il ne se rendait quasiment qu'au Tadjikistan, où il avait acquis une résidence. Son voyage à Paris, Strasbourg et Bruxelles, au début de la présente année, avait de ce fait été très remarquée. 
Grand admirateur du général de Gaulle, Massoud restera dans l'Histoire de son pays comme un ardent nationaliste et un grand résistant face à l'invasion soviétique. Son image se brouille ensuite, tant il était devenu un chef de guerre tadjik représentant les siens dans un conflit fratricide et tribal. 

Disparition confirmée par l'opposition aux talibans
L'opposition afghane a confirmé, samedi 15 septembre, auprès de l'AFP à Douchanbé (Tadjikistan) ainsi qu'à l'agence Interfax à Moscou, la mort du commandant Massoud. Celui-ci avait été très gravement blessé dimanche 9 septembre lors d'un attentat-suicide perpétré par deux pseudo-journalistes "arabes" qui avaient placé une bombe dans leur caméra. Depuis une semaine, des rumeurs contradictoires couraient sur son état de santé et, selon certaines sources, il serait mort le jour de l'attentat. Jeudi, le président déchu Burhanuddin Rabbani, dont Massoud était officiellement le ministre de la défense, l'avait remplacé par le général Moukhammad Fakhim (44 ans). Lui aussi Panshiri, ce dernier est l'ancien chef des services de sécurité intérieure du gouvernement des Moudjaheedin à Kaboul en 1992. Déjà très fragile, rongée par les ambitions de ses chefs et ethniquement divisée, l'Alliance du Nord a peu de chances de survivre à la mort de Massoud, qui disparaît au moment où l'avenir du régime taliban est sous la menace d'une action américaine.

Kaboul : "Les Américains échoueront comme les Soviétiques"
"si un pays ou un groupe viole notre pays, nous n'oublierons pas notre revanche" a menacé, vendredi 14 septembre, le porte-parole officiel des talibans, Abdul Hai Muttmain, interrogé à Kandahar. Il a souligné que les "missiles américains ne peuvent atteindre un seul individu", en évoquant Oussama Ben Laden, qui vit en Afghanistan depuis 1996, avant d'ajouter : "L'Union Soviétique a détruit ce pays, mais elle n'a jamais pu accomplir ses buts. Les Etats-Unis aussi échoueront". Dans un message lu à Radio Shariat, Mollah Mohammad Omar a invité les Afghans à la fermeté "contre l'ennemi". "La mort frappe tout le monde. Comme Afghans, nous devons rester fiers pour la défense de l'Islam , a ajouté le chef suprême des talibans. Je n'ai pas peur de la mort ou de perdre le pouvoir (...) mais je n'abandonnerais jamais l'Islam". Par précaution, Mollah Omar aurait toutefois quitter sa résidence habituelle, près de Kandahar, pour une destination inconnue. - 

Afghanistan : la m ort de Massoud confirmée (L'Humanité, 18/9/2001)
L'opposition afghane a confirmé samedi le décès de son dirigeant militaire, Ahmed Shah Massoud, blessé dans un attentat une semaine auparavant. Les principaux responsables de l'Alliance du Nord se sont réunis le même jour dans la vallée du Panchir (nord de l'Afghanistan) sous la direction de l'ancien président Burhanuddin Rabbani. Le ministre des Affaires étrangères de l'opposition, le docteur Abdoullah, le général Fakhim, ainsi que divers chefs de guerre participaient à cette réunion. Par ailleurs, Rabbani a accusé le Pakistan, les taliban et Oussama Ben Laden d'avoir organisé l'attentat-suicide contre Massoud, établissant un lien entre celui-ci et les attentats antiaméricains du 11 septembre. " Ce sont les mêmes réseaux qui ont commis les attentats aux Etats-Unis et contre Massoud ", insistait le docteur Abdoullah.
 Bien qu'islamiste lui-même, le commandant Massoud dirigeait l'Alliance des forces du Nord, seule opposition armée structurée au régime des taliban. Celle-ci contrôle moins de 10 % du territoire national, dont une seule des trente-deux provinces du pays, le Badakshan (nord-est). Cette mort pourrait faire renaître les divisions de la très hétéroclite opposition afghane, largement composée d'adversaires de la veille, dont le seul trait commun est d'avoir souffert des taliban. Elle renforce les risques de déstabilisation pour la région, en particulier au Tadjikistan, qui partage une frontière de plus de 1 200 kilomètres avec l'Afghanistan.
Douchanbé, la capitale tadjik, on craint notamment l'arrivée d'un flot de réfugiés dans le cas où les taliban lanceraient une offensive majeure contre la poche du nord-est. Signe de cette inquiétude, des diplomates et responsables des services spéciaux de cinq pays qui soutiennent l'opposition armée aux taliban - Inde, Iran, Russie, Tadjikistan et Ouzbékistan - s'étaient réunis vendredi dans la capitale tadjik pour des consultations.
 Plusieurs milliers de villageois ont rendu dimanche, dans la vallée du Panchir, un dernier hommage au commandant Massoud. Dans le district de Bozarak, dont ce dernier était originaire, ils étaient nombreux sur le bord des pistes pour assister aux funérailles du " Lion du Panchir ". Son cercueil, drapé du drapeau vert, blanc et noir du gouvernement déchu (où il avait été ministre de la Défense) était arrivé par hélicoptère depuis la province de Takhar où il est officiellement décédé samedi.
 Des centaines d'hommes tentaient de s'en approcher, jetant des fleurs aux cris de " Allah ou Akbar " (Dieu est grand), rapporte l'AFP. Son successeur vraisemblable, le général Fakhim, de même que le président déchu Burhanuddin Rabbani, assistaient à cette cérémonie ainsi qu'Ahmad, treize ans, le fils du " héros ", qui s'est engagé à reprendre le flambeau de la lutte contre les taliban. " Je veux juste suivre la route de mon père et obtenir l'indépendance de mon pays ", a déclaré le garçon devant une foule en pleurs.

Afghanistan: le retour de l'obscurantisme (Dossier, Le Monde)

Ahmad Shah Massoud appelle à l'aide l'Europe et les Etats-Unis (Le Monde, 5/4/2001)
Le chef militaire afghan Ahmad Shah Massoud, en difficulté sur le plan militaire face à la milice intégriste des taliban au pouvoir à Kaboul, a lancé mercredi 4 avril à Paris un appel à l'aide à l'Europe "pour la restauration de la paix en Afghanistan".

Le chef militaire afghan Ahmad Shah Massoud, en difficulté sur le plan militaire face à la milice intégriste des taliban au 
pouvoir à Kaboul, a lancé mercredi à Paris un vibrant appel à l'aide à l'Europe et aux Etats-Unis.
"Toute aide que des pays pourraient nous donner pour reconquérir notre pays, nous en avons besoin", a-t-il dit lors d'une conférence de presse, à l'issue d'un entretien d'une heure avec le ministre français des affaires étrangères, 
Hubert Védrine. Ahmad Shah Massoud, dont c'est le premier voyage en Occident hors du réduit montagneux du Panchir (nord-est de l'Afghanistan) qu'il tient face aux taliban, n'a pas spécifié quel type d'aide il souhaitait obtenir pour résister au rouleau compresseur de la milice intégriste. Les "étudiants en théologie" soutenus par le Pakistan, l'Arabie saoudite et 
les Emirats arabes unis, contrôlent plus de 90 % du territoire afghan, à l'exception du Panchir et du nord-est afghan.
Coiffé comme toujours de son bonnet traditionnel, le pakul, allant de rendez-vous politique en rendez-vous politique dans la capitale française, Massoud a demandé à la communauté internationale d'exercer des "pressions fortes" sur le Pakistan, qui dispose d'une influence certaine sur les dirigeants taliban, afin de faire cesser "l'ingérence" pakistanaise en Afghanistan.

Parmi les grands pays occidentaux, Massoud s'est adressé en priorité au nouveau président américain, George W. Bush. Il a demandé que les Etats-Unis fassent pression sur leur allié pakistanais afin de "mettre fin à la guerre en Afghanistan", comme, a-t-il dit, ils ont fait pression sur le Pakistan pour mettre un terme au conflit du Cachemire, où existe une guérilla pro-pakistanaise. Interrogé à plusieurs reprises lors de sa conférence de presse dans la capitale française sur le fait de savoir s'il souhaitait recevoir une aide militaire occidentale, Ahmad Shah Massoud n'a pas répondu aux questions ou a 
éludé. "Cela dépend de la décision des dirigeants et des présidents européens. Veulent-ils défendre la cause du peuple afghan ou se contenter de déclarations", s'est-il borné à dire. Selon le compte rendu de l'entretien qu'il a eu mercredi matin avec le ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, il a "fait appel à une mobilisation renouvelée de la communauté internationale en faveur de l'aide humanitaire aux populations afghanes". Lors de sa rencontre avec la presse, Ahmad Shah Massoud, qui parlait, via un traducteur, en dari, le persan parlé en Afghanistan, a expliqué que "face aux 
ingérences, claires et évidentes du Pakistan" en Afghanistan, il était prêt à "prendre de l'aide partout".  Entouré de plusieurs "commandants" anti-taliban appartenant aux ethnies hazara, pachtoune et ouzbèque, Massoud, lui même d'origine tadjike, a expliqué que "l'Europe doit mettre tout son poids dans la balance pour la restauration de la paix en Afghanistan". "En prenant en considération le passé de sacrifice consenti par notre peuple contre le communisme, nous avons le droit, dans cette situation difficile, à ce qu'on nous apporte l'aide nécessaire", a-t-il dit. En dehors de sa rencontre avec Hubert Védrine et de sa conférence de presse, le séjour du commandant Massoud à Paris a été marqué par des rencontres avec le président de l'Assemblée nationale, le socialiste Raymond Forni, et des hommes politiques tels que le dirigeant libéral Alain Madelin. Massoud, selon son entourage, devait également rencontrer, avant son départ mercredi soir pour Strasbourg, où il sera reçu au Parlement européen, diverses personnalités françaises qui ont soutenu de longue date la "cause" afghane ou des "humanitaires" qui ont travaillé sur le terrain en Afghanistan.

Le commandant Massoud estime que sans l'aide du Pakistan les talibans "ne pourraient pas tenir" (Le Monde, 5/4/01)
Lors de son premier séjour en Europe, Ahmad Shah Massoud, ministre de la défense et vice-président du seul gouvernement d'Afghanistan encore reconnu par l'ONU, a rencontré, mercredi 4 avril à Paris, le ministre des affaires étrangères et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Dans un entretien au Monde, il appelle les Occidentaux à soutenir ses efforts de "reconquête" de son pays aux mains des talibans.

"A Paris, je ne me sens pas étranger", sourit Ahmad Shah Massoud, l'ancien étudiant du lycée français de Kaboul, au soir de son premier séjour en Europe.

Saharienne beige, bottines de cuir noir, coiffé de son éternel pakul, le bonnet de laine roulée qu'il porte rejeté en arrière et fait partie de sa légende, le Lion du Panshir répond aux questions du Monde, tard mercredi 4 avril, dans la suite d'un grand hôtel parisien proche des Champs-Elysées. Le jeune "vieux guerrier", qui frise aujourd'hui la cinquantaine, a eu une journée chargée.

Le matin, il a pris son petit déjeuner avec le ministre français des affaires étrangères, Hubert Védrine, puis a répondu aux questions des journalistes durant une longue conférence de presse fréquemment interrompue par les applaudissements de ses partisans, rencontré la communauté afghane de France sous les lambris de la vieille ambassade décatie du 16e arrondissement, s'est entretenu avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Pas mal pour un homme qui n'était quasiment jamais sorti d'Afghanistan et reste confiné, depuis la prise de Kaboul par ses ennemis talibans, à l'automne 1996, dans son Nord-Est natal et sa vallée du Panshir. Mais pourquoi avoir tant tardé à venir en Occident? "J'ai toujours été très occupé", répond-il avec une lueur malicieuse dans le regard. Massoud joue de son charme, élude les questions qui fâchent, assène son programme, argumente ses obsessions. "Le Pakistan et ses services secrets, l'ISI, a une influence déterminante sur les talibans; sans cette aide militaire et économique, les talibans ne pourraient pas tenir."

