Coup d'état militaire au Pakistan le 12 octobre 1999


Articles de presse :
  • Le général Musharraf : un ancien commando à la carrière exemplaire (AFP, 15/10/99)
  • Le général Musharraf s'autoproclame chef de l'exécutif et décrète l'état d'urgence (AP, 15/10/99)
  • Le coup d'Etat au Pakistan inquiète la région Asie-Pacifique (AFP, 13/10/99)
  • Les militaires cachent leurs intentions (Reuters, 14/10/99)
  • Il y a un risque de guerre nucléaire (Le Parisien, 14/10/99)
  • les militaires tentent de trouver un cadre légal à leur putsch (Le Parisien, 14/10/99)
  • Ni sang ni émoi au Pakistan (Libération, 14/10/99)
  • Au Pakistan, le calme règne mais la communauté internationale s'inquiète  (Europe Infos, 14/10/99)
  • L'armée pakitanaise renverse Nawaz Sharif pour "mettre fin au désordre" (AFP, 13/10/99)
  • Le Pakistan pourrait être exclu du Commonwealth (AP, 13/10/99)
  • L'économie, principale ennemie de l'armée (Reuters, 13/10/99)
  • L'armée prend le pouvoir, Sharif en détention (Reuters, 13/10/99)
  • Coup d'Etat au Pakistan: les militaires ont agi ``en dernier recours'', selon le chef de l'armée (AP, 13/10/99)
  • Pakistan - Musharraf, un para vétéran de deux guerres (AP, 13/10/99)
  • Le général Musharraf: un ancien commando à la carrière exemplaire (AFP, 12/10/99)
  • Des experts américains craignent l'islamisation du Pakistan (AFP, 12/10/99)
  • La crise pakistanaise va bloquer les pourparlers avec l'Inde (Reuters, 12/10/99)
  • Pakistan: avertissement de Washington, inquiétude en Inde et dans le monde(AFP, 12/10/99)
  • Pakistan - L'armée indienne en état d'alerte (Reuters, 12/10/99)
  • Conflit Inde-Pakistan : essais nucléaires /Cachemire

    Liens vers d'autres sites internet :
    Gouvernement du Pakistan
    Pakistan Armed Forces - l'armée pakistanaise
    U.S. Library of Congress Country Study - Pakistan - Introduction au pays et aux forces armées
    Mission des nations unies au Pakistan
    Amnesty International USA: Pakistan
    Pakistan Human Rights Developments - Rapport de 1999 de Human Rights Watch

    Le coup d'Etat au Pakistan inquiète la région Asie-Pacifique (AFP, 13/10/99)
    Le coup d'Etat de l'armée pakistanaise suscite l'inquiétude dans la région Asie Pacifique avec la crainte d'un nouveau conflit entre le Pakistan et l'Inde, deux puissances nouvellement dotées de l'arme nucléaire. Toutes les bourses asiatiques se sont repliées suivant en cela l'exemple donné par Wall Street donnant ainsi un sens concret au pessimisme affiché par la plupart des dirigeants des pays de la région.Au premier rang de ces derniers, le Premier ministre indien qui s'est dit "gravement préoccupé" par la situation chez son voisin et ennemi tout en se déclarant prêt a discuter "avec toute institution au Pakistan"."Nous sommes prêts à discuter avec toute institution au Pakistan", a déclaré Atal Behari Vajpayee le jour même où il entamait un nouveau mandat de Premier ministre après sa victoire aux dernières élections.A l'issue d'une réunion d'urgence de son nouveau cabinet le Premier ministre indien a toutefois souligné que la "vigilance le long de la frontière (avec le Pakistan) a été intensifiée".Le chef de l'armée de l'air indienne, le général d'aviation A.Y. Tipnis, a indiqué que les forces indiennes, qui sont en état d'alerte maximum, surveillaient la situation et qu'il n'y avait "rien à craindre". Le dialogue indo-pakistanais est interrompu depuis plusieurs mois et, avant le renversement de M. Sharif mardi par l'armée pakistanaise, l'Inde insistait avant toute reprise des discussions pour que le Pakistan cesse le soutien qu'elle l'accuse d'apporter à une guérilla musulmane séparatiste meurtrière au Cachemire indien. Autre grand voisin, la Chine est également "trés préoccupée" par le renversement du pouvoir à Islamabad. Dans une bref communiqué les autorité de Pékin ont indiqué qu'elles "prenaient des renseignements supplémentaires". La Chine et le Pakistan sont considérés comme des alliés en raison des mauvaises relations que l'un et l'autre entretiennent avec l'Inde.Pékin est soupçonné par les Américains d'avoir fourni à Islamabad une grande partie de ses armements de pointe, notamment ceux ayant permis au Pakistan de réaliser un premier essai nucléaire en mai 1998, en réponse à un essai similaire effectué par l'Inde quelques jours plus tôt.Pékin avait très mal pris que l'Inde justifie cet essai par la nécessité de se protéger contre "la menace chinoise". Egalement "très préoccupé" par la crise du Pakistan, le gouvernement de Tokyo a appelé à une solution démocratique. "Le Japon (...) espère avec force que la crise va être résolue par un processus démocratique et constitutionnel", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Yohei Kono. En outre Tokyo a demandé avec insistance à ce que le Premier ministre pakistanais soit libéré de sa résidence où il été assigné par les putschistes.Le Japon était le principal pourvoyeur d'aide au Pakistan avant le gel de son énorme programme d'assistance à la suite d'une série de tests nucléaires menée par Islamabad en 1998. Seule l'aide humanitaire a été maintenue.Ce souci de retour rapide à la démocratie est partagé par l'Australie. Le ministre australien des affaires étrangères Alexander Downer a fait une déclaration en ce sens devant le parlement.La Thaïlande a souhaité que ce coup d'Etat ne bouleverse pas la stabilité de la région. La Corée du sud, le Vietnam, le Nepal et les Philippines ont tous fait état de leur inquiétude devant les événements d'Islamabad.La seule note d'indifférence est venue de l'Afghanistan en guerre. Kaboul considère en effet que le coup d'Etat "est une affaire intérieure au Pakistan" a déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères. "Ca n'aura pas d'effet négatif sur les relations bi-latérales", entre les deux pays, a-t-il ajouté.L'Indonésie, où l'armée joue un rôle prépondérant, n'avait de son côté fait aucun commentaire mercredi en fin de journée.

