Le coup
d'Etat au Pakistan inquiète la région Asie-Pacifique (AFP,
13/10/99)
Le coup d'Etat de l'armée pakistanaise suscite l'inquiétude
dans la région Asie Pacifique avec la crainte d'un nouveau conflit
entre le Pakistan et l'Inde, deux puissances nouvellement dotées
de l'arme nucléaire. Toutes les bourses asiatiques se sont repliées
suivant en cela l'exemple donné par Wall Street donnant ainsi un
sens concret au pessimisme affiché par la plupart des dirigeants
des pays de la région.Au premier rang de ces derniers, le Premier
ministre indien qui s'est dit "gravement préoccupé" par la
situation chez son voisin et ennemi tout en se déclarant prêt
a discuter "avec toute institution au Pakistan"."Nous sommes prêts
à discuter avec toute institution au Pakistan", a déclaré
Atal Behari Vajpayee le jour même où il entamait un nouveau
mandat de Premier ministre après sa victoire aux dernières
élections.A l'issue d'une réunion d'urgence de son nouveau
cabinet le Premier ministre indien a toutefois souligné que la "vigilance
le long de la frontière (avec le Pakistan) a été intensifiée".Le
chef de l'armée de l'air indienne, le général d'aviation
A.Y. Tipnis, a indiqué que les forces indiennes, qui sont en état
d'alerte maximum, surveillaient la situation et qu'il n'y avait "rien à
craindre". Le dialogue indo-pakistanais est interrompu depuis plusieurs
mois et, avant le renversement de M. Sharif mardi par l'armée pakistanaise,
l'Inde insistait avant toute reprise des discussions pour que le Pakistan
cesse le soutien qu'elle l'accuse d'apporter à une guérilla
musulmane séparatiste meurtrière au Cachemire indien. Autre
grand voisin, la Chine est également "trés préoccupée"
par le renversement du pouvoir à Islamabad. Dans une bref communiqué
les autorité de Pékin ont indiqué qu'elles "prenaient
des renseignements supplémentaires". La Chine et le Pakistan sont
considérés comme des alliés en raison des mauvaises
relations que l'un et l'autre entretiennent avec l'Inde.Pékin est
soupçonné par les Américains d'avoir fourni à
Islamabad une grande partie de ses armements de pointe, notamment ceux
ayant permis au Pakistan de réaliser un premier essai nucléaire
en mai 1998, en réponse à un essai similaire effectué
par l'Inde quelques jours plus tôt.Pékin avait très
mal pris que l'Inde justifie cet essai par la nécessité de
se protéger contre "la menace chinoise". Egalement "très
préoccupé" par la crise du Pakistan, le gouvernement de Tokyo
a appelé à une solution démocratique. "Le Japon (...)
espère avec force que la crise va être résolue par
un processus démocratique et constitutionnel", a déclaré
le ministre des Affaires étrangères Yohei Kono. En outre
Tokyo a demandé avec insistance à ce que le Premier ministre
pakistanais soit libéré de sa résidence où
il été assigné par les putschistes.Le Japon était
le principal pourvoyeur d'aide au Pakistan avant le gel de son énorme
programme d'assistance à la suite d'une série de tests nucléaires
menée par Islamabad en 1998. Seule l'aide humanitaire a été
maintenue.Ce souci de retour rapide à la démocratie est partagé
par l'Australie. Le ministre australien des affaires étrangères
Alexander Downer a fait une déclaration en ce sens devant le parlement.La
Thaïlande a souhaité que ce coup d'Etat ne bouleverse pas la
stabilité de la région. La Corée du sud, le Vietnam,
le Nepal et les Philippines ont tous fait état de leur inquiétude
devant les événements d'Islamabad.La seule note d'indifférence
est venue de l'Afghanistan en guerre. Kaboul considère en effet
que le coup d'Etat "est une affaire intérieure au Pakistan" a déclaré
un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
"Ca n'aura pas d'effet négatif sur les relations bi-latérales",
entre les deux pays, a-t-il ajouté.L'Indonésie, où
l'armée joue un rôle prépondérant, n'avait de
son côté fait aucun commentaire mercredi en fin de journée.
Le général
Musharraf : un ancien commando à la carrière exemplaire
(AFP, 15/10/99)
Le général Pervez Musharraf, qui a décrété
l'état d'urgence et s'est attribué dans la nuit de jeudi
à vendredi le pouvoir exécutif au Pakistan, deux jours après
avoir renversé le Premier ministre Nawaz Sharif, assume désormais
les pleins pouvoirs au Pakistan. Il avait renversé M. Sharif mardi
soir, quelques heures après que ce dernier eut décidé
de le limoger. Il avait été nommé chef de
l'armée en octobre 1998 après une carrière exemplaire.
Le général Musharraf, 58 ans, dont les différends
avec M. Sharif -- notamment sur les récents développements
au Cachemire -- ont alimenté les chroniques ces dernières
semaines, a commencé sa carrière comme officier dans les
forces spéciales (Special Service Group). Après sept ans
dans les commandos, en 1964, il a servi dans l'artillerie avant de commander
une brigade d'infanterie puis une division blindée d'artillerie.