UN "ISLAMISME MODÉRÉ"

Pour le chef militaire afghan, qui cumule les fonctions de ministre de la défense et de vice-président du gouvernement de l'Etat islamique d'Afghanistan, seule instance reconnue par les Nations unies, la politique pakistanaise est bien la cause de tous les malheurs de son pays en guerre, endeuillé par un conflit de vingt ans qui a coûté la vie à plus d'un million de personnes.

Mais qu'a-t-il à proposer, lui qui, lorsque son gouvernement était encore au pouvoir, avait parfois donné de son personnage l'image ambiguë d'un chef de guerre prestigieux flanqué trop souvent d'officiers corrompus et d'alliés peu recommandables? "Je n'ai jamais essayé d'accaparer le pouvoir, explique-t-il; quand le régime post-communiste de Kaboul est tombé entre nos mains, c'est-à-dire aux mains des moudjahidins, en 1992, j'ai mis à la disposition des autres chefs tout le pouvoir possible afin d'éviter le conflit interne.

Mais cela n'a pas pu être évité, finalement, et cela m'a conduit à ne devoir compter que sur mes propres forces." Il concède: "C'est vrai, je ne nie pas qu'il y avait de la corruption parmi certains de ses hommes; mais il n'y avait pas que mon parti au pouvoir! Il y avait un grand nombre d'organisations politiques et militaires différentes!"

Sa définition de l'Etat futur d'Afghanistan–quand, un jour, les talibans auront disparu emportés par une "rébellion du peuple" qu'il appelle de ses vœux et promet pour bientôt–est simple, claire: "Je répète que je suis un islamiste modéré, partisan d'un gouvernement modéré qui peut se dresser face à l'islamisme extrémiste. Nous sommes attachés au principe d'élections où hommes et femmes joueront un rôle dans le respect des droits des personnes. Et ce gouvernement modéré en paix avec ses voisins se lèvera contre le terrorisme et le trafic de drogue."

Plus tôt dans la journée, le commandant Massoud avait lancé un appel aux pays occidentaux, déclarant "accepter toute aide que l'on pourrait nous donner pour reconquérir notre pays ". Mais que retire-t-il de ses échanges avec les responsables français, en particulier avec Hubert Védrine ? "J'ai demandé au ministre que la France prenne des initiatives pour œuvrer pour le retour de la paix en Afghanistan. Notamment en exerçant des pressions sur le Pakistan."

Infatigable Massoud qui, en difficulté militaire sur le terrain, ne songe pas une seconde à renoncer à son combat. Mais conserve-t-il la nostalgie des années enfuies, songe-t-il parfois à l'infinie tristesse des choses ? "Je vais vous dire mon sentiment, affirme-t-il en se redressant sur sa chaise alors que son visage s'éclaire d'un sourire bonhomme, la vie, que ça se passe dans la joie ou sans joie, ça se passe. Chaque homme qui, en réfléchissant sur son passé, a l'impression d'avoir été utile, n'a rien à regretter. Moi, grâce à Dieu, je suis sûr du choix que j'ai fait, du chemin que j'ai suivi, j'en ai la certitude absolue. Je n'ai pas de regrets. Oui, le temps s'enfuit, la vie passe mais qu'importe quand c'est au nom de la justice…"
 

"Une catastrophe culturelle mondiale", selon l'ancien directeur afghan de l'archéologie (AFP, 26/2/2001)
La décision des talibans de détruire toutes les statues en Afghanistan est "une catastrophe culturelle mondiale", a déclaré à l'AFP l'ancien directeur général de l'archéologie et conservateur des monuments historiques d'Afghanistan, Zémar Tarzi, lundi à Paris.
"Je suis sidéré par cette nouvelle. Je ne comprends pas. Il faut sensibiliser d'urgence l'opinion mondiale face à cette action inadmissible", a ajouté M. Tarzi, maître de conférence à l'Université de Strasbourg II et qui fut directeur général de l'archéologie afghane de 1972 à 1979.
Le chef suprême des taliban au pouvoir à Kaboul, le mollah Mohamed Omar a ordonné lundi la destruction de toutes les statues en Afghanistan y compris celles des époques pré-islamiques, ont annoncé des sources officielles.
L'UNESCO, interrogée, n'avait pas encore réagi officiellement lundi en fin de journée.
"L'Afghanistan est le pays qui a le patrimoine le plus important du monde en statues bouddhiques", souligne M. Tarzi, notant que "sur les deux plus grands Bouddhas debout creusés dans le roc à Bamiyan (centre du pays) -l'un de 55 m de haut, l'autre de 38 m-, le moins haut avait eu la tête déjà endommagée par les talibans".
"Par ailleurs, les peintures murales de la voûte qui abrite le plus grand des deux Bouddhas -datés entre le IVe et le VIe siècle après J.C.-, ont également été endommagées. Enfin, l'un des Bouddhas latéraux a été totalement détruit".
 "Je comprends d'autant moins cette décision iconoclaste qu'il était question de restaurer des statues du musée de Kaboul détruites dans les bombardements survenus pendant la guerre civile. En 1992, le musée avait été détruit et pillé par les Moudjahidine, mais il était question que les Taliban les récupèrent".
L'Afghanistan compte parmi ses sites archéologiques les plus importants, celui de l'ancienne Bactrian, au nord-est du pays (IIe-IIIe siècle av. J.C) et le site de Hadda, à l'est, dans la région de Jallalabad, très riche en statues gréco-bouddhiques modelées en stuc et en argile, trouvées dans les monastères.
Dans le passé, alors que certains taliban zélés s'attaquaient à des "idoles" d'une religion non-islamique, le mollah Omar avait publié plusieurs décrets ordonnant la protection de ces chefs d'oeuvres artistiques et archéologiques.
Le décret visant à la destruction des statues intervient alors qu'une équipe de diplomates occidentaux est arrivée à Kaboul pour enquêter sur des destructions par les taliban d'oeuvres d'art du musée de Kaboul.

The 53-meter (175-foot) tall, 2000-year-old Buddha statue located in Bamyan, about 150 kilometers (90 miles) west of the Afghan capital Kabul, is shown in this undated photo. (AP Photo) 

Les Taliban ordonnent la destruction de toutes les statues dont les Bouddhas géants de Bamiyan (AP, 26/2/2001)
Le chef des Taliban, le parti au pouvoir dans la majeure partie de l'Afghanistan, a ordonné lundi la destruction de toutes les statues du pays, dont celles des  deux Bouddhas géants de Bamiyan, classés patrimoine mondial de l'humanité. 
Le mollah Mohammed Omar a promulgué un décret déclarant toute statue comme faisant insulte à l'islam. ''Car Dieu est unique et ces statues sont là pour être vénérées alors que cela est erronée, elles doivent être détruites afin de ne plus être objets de culte maintenant ou dans l'avenir'', décrète Cheikh Omar dans un texte publié par l'agence de presse afghane Bakhtar. Il ordonne aux fonctionnaires du ministère du vice et de la vertu de détruire toutes les statues du pays. 
Ce décret est promulgué au moment même où une délégation internationale se trouve à Kaboul pour tenter de préserver le patrimoine afghan. Le musée national de Kaboul, qui recelait des trésors uniques dont certains datant de la période bouddhiste, a été en grande partie pillé et détruit entre 1992 et 1996. 
Les Bouddhas géants se trouvent à Bamiyan, localité du centre du pays, située à environ 150 kilomètres à l'ouest de la capitale. Sculptés dans une falaise au Ve siècle, le plus grand des deux mesure 53 mètres, le second 37.Contrairement à la plupart des Bouddhas, représentés assis en tailleur, ceux-ci se tiennent debouts. Ce n'est pas la première fois qu'ils sont menacés depuis que le pays est déchiré par la guerre civile, les extrémistes religieux les ayant en horreur. L'une des deux statues géantes a d'ailleurs déjà été détériorées au lance-grenades. Dans un passé plus lointain, elles ont été défigurées par les hordes de Genghis Khan. Les Taliban, qui contrôlent 95% du territoire afghan, n'occuperaient plus Bamiyan depuis plusieurs semaines. 

Le plus grand Bouddha du monde menacé de disparition en Afghanistan (AFP, 26/2/2001)
Certains des plus anciens exemples de l'art du bouddhisme, dont le plus grand Bouddha sculpté dans le monde, sont menacés de destruction après la décision prise lundi par les taliban de détruire toutes les statues en Afghanistan.
La milice des taliban, qui ont déjà endommagé par des tirs de mortiers et des rafales d'armes automatiques les Bouddhas géants découpés dans la falaise de Bamiyan, dans le centre du pays, a  maintenant décidé de les achever.
Ces Bouddhas, l'un de 55 mètres et l'autre de 38 mètres, datent de la première moitié du premier millénaire de notre ère. Si leurs visages en partie mutilés portent encore encore le sourire serein propre à de nombreuses reproductions du Bouddha, leurs tuniques de style grec les rendent uniques non seulement dans l'histoire de l'Afghanistan mais dans celle du monde en général.
Auparavant protégés par les pèlerins et les moines, les statues nichées dans la falaise ne sont plus désormais visités que par les enfants de Bamiyan qui aiment à grimper sur leurs têtes et quelques rares visiteurs.
Lors de leur construction, l'Afghanistan était un grand centre cosmopolite sur la route de la soie, au carrefour de puissantes civilisations. Dévasté par plus de vingt ans de guerre, ce pays est maintenant dominé par les taliban, les  "étudiants en théologie" qui affirment en avoir fait faire le "plus pur" état islamique du monde.
Dans ce pays où les photos d'êtres vivants, les films, la télévision et la musique sont interdits, les jeunes filles ne sont plus éduquées et rares sont les femmes qui peuvent travailler. Tous les hommes doivent porter la barbe, à l'instar du Prophète.
Le mollah Mohamed Omar, le chef suprême des taliban, dont le régime n'est pas reconnu par la communauté internationale et qui est sous le coup de sanctions des Nations Unies, a pris la décision de faire détruire toutes les statues du pays.
Ces statues "ont été utilisées auparavant comme des idoles et des divinités par les incroyants, maintenant elles sont respectées et peuvent redevenir des idoles dans le futur", a ajouté le mollah Omar. "Seul Dieu, le tout puissant, doit être vénéré, personne et rien d'autre".
Le décret ordonnant la destruction des statues est intervenu alors qu'une délégation de diplomates occidentaux est arrivée à Kaboul pour s'enquérir de destructions par les taliban d'une douzaine d'oeuvres d'art du musée de Kaboul, dont un Bouddha assis datant de quelque 2.000 ans.
L'un des diplomates, qui a demandé à ne pas être nommé, a estimé que "la communauté internationale ne peut pas accepter cela". "C'est incroyable et scandaleux", a-t-il dit en souhaitant que le mollah Omar revienne sur sa décision de condamner à mort le grand Bouddha de Bamiyan et les autres.