    Le général Musharraf : un ancien commando à la carrière exemplaire (AFP, 15/10/99)
    Le général Pervez Musharraf, qui a décrété l'état d'urgence et s'est attribué dans la nuit de jeudi à vendredi le pouvoir exécutif au Pakistan, deux jours après avoir renversé le Premier ministre Nawaz Sharif, assume désormais les pleins pouvoirs au Pakistan. Il avait renversé M. Sharif mardi soir, quelques heures après que ce dernier eut décidé de le limoger. Il avait été nommé chef de
    l'armée en octobre 1998 après une carrière exemplaire. Le général Musharraf, 58 ans, dont les différends avec M. Sharif -- notamment sur les récents développements au Cachemire -- ont alimenté les chroniques ces dernières semaines, a commencé sa carrière comme officier dans les forces spéciales (Special Service Group). Après sept ans dans les commandos, en 1964, il a servi dans l'artillerie avant de commander une brigade d'infanterie puis une division blindée d'artillerie. Il a aussi commandé une division d'infanterie. Le général Musharraf a participé à la guerre indo-pakistanaise de 1965 pendant laquelle il a gagné une solide réputation et quelques-unes des décorations les plus prestigieuses de son pays. Le général, qui est d'ailleurs un Mohadjir (un musulman ourdophone qui a quitté l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir au Pakistan) est diplômé de la prestigieuse école et faculté de commandement de Quetta (Balouchistan, ouest du pays) et de l'école de guerre du Collège national de Défense.
    Il a aussi suivi des cours dans des institutions militaires britanniques.
    Ce général portant fines lunettes et moustaches avait été nommé chef de l'armée de terre par Nawaz Sharif, en remplacement du
    général Jahangir Karamat, poussé par M. Sharif à la démission après avoir critiqué la politique du gouvernement et appelé à la
    création d'un Conseil National de Sécurité qui aurait regroupé des civils et des militaires pour conduire les affaires du pays.
    Le général Musharraf cumulait ces fonctions, depuis avril dernier, avec celles, plus honorifiques, de chef de l'état-major inter-armes.
    Il y a deux semaines, M. Sharif l'avait reconduit dans ces dernières fonctions en précisant qu'en agissant ainsi, il entendait "couper
    court" aux rumeurs faisant état de dissensions entre eux et de changement dans la haute hiérarchie militaire.
    La capitale pakistanaise en effet bruissait de rumeurs ces dernières semaines, selon lesquelles les dissensions entre les deux
    hommes étaient arrivées à un point de rupture, notamment après le retrait, ordonné par Nawaz Sharif, des combattants qui luttaient contre l'armée indienne dans le nord du Cachemire, alors que les deux pays étaient au bord d'une nouvelle guerre.
    Depuis la première semaine de mai de cette année, en effet, des séparatistes musulmans ont combattu l'armée indienne à Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire, pendant 10 semaines.
    Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la pression des Etats-Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée, qui soutient les
    séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
    Washington avait averti l'armée pakistanaise ces derniers jours que les Etats-Unis s'opposeraient à tout changement politique
    "inconstitutionnel" au Pakistan.

    Le général Musharraf s'autoproclame chef de l'exécutif et décrète l'état d'urgence (AP, 15/10/99)
    Deux jours après son coup d'Etat, le général Pervaiz Musharraf, ancien chef d'état-major de l'armée pakistanaise, s'est autoproclamé chef de l'exécutif et a décrété l'état d'urgence, rapporte dans la nuit de jeudi à vendredi l'agence officielle pakistanaise. Le général a également suspendu la constitution et procédé à la dissolution du parlement du pays, dont le siège avait auparavant été évacué par les forces de l'ordre. Quelques minutes à peine après cette annonce, on pouvait entendre les avions de combat survoler Islamabad. Précisant les intentions du nouvel homme fort du Pakistan, qui étaient restées confuses depuis le coup d'Etat, l'armée a rendu publique une ``proclamation de l'état d'urgence'': le texte précise que le président et le vice-président du Sénat sont suspendus, mais que le président en revanche reste à son poste. Selon ce texte, les droits fondamentaux ne sont pas suspendus et les tribunaux continueront à opérer normalement. Mais il semble clair qu'ils ne pourront contester la prise effective du pouvoir par le général Musharraf ni l'état d'urgence. Jeudi, les appels à la restauration d'un pouvoir civil s'étaient multipliés dans le monde entier. A Washington, la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright a estimé que ce coup d'Etat créait ``un fort niveau d'incertitude'' en Asie du Sud-Est.  Le général Musharraf a renversé mardi sans effusion de sang le Premier ministre Nawaz Sharif, faisant revenir sur le devant de la scène cette armée qui a gouverné le Pakistan pendant 25 des 52 années de son histoire. 

    Pressions sur Islamabad pour un retour à la démocratie (AP, 14/10/99)
    L'une des principales raisons ayant motivé les auteurs du putsch militaire qui a renversé le Premier ministre Nawaz Sharif est l'incapacité à redresser une économie pakistanaise en pleine déroute. Mais les bailleurs de fonds internationaux ne l'entendent pas de cette oreille et l'armée n'exclut plus désormais un retour à l'ordre constitutionnel. Le coup de semonce est venu du directeur du Fonds monétaire international (FMI) Michel Camdessus, qui a assuré qu'Islamabad ne percevrait aucun accompte sur le prêt de 1,6 milliard de dollars (9,6 milliards de FF; 1,47 milliard d'euros) qui lui a été consenti tant que la démocratie ne serait pas restaurée au Pakistan. Les pays et les banques commerciales qui avaient prévu de soutenir financièrement le Pakistan à hauteur de 7,7 milliards de dollars (46,4 milliards de FF; 7 milliards d'euros) pourraient bien emboîter le pas du FMI. Pour Gregory Kronsten, économiste de la Westdeutsche Landesbank à Londres, si les bailleurs de fonds lâchent le Pakistan, les conséquences pour son économie seraient graves. Le nouveau pouvoir doit ``présenter prochainement quelque chose d'acceptable au FMI'', a-t-il déclaré à l'Associated Press. Les spécialistes estiment qu'une suspension de l'aide financière placerait le Pakistan dans l'incapacité de rembourser les 32 milliards de dollards (193,1 milliards de FF; 29,4 milliards d'euros) de sa dette extérieure. 
    La bourse de Karachi, qui rouvrait jeudi pour la première fois depuis le coup d'Etat, a plongé de 7,36%. Afin d'éviter toute spéculation monétaire, les autorités de la banque centrale pakistanaise ont ordonné la suspension jusqu'au 20 octobre des activités de change. Les pressions internationales sur le nouveau pouvoir sont également politiques. Les Etats-Unis, partenaires de longue date du Pakistan, ont exigé un retour rapide du pouvoir civil et Bill Clinton a chargé à son ambassadeur à Islamabad de transmettre le fond de sa pensée aux autorités militaires ``et connaître leurs intentions''. Meneur du putsch, le général Pervaiz Musharraf travaille à un retour à l'ordre constitutionnel, affirmait-on en tout cas jeudi à Islamabad. Le porte-parole de la présidence Irfan Siddiqi a ainsi indiqué que l'auteur du coup d'Etat s'efforçait de trouver les moyens de ``restaurer la démocratie constitutionnelle'', un objectif que partage, a-t-il précisé, le président conservateur Rafiq Tarar. Depuis mardi, le général Musharraf passe paraît-il le plus clair de son temps à rencontrer des personnalités politiques passées et présentes, dont M. Tarar. Il reste que les activités de l'armée ne laissent présager pour l'instant aucune évolution favorable. Des soldats ont ainsi fait évacuer le
    siège du Parlement, à la veille de la première réunion des députés depuis le coup d'Etat. Les militaires ont demandé au personnel religieux et à quelques élus qui travaillaient dans leurs bureaux de quitter le bâtiment, ne leur donnant aucune explication, ont raconté des témoins. Avant le renversement de Nawaz Sharif, les membres du Parlement
    avaient prévu de se réunir vendredi. 

    Les militaires cachent leurs intentions* (Reuters, 14/10/99)
    Deux jours après le coup d'Etat, les militaires pakistanais n'ont toujours pas fait connaître leurs intentions malgré les appels de plus en plus pressants des drigeants occidentaux en faveur de la démocratie. La seule intervention du porte-parole de l'armée a été pour déclarer à l'agence de presse officielle APP que "la démocratie est intacte". Sans explication, l'armée a fait évacuer jeudi matin le parlement d'Islamabad et a pris position autour du bâtiment. Selon les médias pakistanais, le Premier ministre Nawaz Sharif, qui est en résidence surveillée depuis qu'il a été déposé, mardi, sans effusion de sang, a été transféré à Lahore, sa ville natale et capitale du Pendjab. * L'information n'a pas été confirmée par les militaires mais, selon une source proche de la famille, il a discuté jeudi de la situation politique avec son père, Mohammad Sharif, dans la maison familiale de Raiwind, près de Lahore. A Karachi, la police a dispersé une manifestation de partisans de l'ancien régime. Selon des témoins, plus d'une dizaine de
    personnes ont été arrêtées. Une autre manifestation a eu lieu à Lahore. Aucun incident n'a été signalé. Le silence des militaires a fait courir des rumeurs de loi martiale à la Bourse de Karachi. Le principal indice a perdu jusqu'à neuf pour cent avant de reprendre un peu de terrain et de clôturer la première partie de la séance sur une baisse de 5,85%. La Banque centrale a ordonné à tous les changeurs de devises de suspendre leurs activités jusqu'au 20 octobre. Elle a également pris des mesures pour réduire les opérations monétaires avec l'étranger. Dans le vide politique qui s'instaure, l'ancien président Farooq Leghari s'est prononcé pour la formation d'un gouvermenent provisoire chargé de "nettoyer" le pays de la corruption et d'organiser des élections. Le chef du parti fondamentaliste Lashkar-e-Taiba a réclamé l'instauration de la loi islamique car, a-t-il dit, "la solution aux problèmes du pays ne viendra ni dela démocratie, ni de la loi martiale". 