La famine en Afghanistan : une tragédie humaine majeure (Le Monde, 13/2/2001)
Alarmé par l’ampleur du drame que vivent les réfugiés afghans, le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires  humanitaires, Kenzo Oshima, a commencé, mardi 13 février à Kaboul, une mission de trois jours pour évaluer une situation qui se détériore de jour en jour. 
Alarmé par l’ampleur du drame que vivent les réfugiés afghans, le secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires humanitaires, Kenzo Oshima, a commencé, mardi 13 février à Kaboul, une mission de trois jours pour évaluer une situation qui se détériore de jour en jour. Ajoutée au poids de la guerre, la sécheresse exceptionnelle qui ravage depuis deux ans l’Afghanistan a jeté sur les routes des centaines de milliers de nouveaux réfugiés auxquels l’ONU a beaucoup de mal à venir en aide.
  Depuis plus de trois mois, les agences humanitaires de l’ONU sonnent l’alarme mais sans grands résultats de la part des pays donateurs. "Deux ans de sécheresse et tant d’années de guerre culminent en une tragédie humaine majeure" a affirmé, à Islamabad, Eric de Mul, coordinateur des Nations unies pour l’Afghanistan. Selon M. de Mul, plus de 150 personnes, dont 130 enfants, sont morts de froid la semaine dernière dans la région d’Hérat, dans l’ouest de l’Afghanistan, où le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) a installé six camps dans lesquels vivent près de 100000 personnes dans des conditions plus que précaires. "Ces morts marquent le début d’une situation qui va dégénérer rapidement et dramatiquement dans les prochains mois. Des Afghans vont mourir et la crise va s’approfondir si des ressources supplémentaires ne sont pas dégagées", a poursuivi M. de Mul, invitant les pays donateurs à répondre plus massivement à l’appel de fonds de 229 millions de dollars pour l’Afghanistan en 2001.
La situation à Hérat risque de s’aggraver avec l’arrivée attendue dans les prochaines semaines de plus de 20000 personnes venues des provinces de Ghor, Badghis et Fariab, toutes dans l’ouest du pays. La tuberculose s’étend dans les camps d’Hérat, en particulier chez les enfants sans chaussures ou en sandales de plastique alors que la température descend, la nuit, sous 0°C. Pour tenter de contrer les critiques émises par les Afghans mais aussi par les responsables humanitaires internationaux contre les nouvelles sanctions entrées en vigueur le 20 janvier contre les talibans au pouvoir à Kaboul, les Etats-Unis ont envoyé en fin de semaine à Hérat un premier lot de tentes et de couvertures.
CAMPS DE RÉFUGIÉS La condition des 170000 nouveaux réfugiés qui ont réussi depuis septembre à s’infiltrer au Pakistan n’est pas meilleure. Le Pakistan, qui abrite déjà 2 millions de réfugiés afghans – dont certains sont là depuis l’invasion soviétique en 1979 –, a refusé la demande du HCR de  lui donner des terres pour ouvrir un autre camp. Le ministre de l’intérieur pakistanais, Moinuddin Haider, qui s’est rendu à Kaboul pour discuter de la situation avec les talibans, demande que les camps soient désormais établis à l’intérieur de l’Afghanistan. "Les réfugiés provoquent des problèmes socio-économiques très importants. Les talibans ont accepté le principe d’installer les camps en Afghanistan", a-t-il dit, appelant les Nations unies et les agences internationales à aider les Afghans. Islamabad est le plus proche allié des talibans. Les deux camps établis par le HCR  dans la province pakistanaise du Nord-Ouest sont aujourd’hui surpeuplés. Les nouveaux réfugiés vivent sous des tentes faites de vêtements ou de feuilles de plastique qui n’offrent aucune protection contre le froid. "Il n’y aucune installation sanitaire ou eau potable. Seule une assistance limitée  peut être fournie à ces camps de fortune", affirme le HCR, qui poursuit: "Les gens sont tellement nombreux et désespérés qu’il est quasiment  impossible de distribuer de l’aide dans ces camps sans provoquer des émeutes."
De plus, pour tous les responsables humanitaires, la tragédie est loin d’avoir atteint son point culminant et l’aide nécessaire pour éviter plus de morts devra durer encore longtemps, compte tenu des effets d’une sécheresse qui a détruit les récoltes et le cheptel.

Nettoyage ethnique en Afghanistan 
Les taliban ont massacré des centaines de chiites hazaras en janvier. (Libération, 20/2/2001)
Les Hazaras, ethnie méprisée
En l'absence de statistiques, il est difficile de chiffrer le nombre des Hazaras vivant en Afghanistan. Aujourd'hui, les estimations varient entre 15 et 25 % de la population. Ils occupent le centre du pays - l'Hazarajat - et constituent environ 30 % de la population de Kaboul. Traditionnellement proches de l'Iran par la culture et la religion - ce sont aussi des musulmans chiites -, ils constituent une ethnie pauvre, souvent méprisée, même si, à la faveur de la lutte contre l'armée soviétique, ils ont acquis une certaine fierté et pu constituer des mouvements politiques. Pour les taliban, ils font figure d'hérétiques et de cinquième colonne aux ordres de Téhéran. En mars 1995, les «étudiants en théologie» n'avaient pas hésité à assassiner leur chef religieux, l'hodjatoleslam Ali Mazari, qu'ils avaient capturé. A Kaboul, les Hazaras avaient déjà été victimes de massacres commis par des partis pachtouns lors de la longue guerre civile qui a suivi le départ de l'armée Rouge.
L es taliban ont tué de manière systématique des centaines de civils de la minorité chiite hazara, le mois dernier à Yakawlang, au centre du pays. Libération a recueilli les témoignages de deux rescapés de ce massacre. Des membres d'organisations humanitaires et de l'ONU travaillant dans la région avaient fait état, fin janvier, de telles exactions, mais en des termes très généraux. Les taliban, au pouvoir à Kaboul, avaient aussitôt démenti - tout en interdisant à la petite poignée de journalistes en poste dans la capitale afghane, comme aux responsables d'ONG occidentales ou de l'ONU, de se rendre sur place. 

Ali, un Hazara, se souvient qu'il était dans le bazar de Yakawlang lorsque les taliban ont attaqué la ville, le 9 janvier. Celle-ci était tombée depuis peu aux mains de 250 combattants du Hezb-e Wahdat, une unité de moudjahidin composée d'Hazaras alliés au commandant tadjik Ahmed Shah Massoud, en lutte contre les «étudiants en théologie». L'opposition et les taliban (qui contrôlent 90 % du pays) mènent depuis des années une guerre de positions incessante. Les deux camps gagnent puis reperdent des régions, souvent au prix de lourdes pertes de part et d'autre. 

«Plus que dix minutes à vivre.» «L'attaque a eu lieu vers midi, raconte Ali. Le Hezb-e Wahdat, qui n'avait plus de munitions, avait évacué la ville, ne laissant que deux combattants sur place. La première vague d'assaut des taliban est arrivée à pied, suivie de dizaines de pick-up tirant de tous côtés, y compris au lance-roquettes. Je me suis enfui dans le village de Dareli, à 2 km de là, où je me suis caché. Je me croyais en sécurité car l'endroit n'est pas accessible en voiture. Mais des taliban sont arrivés à cheval, ont encerclé le village, puis ont fouillé maison par maison. Ecartant les femmes, ils ont pris tous les hommes qu'ils trouvaient, ainsi que des enfants dont certains n'avaient pas plus de 7 ans. J'ai moi-même été découvert. Comme aux autres, ils m'ont attaché les mains derrière le dos avec des turbans dont ils se servent comme coiffe. Les femmes criaient et les taliban les repoussaient en les frappant. L'une d'elles s'est interposée pour les empêcher de prendre son mari d'une vingtaine d'années. Elle les suppliait en disant qu'ils n'étaient mariés que depuis un mois. Ils l'ont frappée, puis l'un d'eux a vidé son chargeur de Kalachnikov sur le jeune homme, en tirant des pieds à la tête. Nous nous sommes retrouvés à 70 ou 80 captifs, hommes, enfants et vieillards. Ils nous ont d'abord descendus du village, puis nous ont mis dans leurs pick-up pour nous ramener à Yakawlang. Ils nous disaient: "Nous allons vous tuer... votre vie arrive à son terme, vous n'avez plus que dix minutes à vivre." A Yakawlang, on nous a regroupés avec d'autres prisonniers. Comme je parlais le pachtou (la langue des Pachtouns, ethnie dont sont originaires l'immense majorité des taliban, ndlr), j'ai pu expliquer que je n'étais pas de la région, et l'un d'entre eux m'a libéré. Après, ils ont emmené les prisonniers, qui étaient alors plus d'une centaine, sur un terrain derrière le bazar et j'ai entendu des coups de feu...»

Mussah, un autre Hazara de Yakawlang, a fui dans un village plus éloigné, échappant ainsi à la rafle. Mais il est retourné sur place pour enterrer les morts après le départ des taliban (entre-temps, le Hezb-e Wahdat avait repris la ville et la tenait encore à la mi-février, ndlr). Son récit corrobore celui d'Ali. Il explique que les taliban, qui avaient apparemment ordre de ne tuer que les hommes, ont poursuivi leurs massacres pendant près d'une semaine, commençant le matin vers 9 heures jusqu'en fin d'après-midi. «Ils encerclaient un village, faisaient sortir les hommes, les emmenaient un peu à l'écart, les exécutaient, puis passaient à un autre village.» Il dit avoir enterré lui-même, avec des femmes et d'autres rescapés, 15 corps dans le village de Sari Osiop. 

Il dresse une liste non exhaustive des villages de la banlieue de Yakawlang où tous les hommes présents ont été tués: Mandiak, Ghumbzi, Kushkak, Katahona, Akhundon, Bedemoushkin, Girtbeid... Toutefois, de nombreux habitants se sont enfuis dans les montagnes avec leurs familles et y étaient toujours quand il est parti, début février, assure-t-il, car la peur ne les a pas quittés. Une bonne partie de ceux-là sont morts de froid, selon Mussah. Quelque 1500 familles de Yakawlang se sont réfugiées à Panjao, à 40km de là, où il est lui-même allé avant de se rendre à Jalalabad. Il explique encore que le Hezb-e Wahdat est parvenu à reprendre Yakawlang sans combattre à la suite de ces massacres indiscriminés, en rassemblant tous les hommes encore valides des environs, qui jusqu'alors refusaient de s'engager. «Ils ont mis des haut-parleurs sur leurs voitures, disant que désormais plus personne n'avait le choix, qu'il fallait combattre les taliban ou se laisser massacrer», raconte Mussah. En constatant une telle mobilisation, les taliban, au nombre de quelques centaines, ont décampé sans combattre. 

Haine raciste. Les villageois ont alors entrepris de compter les victimes. Au bout de quelques jours, ils sont arrivés au chiffre de 530 morts - un décompte qui inclut toutefois les réfugiés morts de froid dans les montagnes. Au moins deux employés afghans d'une ONG occidentale, ainsi qu'un chauffeur employé par l'ONU, ont également péri dans ce nettoyage ethnique: toutes les victimes sont des Hazaras, des musulmans chiites d'origine mongole, traditionnellement méprisés en Afghanistan. Les taliban avaient déjà à plusieurs reprises pris cette ethnie pour cible. En 1998, ils avaient tenté d'affamer le Hazarajat par un embargo sur la nourriture qui dura de nombreux mois. «Les taliban étaient allés jusqu'à interdire la région aux organisations humanitaires», se souvient un responsable d'ONG en poste à Kaboul, qui met ces derniers événements sur le compte d'une «haine raciste» des taliban (pachtouns et sunnites) à l'encontre des autres ethnies afghanes et des Hazaras (chiites) en particulier. Les Hazaras avaient, il est vrai, eux-mêmes massacré froidement plus d'un millier de prisonniers de guerre taliban à Mazar-i-Sharif en 1997. La guerre civile afghane, qui a commencé après la chute du pouvoir communiste en 1992, prend de plus en plus l'allure d'une guerre ethnique entre un pouvoir pachtoun (seuls deux ministres taliban sont non pachtouns) et l'opposition, presque exclusivement composée d'autres ethnies. Cette nouvelle tournure du conflit inquiète nombre d'Afghans ainsi que les ONG et les experts onusiens sur place. 