    Les Occidentaux inquiets 
    De Londres où elle vit en exil, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto a fait savoir qu'elle essayait d'entrer en contact avec les
    auteurs du coup d'état. "J'essaie d'obtenir l'assurance que je bénéficierai de la liberté de mouvement à mon retour. J'espère rentrer au Pakistan dans une semaine ou dix jours", a-t-elle dit. Le jour du coup d'Etat, Benazir Bhutto, avait déclaré que le général Pervez Musharraf, chef d'état-major dont le limogeage a déclenché le putsch, était un "modéré" et "un soldat professionnel très courageux" qui n'avait rien d'un "intégriste". "Beaucoup de Pakistanais comprennent" le coup d'Etat parce que "nous avions un dictateur civil à la tête du pays", avait-elle ajouté.L'inquiétude n'en est pas moins grande à l'étranger parce que le Pakistan possède l'arme nucléaire et parce que ses relations avec l'Inde, qui en est elle aussi dotée, sont en permanence à la limite du conflit armé. 
    Le secrétaire-général de l'Onu, Kofi Annan, a exhorté les militaires pakistanais "à essayer de revenir à un gouvernement civil dès que possible". 
    La France a annoncé qu'elle avait pris des "mesures conservatoires". "Tout le monde apprécie la crise en tenant compte des
    capacités nucléaires dévoilées du Pakistan", a expliqué le ministère dela Défense. "Nous avons un souci des équilibres dans cette
    région et les dangers se sont accrus". 
    Mercredi, Bill Clinton avait jugé qu'il "serait dans l'intérêt du Pakistan que le régime civil et la démocratie soit promptement
    restaurés". 
    "Je pense que la situation est très tendue", avait dit le secrétaire à la Défense, William Cohen. "Nous devons être très prudents
    dans la façon dont nous gérons cette affaire". 
    A Londres, le Commonwealth a annoncé qu'il avait interdit à la junte militaire de participer à ses sommets et qu'une réunion
    extraordinaire aurait lieu lundi pour évoquer la situation à Islamabad. /JPC/NCD 

    L'armée pakitanaise renverse Nawaz Sharif pour "mettre fin au désordre" (AFP, 13/10/99)
    Le gouvernement de Nawaz Sharif a été destitué mardi par l'armée pakistanaise qui est intervenue, selon son chef, le général Pervez Musharraf, pour mettre fin à "l'incertitude et au désordre" dans le pays.Le chef de l'armée, qui avait été démis de ses fonctions mardi après-midi par M. Sharif, n'a toutefois pas évoqué le rôle et l'action futurs des forces armées au cours d'une allocution télévisée aux première heures de mercredi.Le général Musharraf a déclaré dans une allocution à la TV pakistanaise mercredi matin que les "politiques égoïstes" poursuivies par le gouvernement de M. Sharif ont "ébranlé les fondations mêmes du Pakistan".Il a aussi accusé le gouvernement de M. Sharif, qui avait été installé en février 1997, d'avoir détruit l'économie pakistanaise et d'avoir conduit le pays à la faillite.Les forces armées, a-t-il ajouté, dans sa déclaration diffusée à 03H00 locales (mardi à 22H00 GMT), ont été confrontées à la "clameur publique incessante pour remédier à cette situation de déclin rapide venant de tous les côtés de l'échiquier politique".Le général Musharraf a aussi affirmé qu'en dépit de ses conseils, le gouvernement avait "tenté d'interférer avec les forces armées, la seule institution restée viable", a-t-il ajouté en accusant M. Sharif d'avoir voulu "politiser et destabiliser" l'armée en tentant de "créer des dissensions" en son sein. Selon des sources militaires, Nawaz Sharif, son frère Shahbaz Sharif, chef du gouvernement de la province du Penjab, ainsi que plusieurs ministres, ont été placés "sous la grade de l'armée" dans la résidence officielle du Premier ministre à Islamabad, encerclée par des militaires en début de soirée.
    Ces sources ont ajouté que les gouvernements des provinces pakistanaises (Penjab, Sindh, Balouchistan, et Nord-Ouest) ont
    eux-aussi été destitués, alors que le Parlement -- Assemblée nationale et Sénat -- est toujours en place. L'armée a déployé dans la soirée des troupes devant la télévision et les principaux bâtiments du gouvernement dans la capitale, ainsi qu'aux points stratégiques de plusieurs villes du pays tout en prenant le contrôle des aéroports.Nawaz Sharif avait décidé dans l'après-midi de remplacer le général Musharraf par le lieutenant-général Khawaja Ziauddin, qui était jusqu'à présent le chef de la puissante ISI (Inter-Service Intelligence), les services secrets de l'armée. Ce derrnier a été placé en détention par les militaires, ont annoncé des sources militaires.L'annonce officielle de la mise à la retraite du général Musharraf n'en n'avait pas expliqué les raisons, mais la presse pakistanaise a fait état ces dernières semaines de désaccords persistants entre les deux hommes, sur nombres de problèmes.
    M. Sharif est allé de crise en crise depuis sa victoire écrasante aux élections de février 1997 provoquées après la destitution en
    novembre 1998 de sa rivale de toujours, Bénazir Bhutto.
    Deux ans et demi plus tard, les faits sont là: la dette pakistanaise est toujours aussi écrasante (plus de 32 milliards de dollars), le
    chômage continue de croître et l'inflation ne ralentit pas.
    Mais les deux hommes se sont sans doute opposés principalement à propos du Cachemire, une région himalayenne que le
    Pakistan et l'Inde, nouvelles puissances nucléaires depuis 1998, se disputent depuis plus de cinquante ans.
    La première semaine du mois de mai de cette année, des combattants séparatistes musulmans sont accrochés par l'armée
    indienne sur les hauteurs de Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire.
    Pendant 10 semaines, de violents combats opposent les deux forces faisant plusieurs centaines de morts et amènent les deux
    pays au bord de leur quatrième guerre depuis la partition du sous-continent en 1947.
    Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la pression des Etats Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée, qui soutient les
    séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
    Le général Musharraf qui est un Mohadjir (musulman ourdophone qui a quitté l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir au
    Pakistan) a, d'ailleurs dans son allocution mis en garde l'Inde sans la nommer, de ne pas exploiter la situation actuelle.
    "Ne laissons aucunes forces extérieures penser qu'elles peuvent exploiter la situation actuelle", a-t-il prévenu. "Nous préserverons
    l'intégrité, la souveraineté de notre pays jusqu'à la dernière goutte de notrer sang".
    L'armée pakistanaise, forte d'un demi-million d'hommes, a toujours joué un rôle important dans la vie politique pakistanaise, même si elle se tenait dans une position plus effacée depuis la fin de la dictature militaire du général Zia-ul Haq en 1988.

    Le Pakistan pourrait être exclu du Commonwealth (AP, 13/10/99)
    Le Canada travaillera de concert avec d'autres nations membres du Commonwealth afin de déterminer si le Pakistan devrait être exclu de ce regroupement d'anciennes colonies britanniques, a déclaré mardi à Ottawa le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy. Le secrétaire général du Commonwealth a émis un communiqué dans lequel il laisse entendre que le Pakistan pourrait être mis à l'écart de l'organisation à la suite du coup d'Etat survenu mardi dans ce pays, a précisé M. Axworthy, qui a qualifié la situation de ``crise sérieuse''. Toutefois, avant qu'il ne soit davantage informé de la situation au Pakistan, le ministre a refusé de préciser les mesures que pourrait prendre le Canada. ``D'autres formes de réaction'' pourraient être décidées, parmi lesquelles des sanctions économiques, s'est contenté de dire le ministre. ``Je ne crois pas que nous devrions prêter à des gens qui ont des coups d'Etat militaires ou des dictatures militaires. Nous avons de nombreux programmes de développement et d'aide en place'', a-t-il déclaré. ``Le Pakistan est certainement très sensible aux institutions financières internationales'', a ajouté le ministre. Les décisions prises par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pourraient ``avoir une portée réelle sur le fait de rétablir ou non la démocratie''. 

    L'économie, principale ennemie de l'armée (Reuters, 13/10/99)
    Au nom de la stabilité, l'armée a de nouveau pris le pouvoir au Pakistan mais les réalités économiques risquent de faire tourner court toute tentative d'établir un régime militaire à long terme. Le Pakistan a passé la moitié de ses 52 années d'indépendance sous la férule des militaires mais cette fois, ils n'ont donné aucune précision sur leurs intentions et - fait révélateur - ils n'ont toujours pas dissous le parlement. Le général Pervez Musharraf, qui a conduit le putsch de mardi contre le Premier ministre, Nawaz Sharif, a annoncé mercredi matin qu'il ferait rapidement une déclaration de politique. Mais déjà, en plus de l'avenir de la démocratie pakistanaise, ce sont des milliards de dollars de prêts internationaux qui sont en jeu. Le Pakistan avait récemment réussi à persuader plusieurs banques internationales de renouveler leurs prêts d'un montant de 877 millions de dollars. Ces accords n'ayant pas été formalisés, ils pourraient facilement être gelés, voire annulés, estiment les analystes. Le versement de la troisième tranche d'un prêt de 1,56 milliard de dollars par le Fonds monétaire international (FMI) est également remis en question. Même avant le coup d'Etat de mardi, le troisième paiement était sujet à caution. Pour les économistes, dans et hors Pakistan, les militaires ne sont pas vraiment aptes à sortir le pays d'une crise économique aigue malgré les promesses de Musharaf. 

    Elections anticipées? 
    Dans son discours de mercredi matin, le nouvel homme fort du Pakistan a reconnu que l'économie était "au bord de l'effondrement".
    Il a expliqué que l'armée, "ultime recours", était intervenue pour mettre fin "aux troubles et à l'incertitude" et pour empêcher que la
    situation ne se détériore un peu plus. En plus des questions économiques, l'armée devra tenter de mettre fin à une vague de violences ethniques qui a coûté la vie à une vingtaine de personnes en un mois et répondre aux demandes d'élections de l'opposition. Depuis son exil londonien, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto a exigé la tenue d'élections "libres et équitables" dans les trois mois. "J'ai peur que (si le scrutin n'est pas organisé rapidement), le chaos économique ne grandisse et avec lui les menaces contre l'intégrité territoriale pakistanaise (de l'Inde)", a-t-elle déclaré. De son côté, l'ancien chef d'état-major de l'armée pakistanaise, Aslam Baig, a annoncé que le général Musharraf s'apprêtait à mettre en place un gouvernement intérimaire qui devrait rester au pouvoir deux ans. Contrairement aux coups d'Etat de 1958, 1969 et 1977, Musharraf n'a pas instauré la loi martiale, qui implique la dissolution automatique du parlement et la suspension de la constitution. Sharif pourrait choisir de régler la situation devant les tribunaux, estiment les politologues. Il est coutumier du fait. En 1993, il avait contesté son limogeage par le président Ghulam Ishaq Khan et avait été replacé à la tête du pays par décision de la cour suprême. L'armée devrait éprouver quelques difficultés à faire approuver à la cour suprême la destitution de Sharif, alors que la constitution ne reconnaît pas la légalité des putschs militaires. Cependant, Musharraf devrait pouvoir compter sur une partie de l'opposition qui a renforcé sa campagne anti-Sharif au cours des derniers mois. 

    L'armée prend le pouvoir, Sharif en détention (Reuters, 13/10/99)
    Le général Pervez Musharraf a assuré mercredi matin que le calme régnait au Pakistan au lendemain de la destitution du Premier ministre, Nawaz Sharif. Douze heures après avoir été limogé de son poste de chef des armées, le nouvel homme fort du Pakistan a expliqué que l'armée avait été contrainte d'agir pour mettre fin aux "troubles et à l'incertitude". Sharif, son frère Shahbaz, gouverneur du Pendjab, et le chef des services de renseignements, le général Ziauddin, ont été placés en "détention afin d'être protégés", a annoncé un porte-parole de l'armée. Les troupes pakistanaises ont pris le contrôle des principaux aéroports du pays, des bâtiments administratifs et des télévisions. L'armée a également pris position autour de la résidence du Premier ministre déchu et de certains ministres. Après le choc de l'annonce du putsch, quelques centaines de Pakistanais sont descendus dans les rues d'Islamabad et d'autres grandes villes du pays. Les défilés ont pris fin sans incident. A Karachi, la capitale économique du Pakistan, soldats et forces paramilitaires patrouillaient dans la nuit de mardi à mercredi. "Je vous informe que les forces armées ont été contraintes d'agir en dernier recours, afin d'empêcher toute détérioration de la situation", a déclaré le général Musharraf dans un discours retransmis mercredi matin par la télévision nationale. 