Le pouvoir taliban, qui cherche en vain depuis 1996 à être reconnu comme légitime par la communauté internationale, déploie depuis janvier beaucoup d'efforts pour empêcher les rares témoins qui parviennent à traverser les lignes de front de parler de ce dernier massacre. Les sentinelles des postes de contrôle à l'entrée de Kaboul demandent aux voyageurs d'où ils viennent et arrêtent ceux en provenance de Yakawlang...

Moscou accuse les Talibans d'abriter des camps terroristes (Reuters, 4/2/2001)
Le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Sergueï Ivanov, a accusé les Talibans au pouvoir à Kaboul d'abriter en Afghanistan une trentaine de "camps d'entraînement pour terroristes" venant de pays d'Asie centrale, arabes et européens. 
 Lors d'une conférence de presse en marge de la conférence sur la sécurité de Munich, le responsable russe a également reproché aux anciens "étudiants en religion" afghans de se livrer au trafic de drogue et  à la contrebande d'armes. 
En janvier, les Nations unies ont imposé de nouvelles sanctions en raison du refus des Talibans de remettre aux Etats- Unis Oussama Ben Laden, le milliardaire saoudien intégriste soupçonné d'être le commanditaire des attentats anti-américains de 1988 au Kenya et en Tanzanie. 
 Ivanov a également prôné une coopération accrue en matière de lutte anti-terroriste."Aujourd'hui, la pieuvre du terrorisme étend ses tentacules jusqu'en Asie centrale et aux Philippines, et son souffle peut se faire sentir jusqu'en Europe", a-t-il dit. 

A Sangin, l'opium se vend à la tonne (AFP, 8/5/2000)
Les trafiquants iraniens et pakistanais achètent l'opium par tonnes à Sangin, une petite bourgade du désert de la province du Helmand (sud de l'Afghanistan) qui constitue sans doute le plus grand marché d'opium du monde.
 Au bout d'une piste harassante, au coeur de cette province -- contrôlée par les taliban -- qui a produit l'année dernière la moitié des 4.600 tonnes d'opium afghan, Sangin, écrasée de soleil, ressemble à toutes les villes du desert avec ses maisons basses en terre et ce vent brûlant qui soulève une poussière sale qui s'insinue partout.
 Ici, les étrangers, surtout s'ils sont occidentaux, ne seront pas forcement les bienvenus, et doivent être accompagnés d'une escorte d'ombrageux taliban, les miliciens islamiques qui controlent 80% du pays devenu en 1999 le principal pourvoyeur d'opium du monde.
 L'activité quasi-exclusive des 200 boutiquiers pachtouns de la localité est en effet la vente de l'opium "liquide" ou séché, -première étape d'un long voyage- qui, après transformation en morphine puis en héroïne, sera vendu notamment en Europe ou en Amérique du nord.
 Sangin draine vers elle la production d'opium des trois provinces du sud de l'Afghanistan: Helmand, Kandahar et, dans une moindre mesure Uruzgan, car les commerçants de la ville s'assurent l'exclusivité de l'achat par une habile politique des prêts sans interêts aux paysans avant la récolte.
 C'est ensuite une question de patience et d'habileté commerciale: il faut attendre les acheteurs balouches, principalement iraniens, mais aussi pakistanais, selon les gens de Sangin.
 Ceux-ci viennent en pick up tous terrains acheter entre 3 et 4 tonnes d'opium après de longues discussions dans ces boutiques obscures imprégnées de l'odeur aigre de l'opium, une pâte marron foncée vendue dans des sacs en plastique.
 "Les trafiquants viennent dans le village sans armes", affirme Haji Mira Jan, qui a plusieurs boutiques dans lesquelles il vend l'opium depuis 16 ans. "Leurs escortes armées les attendent quelque part dans le désert", dit-il.
 Selon des sources spécialisées, les convois des trafiquants sont souvent très bien équipés d'armes lourdes, mitrailleuses et mêmes parfois de bi-tubes anti-aériens montés sur des plateformes de camions.
 Mira Jan affirme faire peu de profits dans sa boutique où les sacs d'opium sont remisés dans des cantines en fer blanc. Il achète le kilo d'opium au paysan 2.000.000 d'Afghanis (35 dollars environ) et le revend 2.200.000 afghanis soit un bénéfice de 3,5 dollars.
 Il sait que les bénéfices augmentent tout au long de la chaîne du trafic. "Nous ne faisons pas beaucoup de profit, mais les autres on sait qu'ils gagnent des dizaines de milliers de dollars", assure-t-il.
 Selon lui, il y a en permanence entre 50 et 60 tonnes d'opium disponible dans les boutiques qui vendent chacune entre 1 et 25 tonnes par an à l'ombre des muriers qui bordent les rues défoncées de la localité.
 Ici, tout le monde touche à l'opium: l'administrateur-adjoint du district M. Aminullah admet qu'il en cultive 1/2 ha. Mais il s'empresse d'ajouter qu'il a réduit ses cultures de 50% cette année à la suite d'un décret du mollah Mohamed Omar.
 Le chef charismatique des taliban a en effet ordonné en septembre de réduire les surfaces cultivées de 30% après la récolte record de 1999 qui a constitué environ 75% de l'opium produit dans le monde.
 Mais les mollahs perçoivent une taxe de 10% sur les transactions, selon Abdul Ali, un négociant de 35 ans qui affirme pour sa part les verser à l'Imam de sa mosquée.
 Une garnison de 85 miliciens est d'ailleurs installée dans un fortin à l'entrée de la ville et contrôle tous les véhicules qui entrent et qui sortent.
 L'opium va vers le sud de la province du Helmand, dans la zone désertique dite "des trois frontières" (Afghanistan, Iran et Pakistan) où se trouvent, selon des sources spécialisées, des laboratoires qui en transforment une partie en morphine.
 De là, la drogue part vers l'Iran ou le Pakistan d'où elle ira principalement en Turquie -- où elle sera transformée en héroïne -- avant d'atteindre les "marchés" occidentaux.

La récolte d'opium bat son plein en Afghanistan (AFP, 8/5/2000)
 La récolte d'opium bat son plein dans le sud de l'Afghanistan, le premier producteur mondial, où elle devrait être moins importante que celle de 1999 en raison de la sécheresse et de l'ordre donné aux paysans par les taliban de réduire les cultures du pavot.
 Dans un décret publié en septembre dernier après une récolte record de 4. 600 tonnes, le mollah Mohamed Omar, le chef suprême des taliban, avait ordonné aux paysans de réduire en 2000 de 30% les surfaces de pavot cultivées.
 Difficile pour les paysans du sud de l'Afghanistan de ne pas obéir à une "fatwa" d'Amirul Momineen (le commandeur des croyants) qui dirige d'une main de fer la redoutable milice islamiste qui contrôle environ 80% du pays, mais est toujours en quête d'une respectabilité et d'une reconnaissance internationale.
 Il faut dire que la production de l'année dernière avait de quoi faire pâlir de jalousie les seigneurs de l'opium du Triangle d'Or birman et rendre nerveux toutes les organisations de lutte contre la drogue.
 Avec une telle quantité, l'Afghanistan assure désormais environ 75% de la production mondiale d'opium, affirme Bernard Frahi, le responsable du Programme des Nations Unies pour le Contrôle International des Drogues (PNUCID) pour l'Afghanistan et le Pakistan.
 Pour cet ancien avocat français, à peine quadragénaire, que le goût de l'action a poussé à devenir un des responsables du PNUCID, la récolte devrait diminuer cette année.
 "Pour diverses raisons, la production devrait être inférieure à celle de 1999", a-t-il estimé lors d'une visite dans les provinces de Helmand et de Kandahar (sud) où le PNUCID, avec les responsables taliban, mène un programme expérimental de cultures alternatives (blé, raisin, cumin ...) au pavot dans le but d'abord d'en diminuer la production puis de l'éradiquer.
 Certains pays, notamment les Etats-Unis engagés dans un bras de fer avec les taliban qu'ils accusent de soutenir le terrorisme islamiste, mettent en doute la sincérité de ces derniers, qui perçoivent une taxe de 10% sur la récolte.
 Le PNUCID, qui affirme avoir toujours eu le soutien des taliban, pour ses programmes, admet cependant qu'il est encore trop tôt pour juger de leur sincérité et de leur attitude.
 De fait, si le décret du mollah Omar a pu jouer, la sécheresse que connaît le sud de l'Afghanistan a aussi limité les rendements, ont estimé des experts internationaux sur place.
 La province de Helmand, à l'ouest de Kandahar, est la principale productrice d'opium avec 45.000 hectares cultivés l'année dernière qui ont fourni 50% environ de la production totale afghane.
 La province de Nangarhar, elle aussi sous le contrôle des taliban, dans l'est du pays, arrive en 2ème position avec 23.000 ha et la province de Kandahar, le quartier général et le bastion des taliban, est au 3ème rang.
 Mais les zones contrôlées par l'opposition armée du commandant Ahmed Shah Massoud dans le nord-est du pays sont aussi des régions de production comme les provinces de Badakshan (2.700 tonnes) et Takhar (200 tonnes).
 Alors que la récolte du sud part vers l'Iran et le Pakistan, celle du nord est principalement exportée à travers les anciennes républiques soviétiques de l'Asie Centrale.
 La destination finale, après un passage par la plaque tournante principale que constitue la Turquie, est pour l'essentiel les "marchés" occidentaux de l'Europe et de l'Amérique du Nord.
 En ce début de récolte, les premières ventes des paysans montrent que le kilogramme d'opium s'enlève pour 35 dollars, alors que l'année dernière le kilo valait en moyenne 50 dollars.
 "Les prix du début de récoltes sont traditionnellement les plus faibles", a estimé Bernard Frahi qui souligne que la récolte record de 1999 a généré des stocks importants qui pèsent sans doute sur les prix.
 Après les transformations successives (morphine puis héroïne) et les coupages nécessaires, ce même kilogamme, vendu à Paris par doses d'un gramme à 7% d'héroïne maximum, rapportera quelque 160.000 dollars. Un ratio de 1 à 4. 000 environ.

L'ONU signale un risque de famine en Afghanistan et au Pakistan (Reuters, 2/5/2000)
Une sècheresse persistante fait peser de lourdes menaces de famine sur des millions de personnes dans le sud de l'Afghanistan et au Pakistan, a déclaré un représentant de l'Onu.
Mike Sackett, directeur du Programme alimentaire mondial pour l'Afghanistan, a assorti cet avertissement d'un appel à une aide internationale d'urgence.
"Il n'y a pas encore de squelettes ambulants mais sans une réponse adéquate, des milliers d'Afghans des provinces du sud vont passer un été impitoyable parce qu'ils ont perdu presque toutes leurs récoltes et 80% de leur bétail", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse donnée à Kandahar au terme d'une visite de trois jours dans les régions sinistrées.
A Islamabad, des représentants de l'Onu ont déclaré que la famine menaçait de 2,5 à trois millions de personnes en Afghanistan et autant au Pakistan.
"Nous avons assez d'éléments après une première évaluation pour nous rendre compte que nous sommes confrontés à une situation très difficile", a dit le coordinateur de l'Onu pour la Pakistan, Onder Yucer.
Son collègue pour l'Afghanistan, Erick de Mul, a souligné que la sècheresse était la plus sévère dans cette région depuis 1971.
Aucune chute de pluie ne peut être espérée avant le mois de novembre et les 400.000 habitants de la région qui était un des greniers à blé de l'Afghanistan n'ont pas assez de réserves pour attendre les récoltes de l'été 2001, a-t-il ajouté.
Quiconque sillonne la région de Kandahar s'aperçoit immédiatement que les champs qui devraient être couverts de céréales sont jaunis par la sècheresse. Les routes sont encombrées par le flot des gens qui espèrent trouver de l'eau et la survie dans les provinces du nord.
Les Nations Unies ont déclenché un programme de distribution de nourriture. Elles ont également lancé un appel à l'aide internationale et demandé au régime des Talibans de consacrer davantage de ressources à l'aide alimentaire au lieu de financer une guerre civile apparemment sans fin contre une opposition pourtant très affaiblie.