    Sharif, déstabilisateur? 
    "Pour l'instant, je ne souhaite pas faire un grand discours d'intention politique (...) Je veux juste vous dire que la situation est
    parfaitement calme, stable et contrôlée", a-t-il souligné. "Malgré tous mes conseils, (le gouvernement) a tenté de politiser et de déstabiliser l'armée (...), la dernière institution digne de ce nom, dont vous êtes si fiers", a ajouté le général pakistanais. 
    Musharraf n'a donné aucune précision sur ses intentions ou sur le rôle futur de l'armée. Le Pakistan a passé près de la moitié de
    son indépendance, il y a 52 ans, sous la férule des militaires. Il a appris son limogeage alors qu'il rentrait d'un déplacement au Sri Lanka. "Mon avion n'a pas été autorisé à se poser à Karachi et a reçu l'ordre de se rendre hors du Pakistan". "Grâce à Allah, ce sombre dessein a pu être déjoué grâce à une intervention rapide de l'armée", a expliqué Musharaf, qui avait été nommé chef d'état-major il y a tout juste un an. Sharif n'a donné aucune raison pour le limogeage soudain du chef des armées. La tension régnait entre le Premier ministre et l'état major depuis qu'il avait ordonné, sous la pression de Washington, le retrait des rebelles pro-pakistanais de la partie indienne du Cachemire. 

    Conséquences financières 
    L'Inde a placé ses forces armées en état d'alerte maximale à l'annonce du coup d'Etat. Les deux voisins du sous-continent, qui se
    sont déjà livrés trois guerres depuis leur accession à l'indépendance, disposent de l'arme nucléaire. Depuis son exil londonien, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto a imputé la responsabilité du putsch à Sharif, coupable selon elle d'avoir voulu politiser l'armée qui s'est retournée contre lui. Si des élections équitables et transparentes sont organisées rapidement, Benazir Bhutto a annoncé qu'elle souhaitait rentrer au Pakistan. Les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils suivaient la situation de près. S'il s'avère qu'il s'agit bien d'un coup d'Etat, il n'est pas possible de continuer à traiter avec le Pakistan "comme si de rien n'était", a déclaré le porte-parole du département d'Etat. A Londres, le chef de la diplomatie britannique, Robin Cook, s'est dit "très inquiet". De son côté, le ministre des Affaires étrangères canadien, Lloyd Axworthy, a laissé entendre que le coup d'Etat pourrait aboutir sur l'éviction du Pakistan du Commonwealth. Pour les analystes, ce coup d'Etat pourrait priver le Pakistan de nombreux financements internationaux, acquis de haute lutte cet été. Le Fonds monétaire international (FMI) a fait savoir qu'il étudierait les conséquences du putsch sur son dernier prêt de 1,5 milliard de dollars.

    Coup d'Etat au Pakistan: les militaires ont agi ``en dernier recours'', selon le chef de l'armée (AP, 13/10/99)
    Les militaires qui ont renversé mardi le gouvernement du Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif ont agi en ``dernier recours'' pour éviter une ``nouvelle destabilisation'' du pays, a affirmé le général Pervaiz Musharraf, chef d'état-major de l'armée.  Le coup d'Etat militaire s'est produit quelques heures après l'annonce du limogeage du chef des armées par M. Sharif, à présent retenu prisonnier dans sa résidence officielle. Les militaires ont pris le contrôle des médias officiels, des bâtiments gouvernementaux et de plusieurs aéroports, dont celui d'Islamabad. Dans sa première et brève allocution mardi soir, à la télévision et à la radio, le général Musharraf a déclaré qu'il allait faire ``très prochainement'' une déclaration de politique générale, sans autres précisions. Les institutions du pays ont été ``systématiquement détruites'' par le gouvernement Sharif, ``l'économie est en train de s'effondrer'',
    selon le général Musharraf. Les forces armées, a-t-il affirmé, ont répondu à la ``demande pressante de l'opinion de rémédier à la
    situation qui se détériorait rapidement''. Lançant apparemment un avertissement au voisin et rival indien, le chef de l'armée pakistanaise a souligné qu'''aucune force extérieure'' ne devait tenter de profiter de ``la situation actuelle au Pakistan (...) Nous préserverons l'intégrité et la souveraineté de notre pays jusqu'à la dernière goutte de sang'', a-t-il dit. 

    Pakistan - Musharraf, un para vétéran de deux guerres (AP, 13/10/99)
    L'officier supérieur qui a renversé mardi le Premier ministre Nawaz Sharif est un commando parachutiste qui s'est distingué dans deux guerres contre l'Inde. Né à New Delhi en août 1943, Perveiz Musharraf a fait ses études secondaires à Karachi après avoir émigré au Pakistan avec sa famille. Il est entré dans l'armée pakistanaise en 1964 et a servi dans un régiment d'artillerie après avoir été formé à l'académie militaire de Kakul, dans la province de la Frontière Nord-Ouest. En 1965, il a combattu l'armée indienne dans le secteur de Khem Karan, dans le Pendjab, lors de la guerre de 16 jours qui a opposé les deux pays. Il a été décoré pour sa bravoure. Lors du conflit de 1971, Musharraf, qui avait subi entretemps une formation de commando, a combattu dans les services spéciaux, une unité d'élite. Il a ensuite gravi tous les échelons, commandant des divisions blindées et des brigades d'infanterie, avant d'être nommé lieutenant-général. En 1995, il était chef des forces armées à Mangla (Pendjab), une importante garnison proche de la frontière indienne. Il a été nommé chef d'état-major en octobre 1998 à la suite de la démission du général Jehangir Karamat, qui avait critiqué Sharif. Musharraf a un fils et une fille. 