Oussama Ben Laden est mourant, selon un magazine hong-kongais (AP, 16/3/2000)
Oussama Ben Laden, commanditaire présumé des attentats meurtriers contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar es-Salaam (Tanzanie) de 1998, est en train de mourir d'une insuffisance rénale, selon un magazine de Hong-Kong publié jeudi, qui cite une source occidentale non précisée.Les proches de l'extrémiste islamiste cherchent une machine à dialyse pour essayer de stabiliser son état, selon ``Asiaweek''. Le millionnaire d'origine saoudienne, qui se serait réfugié dans les montagnes de l'Afghanistan, est conscient la plupart du temps et peut encore parler et participer à des réunions.Avec 16 autres personnes, Oussama Ben Laden est recherché par les Etats-Unis qui l'accusent d'avoir ourdi les attentats simultanés qui ont coûté la vie à 224 personnes, dont 12 Américains, le 7 août 1998.

Début de nouveaux pourparlers de paix entre factions afghanes (AP, 7/3/2000)
Les représentants des factions en lutte en Afghanistan ont entamé mardi sur les bords de la Mer rouge en Arabie saoudite une nouvelle session de pourparlers destinés à mettre un terme à des années de guerre civile. La rencontre de Djeddah, sous l'égide de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) est une nouvelle tentative pour que les talibans au pouvoir à Kaboul et contrôlant désormais 90% du pays, signent la paix avec l'opposition nordiste, dirigée par Ahmed Shah Massoud et l'ancien président Burhanuddine Rabbani. Des responsables iraniens et pakistanais, ainsi que Francesc Vendrell, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afghanistan, participent aux pourparlers, précisait-on de sources saoudiennes. Aucune rencontre directe n'avait encore eu lieu mardi, les parties rencontrant séparément les représentants de l'OCI, et tous les efforts portaient sur l'organisation d'un face-à-face. L'Arabie saoudite et le Pakistan sont considérés comme les principaux partisans des talibans, qui pratiquent une version extrêmement dure de l'Islam. L'Iran, qui préside actuellement l'OCI, est considéré comme plus proche de l'alliance nordiste. Plusieurs tentatives de l'ONU ou de l'OCI de ramener la paix en Afghanistan ont échoué, les parties ne réussissant pas à mettre au point une formule de partage du pouvoir. 

Afghanistan: l'OIC organisera les pourparlers de paix (Reuters, 5/3/2000)
L'Organisation de la conférence islamique réunira lundi à Djeddah (Arabie saoudite) les parties en conflit pour discuter de la paix en Afghanistan. Un groupe de contact de l'OIC s'entretiendra d'abord séparément avec des représentants des Talibans au pouvoir à Kaboul et de l'opposition, avant d'organiser un face-à-face entre les deux camps. Des représentants du Pakistan, de l'Iran et de la Guinée, plus l'émissaire de l'Onu pour l'Afghanistan, Francesco Vendrell, assisteront aux discussions, qui devraient durer deux jours. Les anciens "étudiants en religion", qui contrôlent 90% du territoire afghan, sont repassés à l'offensive contre les forces du
commandant Ahmad Shah Massoud. Vendredi, le Conseil de sécurité des Nations unies avait exigé un arrêt des combats. 

Drogue: l'ONU préoccupé par le manque de coopération des taliban afghans (AFP, 23/2/2000)
La production de drogues en Afghanistan ne cesse de croître alors que ce pays est déjà l'un des principaux producteurs d'opium, juge l'ONU dans un rapport annuel qui doit être rendu public mercredi.L'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), organisme de l'ONU qui siège à Vienne, critique également l'expansion rapide en Asie des amphétamines, soulignant le rôle majeur de la Chine.Mettant en doute la volonté des taliban, milice islamiste intégriste, au pouvoir en Afghanistan de s'attaquer au fléau de la drogue, l'OICS relève que la culture illicite d'opium s'est élargie à de nouvelles zones, placées en très grande majorité sous le contrôle des taliban. L'Afghanistan fournit 75% de la production d'opium du monde, indique le rapport. "En Afghanistan, la culture illicite à grande échelle du pavot à opium continue de s'étendre à des régions du pays qui n'avaient jusque-là pas été touchés. La volonté des autorités d'interdire la culture du pavot à opium et la fabrication d'héroïne reste douteuse", indique le rapport, soulignant que 97% de la production du pavot à opium sont assurés sur des terres contrôlées par les taliban. En outre, les auteurs du rapport ont observé que la production d'héroïne se déplace du Pakistan --où elle a pratiquement disparu--vers l'Afghanistan."L'Organe s'inquiète de la progression rapide des cultures illicites ainsi que du trafic et de l'abus de drogues en particulier d'héroïne dans les pays d'Asie centrale et du Caucase".L'OICS, qui invite "la Communauté internationale à prendre des mesures appropriées", ajoute que les drogues synthétiques connaissent un essor en Asie. "L'abus et le trafic de stimulants de type amphétamine progressent rapidement dans toute la région de l'Est et du Sud-Est de l'Asie" et "la Chine demeure un gros fournisseur", note le rapport qui met en garde "les groupes vulnérables des grandes agglomérations urbaines, notamment les jeunes".
Le rapport loue cependant les efforts du Laos, de la Birmanie, de la Thaïlande et du Viêtnam pour réduire leurs productions d'opium. En revanche, la Chine, la Malaisie et la Thaïlande demeurent des marchés importants pour l'héroïne et des lieux de transit prisés pour l'exportation d'héroïne vers l'Amérique du Nord et l'Océanie. Pour l'Asie du Sud, l'OICS note une augmentation de la production d'héroïne et de drogues synthétiques, de cannabis et d'opium. Le port de Chittagong, au Bangladesh, les Etats indiens du Manipur, du Mizoram et du Nagaland, ainsi que les frontières entre l'Inde et le Pakistan, et les régions de Bombay et New Delhi sont devenus des plaques tournantes du trafic de stupéfiants, selon le rapport.
Phénomène général en Asie, le manque d'argent perturbe les efforts pour enrayer la prolifération de drogues, conclut l'OICS.
"L'insuffisance des ressources empêche toujours les autorités de plusieurs pays et leurs partenaires d'appliquer dans leur intégralité les programmes destinés à réduire l'offre et la demande illicites de drogues", indique le rapport.

73 ex-otages du Boeing afghan en route vers l'Afghanistan (Reuters, 14/2/2000)
Soixante-treize ressortissants afghans, soit plus de la moitié des otages du Boeing détourné la semaine dernière sur la Grande-Bretagne, faisaient route vers leur pays lundi matin à bord d'un avion spécialement affrété. Les autorités britanniques étudient des demandes d'asile émanant de 69 autres ex-otages libérés jeudi à l'aéroport londonien de Stansted. Dix-neuf hommes ont été arrêtés après le détournement du Boeing 727 de la compagnie afghane Ariana, et certains pourraient comparaître en justice dès lundi. Un avion Tristar de la compagnie cambodgienne Kampuchea Airlines a décollé peu après minuit GMT de la base aérienne de Brize Norton, à l'ouest de Londres, à destination de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan, a indiqué un porte-parole du Home Office (ministère de l'Intérieur britannique). Les anciens otages avaient quitté un peu plus tôt en autobus, sous escorte policière, un centre de regroupement temporaire. Dans la journée de dimanche, on avait rapporté de source autorisée que seuls 17 ex-otages étaient prêts à rentrer en Afghanistan, pays ravagé par la guerre, la plupart des autres réclamant l'asile politique en Grande-Bretagne. 
"Il a fallu du temps pour réaliser les entretiens, établir les intentions des gens, leur expliquer les options qui étaient offertes et
quelles en étaient les implications", a dit le porte-parole du ministère à Reuters. "Tous ceux qui restent ici ne sont pas prêts à partir de leur plein gré. Cela semble signifier qu'ils demandent l'asile." Selon certaines informations de presse, l'augmentation du nombre des rapatriés a fait suite à des assurances reçues des talibans au pouvoir à Kaboul quant à leur sécurité. 
Controverse politique 
Le porte-parole a précisé que les 73 personnes parties pour Kandahar se répartissaient comme suit: 58 hommes, huit femmes et
sept enfants. Selon la BBC, leur avion doit faire une escale technique aux Emirats arabes unis (EAU). Les talibans, mouvement islamiste qui n'entretient pas de relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne, avaient réclamé le rapatriement de tous les ex-otages. Le détournement du Boeing afghan a provoqué une vive controverse politique en Grande-Bretagne, des médias ayant laissé entendre durant les négociations qu'il masquait en fait un stratagème des pirates de l'air et d'une grande partie des passagers pour obtenir l'asile politique et des conditions de vie plus agréables en territoire britannique. Après le dénouement pacifique de l'affaire jeudi dernier à l'aéroport de Stansted, il était vite apparu que des dizaines d'entre eux réclamaient l'asile. L'opposition conservatrice avait alors accusé le ministre de l'Intérieur Jack Straw de faire apparaître la Grande-Bretagne comme un refuge d'accès trop facile. Straw a riposté dimanche en assurant disposer de tous les moyens de refouler les anciens otages si l'asile ne leur était pas accordé. "Une fois les procédures terminées, nous avons parfaitement le droit de renvoyer du pays les gens qui ne peuvent y rester à aucun titre. Cela arrive chaque jour", a-t-il dit à la BBC-télévision. Le ministre a noté que Londres devait à la fois remplir son obligation d'accorder l'asile à ceux qui craignaient à juste titre des persécutions dans leur pays, et exercer "prévention et dissuasion contre le crime terroriste international très grave que constitue le détournement". Des militants des droits de l'homme ont exhorté Straw à ne pas refouler ceux qui souhaitaient rester en Grande- Bretagne après leur épreuve et échapper à des conditions de vie misérables sous le régime intégriste des talibans. La police n'a pu préciser lundi matin combien de personnes seraient inculpées à la suite du détournement, mais elle a indiqué que certains prévenus comparaîtraient dans la journée devant un tribunal. L'un des pilotes du Boeing afghan a déclaré samedi à la presse que les pirates de l'air armés qui avaient pris le contrôle de l'appareil au cours d'un vol intérieur, avaient menacé de tuer leurs otages et de faire sauter l'avion à son arrivée en Grande-Bretagne. 

10.000 dollars pour "fuir vers la liberté" (AFP, 28/1/2000)
10.000 dollars: c'était le prix de la liberté pour Diana Kamos, une jeune réfugiée afghane de 25 ans hébergée à Sangatte (nord de la France) depuis quelques jours, et qui a fui Kaboul et les Taliban. Les nouveaux maîtres de l'Afghanistan l'ont battue à trois reprises, sans raison. "Depuis leur arrivée à Kaboul, les femmes sont prisonnières, elles n'ont plus le droit d'aller à l'école, plus le droit de travailler. Elles vont toutes finir par devenir folles", explique Diana. Etudiante en troisième année de médecine à l'arrivée des Taliban, elle a choisi de "fuir vers la liberté". Sa famille rassemble 10.000 dollars et contacte un passeur. Elle quittera Kaboul par avion et sans passeport (les femmes n'ont plus le droit d'en avoir en Afghanistan, explique-t-elle) avant de débarquer en France. Gravement malade, elle veut pourtant à tout prix franchir la Manche pour rejoindre son cousin à Londres. Le cas de Soheil, un Iranien de 21 ans, est un peu particulier. Il est l'un des rares à avoir formulé une demande d'asile et à vouloir rester en France. "La traversée est trop dangereuse, l'autre jour un homme est tombé d'un camion et on l'a emmené à l'hôpital avec une fracture du crâne. Moi j'ai fui mon pays pour éviter la mort, alors si c'est pour la trouver en essayant de passer, autant rentrer chez moi", affirme-t-il. Harcelé par la police pour son amitié avec un membre des Baha'is, une communauté religieuse réprimée par le régime de Téhéran, il a échappé de peu à une arrestation. Lui aussi a dû débourser 10.000 dollars pour arriver à Calais via la Bosnie, après trois mois sur les routes. "Moi je ne voulais pas partir pour l'argent. Je vivais bien en Iran, où je tenais un magasin de vêtements et un garage", dit Soheil. En attendant d'être fixé sur son sort, il aide à la cuisine du centre de la Croix Rouge. "Ici je ne connais personne, à part Dieu", lâche-t-il.

La Tchétchénie va ouvrir une ambassade en Afghanistan (AP, 21/1/2000)
La république indépendantiste de Tchétchénie va ouvrir une représentation diplomatique à Kaboul, a annoncé vendredi le ministre afghan des Affaires étrangères. Au cours d'une conférence de presse conjointe avec le porte-parole des séparatistes tchétchènes Zelimkhan Banderaïev, le ministre taliban Wakil Ahmed Muttawakil a appelé les musulmans du monde à se rallier derrière les Tchétchènes contre l'armée russe. Le régime des talibans au pouvoir à Kaboul est le seul à reconnaitre l'indépendance de la Tchétchénie et n'est lui-même reconnu que par trois pays. Kaboul s'est attiré les foudres de Moscou, qui l'accuse de fournir des hommes et du matériel aux Tchétchènes. Ce qu'a démenti le ministre, affirmant que les talibans, en guerre contre l'opposition nordiste dirigée par le commandant Ahmed Shah Massoud, n'en avaient pas les moyens. Wakil Ahmed Muttawakil a comparé l'offensive russe en Tchétchénie à l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979. ``Des musulmans du monde entier sont venus aider l'Afghanistan. Maintenant, les musulmans devraient aider le peuple tchétchène''. Banderaïev, venu à Kaboul à la tête d'une délégation de six membres, s'en est violemment pris aux Nations Unies, accusées de ne rien faire pour arrêter l'intervention russe.

Moscou qualifie de ``juridiquement nulle'' la reconnaissance de la Tchétchénie par les Talibans (AP, 18/1/2000)
Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié lundi de ``juridiquement nulle'' la reconnaissance de l'indépendance de la Tchétchénie par les Talibans, qui contrôlent 90% de l'Afghanistan. En agissant de la sorte, le régime taliban ``conduit à la création d'une sorte d'internationale du banditisme'', ce qui montre ``la nécessité d'unir les efforts de la communaute internationale dans la lutte contre le mal universel que represente le terrorisme'', souligne le ministère. La Russie a accusé à plusieurs reprise les Talibans de venir en aide aux combattants indépendantistes tchétchènes. Kaboul est pour l'heure la seule capitale à reconnaître la Tchétchénie en tant qu'entité indépendante. 
 


 
Chronologie de la guerre d'Afghanistan (AP, 15/2/99)
Voici une chronologie de la guerre d'Afghanistan qui opposa les moudjahidine afghans à l'envahisseur soviétique
entre 1979 et 1992 : Plus de vingt ans de conflit en Afghanistan 

1978

-27 avril: conduit par Hafizullah Amin, un coup d'Etat militaire pro-soviétique renverse le président Mohammad Daoud Khan, cousin
du roi Zahir Shah, détrôné en 1973. Au pouvoir, le Parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA) installe Nour Mohammad
Taraki à la présidence 

1979

-12 mars: le Front de libération nationale (musulman) lance le djihad le 12 mars contre le pouvoir. En juillet, les Soviétiques déploient
leur première unité de combat dans le pays, un bataillon aéroporté de 400 hommes envoyé à Bagram (nord de Kaboul) 

-14 décembre: de moins en moins soutenu par Moscou, le Premier ministre Amin fait étrangler le président Taraki lors d'un coup
d'Etat, alors que la rébellion islamiste s'accroît 

-24 décembre: 40.000 soldats de l'Armée rouge entrent en Afghanistan pour renverser Amin, ramenant dans leurs bagages le
pro-soviétique Babrak Karmal. L'invasion provoque un exode qui pousse des millions d'Afghans à se réfugier en Iran et au Pakistan.
On en recensera plus tard 2,9 millions au Pakistan et à 2,3 millions en Iran. 

Trois jours plus tard, l'URSS installe Karmal à la tête du pays. La guerilla afghane commence à se former et harcèle les troupes
soviétiques 

1980

-Alors que l'assemblée générale de l'ONU réclame le ``retrait immédiat, sans condition et total des troupes étrangères'', l'Armée
rouge est portée en février à 75.000 hommes, avant d'atteindre les 115.000 hommes, selon des estimations occidentales 

1984

-janvier: les rebelles prennent temporairement le contrôle de Kandahar, deuxième ville du pays. En avril, les Soviétiques pilonnent
pour la première fois les places fortes et les villages des rebelles, avec des bombardiers Tupolev-16

1985

-mai: l'Institut international des études stratégiques de Londres estime que les Soviétiques ont perdu 20.000 à 25.000 hommes en
cinq ans. A Peshawar (Pakistan), une alliance de rebelles fondementalistes musulmans rejoint des modérés au sein de l'Unité
islamique de groupes afghans, à sept composantes 

1986

-4 mai: Karmal doit céder la place à Mohammed Najibullah, ancien chef du Khâd (police secrète). Vers la fin de l'année, les
moudjahedines basés au Pakistan et répartis en sept factions reçoivent des armes américaines, dont des missiles Stinger, et
intensifient leur lutte contre Kaboul 

-juin: Mikhaïl Gorbatchev annonce le retrait de six régiments mais il s'agit, selon Washington, de forces anti-aériennes peu utiles qui sont remplacées par des régiments blindés 

-septembre: les rebelles auraient reçu leurs premiers missiles anti-aériens américains Stinger et britanniques Blowpipe qui leur
permettent, en l'espace de quelques mois, d'abattre en moyenne un appareil ennemi par jour 

-décembre: rencontre Najibullah-Gorbatchev à Moscou. Annonce de la formation d'un gouvernement d'unité nationale qui comprendra des dirigeants en exil 

1987

-15 janvier: Najibullah offre un cessez-le-feu et un plan de réconciliation à la résistance, qui refuse 

-novembre: Najibullah propose un calendrier de 12 mois pour le retrait des troupes soviétiques 

1988

-janvier: le président pakistanais Zia ul-Haq déclare qu'il accepte une participation communiste dans un futur gouvernement afghan
comme prix d'un retrait soviétique 

-mars: Ronald Reagan affirme que l'aide à la résistance afghane continuera après le retrait soviétique

-14 avril: le Pakistan et l'Afghanistan signent sous l'égide de l'ONU un traité qui prévoit le retrait des 115.000 soldats soviétiques
d'Afghanistan dans les dix mois 

-15 mai: début du retrait soviétique 

1989

-15 février: le dernier soldat de l'Armée rouge quitte le pays. La guerre a fait plus de 1,5 million de morts et cinq millions de réfugiés 

-février-mars: bataille de Jalalabad; l'armée afghane repousse les assauts de la résistance 

1990

-6 mars: tentative de coup d'Etat du ministre de la Défense Shah Nawaz Tanai, avec le soutien du chef résistant Gulbaddin
Hekmatyar 

1991

-avril 1991: après près de dix ans de combats, la résistance s'empare de la ville de Khost, infligeant à Najibullah un revers majeur 

-mai 1991: le secrétaire général de l'ONU Javier Perez de Cuellar présente un plan de paix prévoyant l'installation à Kaboul d'un
gouvernement intérimaire 

1992

-10 avril 1992: le nouveau secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali annonce que les belligérants ont convenu de créer un
``conseil de pré-transition'' qui recueillerait le pouvoir et le remettrait à un gouvernement intérimaire. Il ne dit rien du rôle que
Najibullah pourrait avoir dans cette dernière structure 

-15 avril: Najibullah est destitué, alors que la résistance prend la base aérienne stratégique de Baghram à 50km au nord de Kaboul 

-16 avril: les moudjahidine prennent Kaboul et chassent le pouvoir pro-soviétique. 

Chronologie de la guerre civile afghane (AP, 15/2/99)
Voici une chronologie de la guerre civile qui a éclaté en Afghanistan en 1992 : 

-16 avril 1992: à peine les moudjahidine prennent Kaboul qu'éclatent les luttes intestines entre les différentes factions. Le
Hezb-e-islami du pachtoune Gulbuddin Hekmatyar s'en prend à Burhanuddin Rabbani et au commandant Ahmed Shah Massoud,
tous deux du parti centriste islamique Jamiat-i-Islami. Les combats éclatent aussi entre l'Ittihad-i-Islami (pachtounes sunnites
pro-saoudiens) et le Hezb-i-Wahadat (chiites pro-iraniens). C'est le coup d'envoi d'une guerre civile qui va faire 50.000 morts, essentiellement civils, et envoyer plus de deux millions de réfugiés au Pakistan voisin. Kaboul se transforme en champ de ruines. Au moins quatre accords seront signés, mais aucun ne serarespecté.

1994

-septembre: d'anciens étudiants en théologie dont on n'avait jamais entendu parler, les talibans, entrent dans la bataille et
s'emparent en novembre de la province méridionale de Kandahar. Dans les deux années à venir, ils s'empareront du sud, de l'ouest
et de l'est du pays pour contrôler finalement 85% du pays 

1996

-13 mai: devant l'avancée implacable des talibans, Hekmatyar se rallie au régime 

-27 septembre: les talibans chassent le président Burhanuddin de Kaboul, conquièrent la capitale et pendent dans la rue l'ancien
président Mohammed Najibullah. La charia'a (loi islamique) est appliquée d'une main de fer. Les talibans se battent contre les forces du commandant tadjik Massoud et du chef de guerre ouzbek Rachid Dostom 

1997

-24 mai: soutenus par Malik Pahlawan, bras droit félon du général Dostom, les talibans prennent le contrôle du nord et contraignent Dostom à l'exil. Mais leur alliance fait long feu. En novembre, l'ONU découvre des charniers dans la région 

1998

-mars: le négociateur onusien Lakhdar Brahimi fait la navette entre les factions et dans la région pour tenter de faire ouvrir des
négociations. Les parties conviennent de mettre sur pied un conseil de sages 

-17 avril: l'ambassadeur des Etats-Unis à l'ONU Bill Richardson obtient des deux camps la promesse qu'ils entament des
négociations directes -les premières en deux ans- en vue de conclure un cessez-le-feu. Les combats se poursuivent néanmoins 

-26 avril: les talibans et l'opposition armée se retrouvent à Islamabad pour tenter de mettre fin à la guerre civile 

-9 août : les taliban reprennent Mazar et une grande partie du nord du pays, détruisant les forces de l'oppositon ouzbèke et
acculant Massoud dans le nord-est du pays. Dans les deux jours qui suivent la capture de Mazar, les Taliban massacrent plusieurs milliers d'Hazaras.

- 20 août : les Etats Unis lancent des dizaines de missiles contre des camps d'entrainement d'extremistes musulmans qui
visent Ousama ben laden accusé d'être le chef du terrorisme anti-américain réfugié en Afghanistan.

- 13 septembre : les taliban s'emparent du Hazarajat (centre du pays) le bastion du Hezb-i-Wahdat, le mouvement de
Khalili. les taliban controlent 80 % du pays sans être reconnus par la communauté internationale.