    Le général Musharraf: un ancien commando à la carrière exemplaire (AFP, 12/10/99)
    Le général Pervez Musharraf, qui a renversé le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif mardi soir, quelques heures après que ce dernier eut décidé de le limoger, a été nommé chef de l'armée en octobre 1998 après une carrière exemplaire.Le général Musharraf, 58 ans, dont les différends avec M. Sharif -- notamment sur les récents développements au Cachemire -- ont
    alimenté les chroniques ces dernières semaines, a commencé sa carrière comme officier dans les forces spéciales (Special service group).Après sept ans dans les commandos, en 1964, il a servi dans l'artillerie avant de commander une brigade d'infanterie puis une division blindée d'artillerie. Il a aussi commandé une division d'infanterie.Le général Musharraf a participé à la guerre indo-pakistanaise de 1965 pendant laquelle il a gagné une solide réputation et quelques-unes des décorations les plus prestigieuses de son pays.Le général, qui est d'ailleurs un Mohadjir (un musulman ourdophone qui a quitté l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir au Pakistan) est diplômé de la prestigieuse école et faculté de commandement de Quetta (Balouchistan, ouest du pays) et de l'école de guerre du Collège National de Défense.
    Il a aussi suivi des cours dans des institutions militaires britanniques.
    Ce général portant fines lunettes et moustaches avait été nommé chef de l'armée de terre par Nawaz Sharif, en remplacement du
    général Jahangir Karamat, poussé par M. Sharif à la démission après avoir critiqué la politique du gouvernement et appelé à la
    création d'un Conseil National de Sécurité qui aurait regroupé des civils et des militaires pour conduire les affaires du pays.
    Le général Musharraf cumulait ces fonctions, depuis avril dernier, avec celles, plus honorifiques, de chef de l'état-major inter-armes.
    Il y a deux semaines, M. Sharif l'avait reconduit dans ces dernières fonctions en précisant qu'en agissant ainsi, il entendait "couper
    court" aux rumeurs faisant état de dissensions entre eux et de changement dans la haute hiérarchie militaire.
    La capitale pakistanaise en effet bruissait de rumeurs ces dernières semaines, selon lesquelles les dissensions entre les deux
    hommes étaient arrivées à un point de rupture, notamment après le retrait, ordonné par Nawaz Sharif, des combattants qui luttaient contre l'armée indienne dans le nord du Cachemire, alors que les deux pays étaient au bord d'une nouvelle guerre.
    Depuis la première semaine de mai de cette année, en effet, des séparatistes musulmans ont combattu l'armée indienne à Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire, pendant 10 semaines. Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la pression des Etats-Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée, qui soutient les séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
    Washington avait averti l'armée pakistanaise ces derniers jours que les Etats-Unis s'opposeraient à tout changement politique
    "inconstitutionnel" au Pakistan.

    Des experts américains craignent l'islamisation du Pakistan (AFP, 12/10/99)
    La propagation de l'intégrisme musulman au sein de l'armée du Pakistan pourrait être l'un des moteurs du coup d'Etat qui a lieu mardi dans ce pays, estiment des experts aux Etats-Unis."Il y a ce que l'on pourrait appeler une +talibanisation+ au sein de l'armée, et même de la société tout entière", explique Deepa Ollapally, spécialiste de l'Asie du Sud à l'Institut Américain pour la Paix, à Washington, en faisant allusion au pouvoir intégriste des talibans à Kaboul. Selon elle, "le pire des scénarios" serait à présent que les militaires qui ont renversé le Premier ministre Nawaz Sharif "tentent d'arborer un visage plus militant et plus islamique" afin de "gagner en crédibilité et en légitimité". "La question est de savoir ce qu'il vont faire à partir de là", a-t-elle dit en notant que les militaires "se nourrissent des réminiscences de la guerre en Afghanistan".Pour Mme Vidyaamali Samarasinghe, professeur de relations internationales, spécialiste de l'Asie à l'American University de Washington, "les factions fondamentalistes au sein de l'armée sont devenues très puissantes". "Ce sont ces forces qui ont poussé le gouvernement de Nawaz Sharif à se lancer dans les dernières opérations au Cachemire",a-t-elle estimé. "L'élément islamique au sein de l'armée est sans aucun doute plus important qu'il ne l'était dans le passé", confirme Teresita Schaffer, directeur de recherches pour Asie du Sud-Est au Centre des Etudes Stratégiques et Internationales de Washington (CSIS). Mais, selon elle, "l'important est de savoir quel rôle la droite islamique va jouer dans les prochains jours. Si la Charia (ndlr: la loi islamique) prend de plus en plus d'importance, c'est une évolution inquiétante que l'on ne peut exclure à ce stade", affirme Mme Schaffer. Le gouvernement de M. Sharif a récemment concédé que des étudiants en religion pakistanais avaient combattu en Afghanistan aux côtés des taliban contre le front uni de l'opposition et les forces loyales au commandant Ahmed Shah Massoud. "Cette +talibanisation+ est possible", estime également Shirin Tahir-Khely, du département de politique étrangère de l'Université John Hopkins à Washington. Selon elle, "le Pakistan a toujours eu des franges de sa population qui pactisaient avec les musulmans intégristes. Mais ce qui est nouveau, c'est que les institutions aient encouragé ce phénomène". "L'armée est désormais exposé au fondamentalisme et pour la première fois, un chef d'état-major (ndlr: le général Musharraf) n'a pas suivi sa formation à l'ouest, dans les écoles militaires américaines, comme ses prédécesseurs", a-t-elle souligné. Autre élement pris en compte par les experts: la volonté des militaire de "laver l'affront" essuyé par leur pays au Cachemire face à l'Inde durant la dernière escalade dans cette région entre mai et août.
    Selon le Dr Ollapally, "pour la première fois, l'armée parait fractionnée", certains militaires réclamant "une politique plus forte contre l'Inde". Enfin, les experts s'accordent à penser que la situation critique de l'économie pakistanaise constitue un facteur d'instabilité de premier plan. "L'économie s'écroule, de même que les institutions politiques. Nous assistons à un effondrement de la loi et de l'ordre", conclut Mme Tahir-Khelys.