- octobre : les talibans consolident leur pouvoir sur 90% du territoire et éliminent toute l'opposition à l'exception du Jamiat-i-Islami de Rabbani. 

- novembre : Contre-offensives de Massoud, resté seul face aux taliban, qui sécurise son bastion du nord-est et la zone qu'il contrôle au nord de Kaboul.

1999

- 21 avril : le Wahdat reprend une partie du Hazarajat dont Bamiyan la principale ville.

- 9 mai : les taliban repennent Bamiyan et le Hazarajat.

- 28 juillet : début de l'offensive des taliban contre Massoud.



Les principaux acteurs du conflit afghan (AFP, 7/2/2000)
Les taliban au pouvoir à Kaboul ont accusé lundi l'opposition afghane d'être à l'origine du détournement du Boeing-727 du vol intérieur de la compagnie Ariana qui se trouvait lundi sur un aéroport londonien.L'Afghanistan est déchiré par la guerre depuis plus de deux décennies. Après le retrait des troupes soviétiques en 1989, les combats pour le pouvoir ont continué entre les factions victorieuses.Depuis la prise de Kaboul par les taliban en septembre 1996, la milice intégriste a conquis 80% environ du pays au détriment d'une opposition de plus en plus réduite.
Voici les principaux acteurs du drame afghan:
LES TALIBAN:
Il s'agit d'une milice religieuse inspiré par le sunnisme intransigeant d'inspiration déobandi du nom de Déoband, une madrassa (école coranique) située en Inde. Les taliban ("étudiants en théologie"), principalement d'ethnie pachtoune majoritaire dans le pays, sont issus de madrassa pakistanaises ou du sud de l'Afghanistan. Ils ont fait irruption sur la scène afghane à la fin de 1994 et ont conquis Kaboul le 27 septembre 1996.
Leur chef suprême, le mollah Mohamed Omar -- qui vit en reclus à Kandahar, dans le sud du pays, d'ou il a imposé un Islam
particulièrement rigoureux -- vient d'affirmer qu'il n'était pas question de négocier avec les auteurs du détournement dont il a tenu
responsable l'opposition.
L'OPPOSITION:
Elle s'est étiolée au fils des années depuis le renversement du président Burhanuddine Rabbani par les taliban en 1996 dont le
régime est cependant toujours reconnu par les Nations Unies et de nombreux pays. Elles comprenait principalement des mouvements représentants les Tadjikes sunnites (Rabbani et Ahmed Shah Massoud), les Ouzbeks sunnites (le général Rachid Dostam, en exil en Turquie) et les Hazaras chiites (Karim Khalili, en exil en Iran). Désormais seules les troupes du commandant Massoud jouent un rôle significatif dans la lutte contre les taliban, notamment dans l'immense plaine de Chamali, au nord de Kaboul et dans un réduit de l'extrême nord-est du pays.
L'ANCIEN ROI:
Zaher Shah, 86 ans, vit à Rome depuis son renversement en 1973. Il constitue l'espoir de ramener la paix dans le pays pour certains groupes monarchistes. La famille royale est d'origine pachtoune et trouve de nombreux soutiens dans les tribus de l'est du pays, dont le soutien a toujours été un élément important pour la stabilité de la monarchie.

Le mollah Omar aussi bien que le commandant Massoud sont hostiles à l'option monarchiste.
 


 
L'Afghanistan et les taliban L'Afghanistan et les Talibans

Rapport rédigé par Mme Soukhria Haidar
Présidente de l’Association de soutien aux femmes afghanes (NEGAR)

I. LA SITUATION ACTUELLE DANS LES REGIONS CONTROLEES PAR LES TALIBAN

Depuis leur prise de Kaboul, le 27 septembre 1996, la milice islamique des Taliban contrôle environ les 2/3 du pays. Dès leur entrée dans la capitale afghane, leur premier acte a symbolisé leur profond mépris de toutes les lois internationales : ils ont violé les locaux de l’ONU pour s’emparer de l’ancien président communiste Nordjiballah qu’ils ont ensuite pendu sans jugement après l’avoir torturé.

Le monde entier a alors découvert avec horreur sous quel régime de terreur vivaient les Afghans passés sous leur contrôle. Jamais, dans toute l’histoire de l’Afghanistan, on n’avait à ce point nié les droits les plus élémentaires de l’être humain, ni tout ce qui faisait la culture millénaire du pays.

Les premières mesures prises par les Taliban concernent les femmes :

Le travail des femmes est interdit
Après 18 ans de guerre, et la mort ou l’exil de millions d’hommes, beaucoup de femmes étaient devenues soutiens de familles et occupaient 70 % des postes dans l’administration, la santé ou l’éducation. Les renvoyer à la maison signifie que les 40.000 veuves de Kaboul sont réduites à la mendicité, que l’enseignement et les soins ne peuvent plus être assurés correctement, que beaucoup de femmes qui avaient des postes importants sont réduites à l’exil.

Le but des Taliban est la paralysie totale de l’appareil fonctionnel de l’Etat, de manière à pouvoir le contrôler à leur profit.

L’enseignement est interdit aux filles
Les Taliban ont fermé toutes les écoles et lycées de filles et ont interdit aux étudiantes de se rendre à l’université. A leur arrivée, il y avait 60 % de filles à l’université de Kaboul. Toutes les familles qui en avaient les moyens ont envoyé leurs jeunes filles continuer leurs études en exil. Les autres se désespèrent dans leur maison et se tournent parfois vers le suicide.

Par exemple, en octobre 1996, une jeune étudiante de Kaboul a voulu se suicider parce qu’elle n’avait plus le droit de continuer ses études ; elle s’est injecté du poison dans les veines de la main. Elle n’est pas morte, mais on a dû lui couper la main et elle est devenue folle.

Après 20 ans de guerre, la pression exercée par les Taliban est insupportable, il faut beaucoup de courage pour continuer à lutter malgré tout.

Dans toutes les villes occupées par les Taliban, des femmes ont bravé les interdits et essaient d’organiser, dans leurs maisons, des classes clandestines pour les fillettes interdites d’études. Saluons le courage de ces femmes qui, sans aucun moyen et malgré les menaces de répression qui pèsent sur elles si elles sont découvertes, s’obstinent à continuer à transmettre leur savoir à des fillettes qui ne souhaitent que retourner à l’école.

Il est interdit aux femmes de sortir sans un membre mâle de leur famille proche et sans une raison « valable » aux yeux des Taliban
De quel droit les Taliban se permettent-ils de juger des raisons « valables » d’une femme et osent-ils décider à la place des femmes ? Quelles sont les femmes qui ont toujours un mâle à leur disposition pour les accompagner ?

Les femmes n’ont pas une vocation de prisonnières et, malgré les menaces et les coups, continuent à sortir, le plus souvent en groupe, pour intimider les Taliban. Dans aucun pays au monde, aucun gouvernement n’a jamais décrété l’assignation à résidence de plus de la moitié de sa population, pour cause de « féminité » !

Le port du tchadri est obligatoire
Les Taliban ont décidé de ne plus voir les femmes, qu’ils considèrent comme des invitatrices à la débauche. Comme ils ne peuvent pas les enterrer vivantes, ils les cachent sous le voile intégral du tchadri qui les recouvre de la tete aux pieds sans qu’un centimère carré de peau soit visible.

Même entièrement voilées, selon la consigne, les femmes peuvent encore se faire battre sous n’importe quel prétexte : leur tchadri est trop court, ou trop joli, ou on a vu un bout de leurs doigts, ou le bout de leurs pieds…

En 1996, une femme de Kaboul, entièrement recouverte du tchadri, a été rouée de coups par des Taliban. Elle est tombée par terre et ne pouvait plus se relever. Des hommes se sont alors interposés pour empêcher les Taliban de continuer à la frapper. Elle a alors pu leur demander pourquoi ils la frappaient ainsi et l’un d’eux a répondu : « Parce que tu as des chaussettes blanches et que le blanc est la couleur de notre drapeau ».

Aucune femme ne se sent jamais en sécurité, même si elle a le sentiment de respecter tous les interdits, uniquement parce qu’elle est une femme.

Par exemple, début 1997 une femme médecin, membre d’une ONG française, attendait des amis dans une rue commençante de Kaboul. Une voiture était arrêtée non loin d’elle, et tous ses occupants étaient des Taliban qui la dévisageaient avec insistance. Avec ses cheveux noirs, elle pouvait passer pour une Afghane qui n’aurait pas mis de tchadri. Les Taliban ont alors reculé leur voiture dans sa direction, comme s’ils avaient l’intention de l’écraser contre le mur du magasin devant lequel elle se tenait. Aussitôt, en quelques secondes, une dizaine d’Afghanes qui passaient dans la rue recouvertes de leur tchadri, sans se concerter, sont venues vers elle et lui ont fait un rempart de leur corps. Intimidés par le nombre, les Taliban ont embrayé et se sont éloignés. Les femmes se sont aussitôt dispersées, et l’une d’entre elles s’est tournée vers la Française en lui murmurant : « be careful ! ».

La répression
La répression envers les femmes est impitoyable. Les Taliban n’hésitent pas à les frapper jusqu’à la mort sous n’importe quel prétexte. Tout leur est interdit et même les fillettes sont menacées.

Par exemple, le 14 octobre 1996, une fillette de 10 ans qui avait mis du vernis à ongles a été condamnée à l’amputation de ses doigts. On a même interdit les hôpitaux aux femmes, après leur avoir interdit de se faire soigner par un médecin homme.

En 1997, un médecin qui avait opéré une femme gravement brûlée, dans un hôpital de Kaboul, a eu les bras fracassés par les Taliban à coups de crosse de Kalashnikov et a dû finalement s’exiler. 

Deux femmes en train d’accoucher dans une clinique de Kaboul ont été violemment jetées dehors par les Taliban.

Les exemples sont innombrables d’actes horribles et inadmissibles perpétrés par les Taliban à l’encontre des femmes.

La répression touche aussi les hommes condamnés par les Taliban à porter une barbe longue et hirsute, à se raser le pubis (ce qu’ils contrôlent en les déculottant en public), à porter des vêtements traditionnels et à aller prier tous les jours dans les mosquées. Les gens sont licenciés de leur travail sous n’importe quel prétexte et, de toute façon, les salaires des fonctionnaires ne sont plus versés depuis l’entrée des Taliban à Kaboul.

En 1997, 80 % des médecins et chirurgiens employés dans les hôpitaux de Kaboul ont fui à l’étranger à cause des conditions de travail devenues insupportables : défense de soigner les femmes, quel que soit leur état, obligation de pratiquer l’amputation en public des condamnés pour vol.

Début 1998, 35.000 personnes ont été rassemblées de force dans le stade de Kaboul pour assister à l’amputation de deux personnes accusées d’avoir volé pour 200 $ de marchandises dans un magasin de Kaboul, et à la flagellation de deux jeunes gens qui ont reçu 100 coups de fouet chacun pour avoir eu des relations sexuelles.

Même cérémonie en mars 1998 quand on a exécuté à la mitraillette un assassin présumé, puis quinze jours plus tard quand deux autres assassins présumés ont été égorgés au couteau.

Depuis 1995, un certain nombre de lapidations de gens accusés d’adultère ont aussi eu lieu en public dans les zones contrôlées par les Taliban.

Les Taliban font passer tous ces actes barbares au nom de l’Islam, mais quand les Afghans leur démontrent que rien de tout cela n’est dans le Coran, ils se bornent à répondre que c’est leur politique.

Il s’agit pour les Taliban d’écraser toute aspiration au progrès et à la liberté, de punir et finalement de faire fuir tous les gens qui ont été sensibles aux courants démocratiques et libéraux qui ont influencé la capitale et les grandes villes afghanes depuis un siècle, et finalement d’empêcher tout espoir d’évolution chez les campagnards qui ont un mode de vie plus traditionnel.
 
 

II. REFERENCE AU PASSE
Cette situation de dictature obscurantiste s’imposant par la terreur au nom de l’Islam est unique dans le monde et dans l’histoire de l’Afghanistan. Le pays est connu depuis l’antiquité comme un carrefour des cultures védique, grecque, boudhiste, hindouiste et finalement musulmane. Les vestiges architecturaux du passé sont nombreux, de même que toutes les expressions littéraires et artistiques. Les femmes y ont toujours tenu une place importante, qu’elles aient été reines, mécènes, poétesses, artistes ou héroïnes épiques. Quelques uns des plus grands philosophes ou scientifiques mondialement connus en sont originaires, comme Avicenne.

Dès le siècle dernier, le pays a été sensible aux mouvement réformateurs et modernistes et s’est engagé sur la voie du progrès.

En 1924, on ouvrait les premiers lycées de filles et, quelques années plus tard, des jeunes filles partaient en Europe.

Les femmes acquirent ensuite le droit de vote et, en 1954, des femmes siégeaient au Parlement. Plus tard, certaines devinrent ministres. 

Dans les campagnes, les femmes avaient leur place dans les « Loya Djiija » ou Assemblées traditionnelles des villages, déterminant l’avenir de la communauté. Des écoles et lycées de garçons et de filles s’étaient ouverts dans tout l’Afghanistan. Partout les femmes avaient leur place dans la vie active.

Les Taliban sont en rupture totale avec tout ce qui fait le passé et la culture plusieurs fois millénaire de l’Aghanistan. A côté de leurs mesures mysogines et humiliantes visant à éliminer toute velléité de résistance, toute aspiration au progrès et à faire disparaître tous les intellectuels, ils s’attaquent à tout ce qui fait partie depuis toujours de la vie quotidienne, de la culture millénaire du pays, ainsi qu’à toute référence à la modernité :

La musique et le chant sont interdits

Dans tout le pays, ils font pourtant intimement partie de la vie quotidienne.

La peinture et le dessin sont interdits

Les miniaturistes, renommés depuis la Renaissance, et les peintres figuratifs s’exilent ou se cachent.

Les cinémas ont été fermés , les films brûlés, les télévisions et les vidéos (dénoncées par les Taliban comme « boîtes de Satan ») cassées, ainsi que les radios et les magnétophones ; les cassettes sont impitoyablement fracassées, déroulées et suspendues en trophées à l’entrée des villes. On supprime ainsi toute information et toute source de connaissance.

Les jeux sont interdits. Tous les genres de jeux ou de sports, traditionnels ou modernes, pour tout âge et de tout ordre, sont rigoureusement prescrits, malgré leur popularité dans toutes les couches de la société.

Les fêtes

Les fêtes traditionnelles sont supprimées. La fête du Nouvel-An elle-même, traditionnellement célébrée avec faste le 21 mars depuis plusieurs millénaires, a été interdite. Les Taliban viennent même de remplacer le calendrier solaire afghan par le calendrier lunaire arabe, changeant ainsi la date et le nom des mois de l’année pour les remplacer par la date et les mois arabes.

III. QUI SONT LES TALIBAN ?
Pendant la guerre contre l’occupation soviétique de l’Afghanistan, le Pakistan soutenait le parti fondamentaliste de la Résistance afghane, celui de Gulbudin Hekmatyar. Après le retrait de l’Armée Rouge, le Pakistan, désireux de vassaliser l’Afghanistan pour des raisons politiques de suprématie dans la région, et économiques d’accès aux nouveaux marchés et aux hydrocarbures d’Asie Centrale, décidait de continuer à jouer la carte Hekmatyar contre le nationaliste Massoud.
La carte Hekmatyar
Hekmatyar avait deux avantages aux yeux d’Islamabad : il était l’ennemi juré du patriote Massoud et il désirait diriger seul un Afghanistan uni au Pakistan sous la forme d’un « Marché commun » islamique.

Abondamment pourvu en munitions par Islamabad , Hekmatyar échoua pourtant à prendre Kaboul malgré un déluge de roquettes et la destruction de la capitale décidée par le Pakistan.

Cet échec, ainsi que l’implication de Hekmatyar dans l’attentat du World Trade Center de New-York en 1993, poussèrent Islamabad à le lacher et à jouer une autre carte susceptible d’empêcher l’installation à Kaboul d’un état souverain.

La carte Taleban
Pour remplacer Hekmatyar, les services secrets pakistanais créèrent alors de toute pièce un autre mouvement extrémiste, le mouvement des Taliban. Les Taliban sont des jeunes gens issus des écoles islamiques pakistanaises, principalement composés de Pashtouns, ethnie commune au sud de l’Afghanistan et à l’ouest du Pakistan. Leurs rangs sont grossis de chômeurs des régions du Pandjab ou du Sindh pakistanais et de mercenaires arabes, kurdes ou autres, tous payés 300 US $ par mois par le Gouvernement pakistanais.

Leur coloration d’extrémistes sunnites satisfait l’Arabie Saoudite, rivale politique de l’Iran chiite dans la région, et leur réputation « d’étudiants en religion vertueux » doit suffire, selon Islamabad, à les faire accepter par la population afghane. Leur but est de prendre le contrôle de l’Afghanistan pour le compte d’Islamabad, donc de chasser les dernières « têtes pensantes » et les derniers nationalistes du pays.

L’avancée des Taliban
Ils sont précédés d’une habile propagande pakistanaise et saoudienne, relayée par une minorité de collaborateurs afghans, liés à l’ancienne famille royale afghane. Ces derniers pensent revenir au pouvoir comme des dirigeants fantoches au service du Pakistan, grâce à la force de frappe des Taliban. Sans armée présente sur le terrain, mais eux-mêmes présents dans toutes les organisations internationales, ils pensent pouvoir légitimer au niveau mondial leur future accession au pouvoir. Cette propagande pakistano-saoudienne présente les Taliban comme des « envoyés de Dieu » venus réconcilier tous les Afghans au nom du Coran, et rétablir la paix et la sécurité dans un pays ravagé par 18 ans de guerre. Elle leur fait aussi une réputation d’honnêteté et de lutte contre la corruption.

Ils sont surtout abondamment pourvus en armes et en munitions par le Pakistan, encadrés par les officiers de l’armée pakistanaise et alimentés en dollars par l’Arabie Saoudite.

Cet équipement militaire est destiné à impressionner les forces du gouvernement central qui seraient insensibles à leurs soit-disant buts vertueux, ainsi que les commandants locaux refusant de les rallier sur leur bonne mine. Les dollars leur ont permis d’acheter la plupart des commandants locaux du sud afghan qui se sont ainsi ralliés à eux par appât du gain et non par idéologie.

Le vrai visage des Taliban
Une fois installés dans les régions qu’ils ont conquises, les Taliban montrent leur vrai visage. Ils sont bien une armée d’occupation et non pas de libérateurs puisqu’ils imposent par la force une série d’interdits et d’obligations qui n’ont jamais eu cours sur le sol afghan et qu’il reçoivent toutes leurs directives d’Islamabad. Ils se comportent en ennemis vainqueurs, se faisant craindre par leur brutalité, leur pillage des biens de gens qu’ils sont censés être venus défendre, leur racisme vis-à-vis des différentes ethnies coexistant depuis toujours sur le sol afghan et leur racisme linguistique vis-à-vis du persan qui est la langue véhiculaire du pays, la langue de culture depuis des millénaires. Contre cette langue, la seule légitime en Afghanistan, ils veulent imposer la langue d’une ethnie commune au sud de l’Afghanistan et à l’ouest du Pakistan. Ils veulent ainsi couper définitivement le pays de sa culture et de tout accès à la modernité, et s’imposer en perturbant les gens qui ne se comprendront plus.

Coupés de toute base populaire, les miliciens Taliban restent toujours entre eux, sans chercher à se faire accepter par une population qui les hait. Leur réputation d’honnêteté s’est effondrée devant la réalité de leurs actions de pillage et la sécurité qu’ils disaient apporter est en fait un sentiment d’insécurité permanent devant les coups qu’ils distribuent et les arrestations arbitraires qu’ils multiplient, ainsi que devant les enlèvements de filles qu’ils épousent de force pour les abandonner dès qu’ils changent de garnison.

La résistance aux Taliban
L’avancée des Taliban a vite été bloquée au nord de Kaboul. Devant leurs exactions, bombardements de villages, massacres de population, déportation de plus de 100.000 personnes, les gens se sont révoltés. Les femmes ont pris les armes et, aux côtés des hommes, ont repoussé les Taliban jusqu’à Kaboul.

Au centre du pays, craignant leur arrivée, des femmes se sont organisées en un groupe armé, prêtes à défendre leur région les armes à la main.

A Hirat, ville d’ethnie tarjike et de culture persane de l’ouest afghan, les femmes, soutenues par les hommes, ont fait plusieurs manifestations contre l’occupation de la ville par les Taliban, que ceux-ci ont réprimées dans le sang.

Dans les régions sud, où l’ethnie pashtoun prédomine et où les Taliban devraient donc être mieux acceptée, puisque beaucoup sont des Pashtouns, de multiples commandants qui les avaient ralliés, dégoûtés par leur comportement et leurs actions dans lesquelles ils ne se reconnaissant pas, sont en train de s’unir pour organiser une résistance.

Le 1/3 du pays reste sous le contrôle des forces de l’ancien gouvernement qui continuent de s’opposer à leur avancée.

Il est maintenant clair que les Taliban ne sont qu’une force de frappe au service des intérêts économiques et politiques du Pakistan et de l’Arabie Saoudite (rappelons qu’ils viennent de changer le nom de « République d’Afghanistan » en « Emirat Islamique d’Afghanistan ») et des intérêts d’une fraction de collaborateurs afghans opportunistes qui veulent faire passer les Taliban pour des gens honnêtes et respectables, de façon à les utiliser pour éliminer toute opposition et retrouver le pouvoir.

Cependant, la communauté internationale ne peut pas rester insensible à toutes les exactions commises par les Taliban dans toutes les régions qu’ils contrôlent et à la situation insupportable à laquelle ils réduisent la population du pays. Il est impossible, en cette fin du XXe siècle, de laisser une telle barbarie s’installer dans un pays qui fut le berceau et le lieu d’épanouissement de cultures raffinées, connues dans le monde entier. Il est du devoir de tout démocrate de dénoncer les atteintes aux droits de l’être humain et en particulier aux droits des femmes, absolument inadmissibles, commises par les Taliban. Il ne faut pas les laisser s’exprimer au nom de l’Islam, car de quel Islam s’agit-il ? Ni au nom de la sécurité, car ils ont apporté une insécurité totale.

Il est facile de soutenir la résistance de la population et de chasser les Taliban ; il suffit de leur couper tout soutien extérieur et là, comme toute armée étrangère au pays et à la population, ils s’effondreront d’eux-mêmes. Une action politique est donc nécessaire auprès des gouvernements pakistanais et arabes et de leurs commanditaires.

Avec leur départ, la population afghane retrouvera sa liberté, les femmes en particulier retrouveront leur dignité et leur droit à la vie, comme dans n’importe quel autre pays du monde.



SANCTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES 
source : http://www.finances.gouv.fr/pole_ecofin/international/sanctions/talibans.htm

Règlement (CE)N° 337/2000 du Conseil du 14 février 2000 concernant l’interdiction des vols et le gel des fonds et autres ressources financières décidés à l’encontre des Taliban d’Afghanistan "Ajout à l'annexe I du règlement 337/2000 du 14 février 2000, de la ADB (Agricultural Development Bank of Afghanistan")

Position commune du Conseil, du 24 janvier 2000, relative à l’Afghanistan - Journal officiel n° L 021 du 26/01/2000 p. 0001 – 0003
 

  Mise à jour :  novembre 2001
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