    La crise pakistanaise va bloquer les pourparlers avec l'Inde (Reuters, 12/10/99)
    Le coup d'Etat militaire au Pakistan risque d'empêcher la reprise des pourparlers de paix avec l'Inde, qui va devoir renforcer la sécurité aux frontières avec son voisin, estiment mardi plusieurs observateurs à New Delhi. Les deux frère ennemis du sous-continent indien, qui se sont déjà livrés trois guerres, ont failli entrer en conflit cet été dans la partie indienne du Cachemire où se sont infiltrés des séparatistes venus du Pakistan. "Il n'est pas question de reprendre le processus (de paix) de Lahore dans ce genre de situation", estime ainsi J.N. Dixit, ancien secrétaire indien aux Affaires étrangères. Le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif et son homologue indien, Atal Behari Vajpayye, s'étaient mis d'accord en février dernier à Lahore, au Pakistan, pour intensifier les initiatives en vue du règlement de leurs contentieux. "Nous devons être en alerte sur la ligne de contrôle (au Cachemire) et une alerte générale devrait être décidée sur toutes nos frontières", ajoute Dixit. Cependant, Kuldip Nayar, un analyste reconnu membre de la chambre haute du parlement indien, pense que la destitution du gouvernement de Sharif ne menace pas l'Inde. Il estime en outre qu'un régime militaire au Pakistan aura des difficultés à être reconnu par la communauté internationale, en particulier par les Etats-Unis.

    Pakistan: avertissement de Washington, inquiétude en Inde et dans le monde (AFP, 12/10/99)
    Les Etats-Unis ont demandé mardi que la constitution pakistanaise soit "respectée", alors que l'Inde et plusieurs pays européens faisaient part de leur inquiétude après la tentative de coup d'Etat militaire au Pakistan."Nous pensons que la constitution pakistanaise doit être respectée non seulement dans sa lettre mais dans son esprit", a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain, James Rubin.L'armée pakistanaise a pris mardi le contrôle de nombreux points stratégiques, et limogé le Premier ministre Nawaz Sharif deux heures après qu'il eut démis le général Pervez Musharraf de ses fonctions de chef des forces armées. Le gouvernement a été destitué, a annoncé la télévision d'Etat.Nawaz Sharif, est "sous la garde de l'armée pour sa protection", a par ailleurs indiqué une source militaire à Islamabad. "Si cela devait être un coup d'Etat, nous rechercherions le rétablissement de la démocratie au plus vite", a ajouté M. Rubin.L'Inde, voisin et ennemi du Pakistan, a dit sa "grave inquiétude". "Les informations en provenance du Pakistan provoquent une grave inquiétude et nous suivons la situation de près", a déclaré mardi soir un porte-parole du Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee. "Toutes les forces armées, l'armée, l'aviation et la marine, sont en état d'alerte maximum", a déclaré un haut responsable militaire indien.La Maison Blanche a mis en garde l'Inde contre toute tentation de profiter de la crise actuelle au Pakistan. "Nous serions préoccupés si quiconque tentait de tirer avantage de l'incertitude de la situation" a déclaré le porte-parole présidentiel Joe Lockhart. Ottawa a annoncé mardi la suspension provisoire des visites de responsables gouvernementaux canadiens au Pakistan. Cette décision a été prise "dans l'attente d'une clarification de la situation", a indiqué un porte-parole du ministère canadien des Affaires étrangères, sans préciser le nombre de missions ainsi suspendues.La France a qualifié les informations sur la situation au Pakistan de "préoccupantes" car "le fonctionnement régulier des institutions ne semble plus assuré". "Nous suivons la situation avec la plus grande attention", a ajouté un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.Le gouvernement allemand, de son côté, a "exhorté les responsables à respecter l'ordre constitutionnel et à ne pas recourir à la violence à l'encontre des organes constitutionnels en place", a indiqué mardi soir le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Andreas Michaelis. Le Foreign Office a recommandé aux ressortissants britanniques actuellement au Pakistan de garder "un profil bas" dans l'attente de l'évolution de la situation dans ce pays. Les Etats-Unis ont également recommandé la prudence à leurs quelque 4.200 ressortissants sur place, leur conseillant notamment d'éviter de sortir de chez eux, sauf raison impérative. L'Iran a indiqué suivre avec "attention et inquiétude" l'évolution de la situation au Pakistan. "Nous espérons que la paix et la sécurité seront bientôt rétablies", a indiqué le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Hamid-Reza Assefi, cité par la télévision d'Etat. L'Iran et le Pakistan, pays voisins, entretiennent des relations difficiles depuis l'arrivée au pouvoir à Kaboul de la milice intégriste des taliban en 1996. L'Iran, qui soutient l'opposition afghane, accuse le Pakistan de soutenir les taliban. Les investisseurs, déjà particulièrement échaudés par des avertissements de baisse de bénéfice de grandes sociétés, ont été un peu plus inquiets en raison de cette crise et le principal indice de Wall Street a baissé de 2,17% mardi.

    Pakistan - L'armée indienne en état d'alerte (Reuters, 12/10/99)
    Les forces armées indiennes ont été placées en état d'alerte mardi après l'annonce du renversement du gouvernement du Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, rapporte l'agence Press Trust of India (PTI). "Les trois corps des forces armées sont en alerte maximale et nous suivons la situation de près", a déclaré un haut-responsable de la Défense indienne cité par PTI. "Quand une telle situation survient, les trois forces, l'armée de terre, la marine et l'armée de l'air sont placées en état d'alerte maximal", a précisé un autre responsable. Les forces armées indiennes ont combattu pendant l'été au Cachemire des séparatistes soutenus par Islamabad, selon New Delhi.