Il a aussi commandé une division d'infanterie. Le général
Musharraf a participé à la guerre indo-pakistanaise de 1965
pendant laquelle il a gagné une solide réputation et quelques-unes
des décorations les plus prestigieuses de son pays. Le général,
qui est d'ailleurs un Mohadjir (un musulman ourdophone qui a quitté
l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir au Pakistan)
est diplômé de la prestigieuse école et faculté
de commandement de Quetta (Balouchistan, ouest du pays) et de l'école
de guerre du Collège national de Défense.
Il a aussi suivi des cours dans des institutions militaires britanniques.
Ce général portant fines lunettes et moustaches avait
été nommé chef de l'armée de terre par Nawaz
Sharif, en remplacement du
général Jahangir Karamat, poussé par M. Sharif
à la démission après avoir critiqué la politique
du gouvernement et appelé à la
création d'un Conseil National de Sécurité qui
aurait regroupé des civils et des militaires pour conduire les affaires
du pays.
Le général Musharraf cumulait ces fonctions, depuis avril
dernier, avec celles, plus honorifiques, de chef de l'état-major
inter-armes.
Il y a deux semaines, M. Sharif l'avait reconduit dans ces dernières
fonctions en précisant qu'en agissant ainsi, il entendait "couper
court" aux rumeurs faisant état de dissensions entre eux et
de changement dans la haute hiérarchie militaire.
La capitale pakistanaise en effet bruissait de rumeurs ces dernières
semaines, selon lesquelles les dissensions entre les deux
hommes étaient arrivées à un point de rupture,
notamment après le retrait, ordonné par Nawaz Sharif, des
combattants qui luttaient contre l'armée indienne dans le nord du
Cachemire, alors que les deux pays étaient au bord d'une nouvelle
guerre.
Depuis la première semaine de mai de cette année, en
effet, des séparatistes musulmans ont combattu l'armée indienne
à Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire, pendant 10 semaines.
Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la
pression des Etats-Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée,
qui soutient les
séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
Washington avait averti l'armée pakistanaise ces derniers jours
que les Etats-Unis s'opposeraient à tout changement politique
"inconstitutionnel" au Pakistan.
Le général
Musharraf s'autoproclame chef de l'exécutif et décrète
l'état d'urgence (AP, 15/10/99)
Deux jours après son coup d'Etat, le général Pervaiz
Musharraf, ancien chef d'état-major de l'armée pakistanaise,
s'est autoproclamé chef de l'exécutif et a décrété
l'état d'urgence, rapporte dans la nuit de jeudi à vendredi
l'agence officielle pakistanaise. Le général a également
suspendu la constitution et procédé à la dissolution
du parlement du pays, dont le siège avait auparavant été
évacué par les forces de l'ordre. Quelques minutes à
peine après cette annonce, on pouvait entendre les avions de combat
survoler Islamabad. Précisant les intentions du nouvel homme fort
du Pakistan, qui étaient restées confuses depuis le coup
d'Etat, l'armée a rendu publique une ``proclamation de l'état
d'urgence'': le texte précise que le président et le vice-président
du Sénat sont suspendus, mais que le président en revanche
reste à son poste. Selon ce texte, les droits fondamentaux ne sont
pas suspendus et les tribunaux continueront à opérer normalement.
Mais il semble clair qu'ils ne pourront contester la prise effective du
pouvoir par le général Musharraf ni l'état d'urgence.
Jeudi, les appels à la restauration d'un pouvoir civil s'étaient
multipliés dans le monde entier. A Washington, la secrétaire
d'Etat américaine Madeleine Albright a estimé que ce coup
d'Etat créait ``un fort niveau d'incertitude'' en Asie du Sud-Est.
Le général Musharraf a renversé mardi sans effusion
de sang le Premier ministre Nawaz Sharif, faisant revenir sur le devant
de la scène cette armée qui a gouverné le Pakistan
pendant 25 des 52 années de son histoire.
Pressions sur Islamabad pour un retour à la démocratie
(AP, 14/10/99)
L'une des principales raisons ayant motivé les auteurs du putsch
militaire qui a renversé le Premier ministre Nawaz Sharif est l'incapacité
à redresser une économie pakistanaise en pleine déroute.
Mais les bailleurs de fonds internationaux ne l'entendent pas de cette
oreille et l'armée n'exclut plus désormais un retour à
l'ordre constitutionnel. Le coup de semonce est venu du directeur du Fonds
monétaire international (FMI) Michel Camdessus, qui a assuré
qu'Islamabad ne percevrait aucun accompte sur le prêt de 1,6 milliard
de dollars (9,6 milliards de FF; 1,47 milliard d'euros) qui lui a été
consenti tant que la démocratie ne serait pas restaurée au
Pakistan. Les pays et les banques commerciales qui avaient prévu
de soutenir financièrement le Pakistan à hauteur de 7,7 milliards
de dollars (46,4 milliards de FF; 7 milliards d'euros) pourraient bien
emboîter le pas du FMI. Pour Gregory Kronsten, économiste
de la Westdeutsche Landesbank à Londres, si les bailleurs de fonds
lâchent le Pakistan, les conséquences pour son économie
seraient graves. Le nouveau pouvoir doit ``présenter prochainement
quelque chose d'acceptable au FMI'', a-t-il déclaré à
l'Associated Press. Les spécialistes estiment qu'une suspension
de l'aide financière placerait le Pakistan dans l'incapacité
de rembourser les 32 milliards de dollards (193,1 milliards de FF; 29,4
milliards d'euros) de sa dette extérieure.
La bourse de Karachi, qui rouvrait jeudi pour la première fois
depuis le coup d'Etat, a plongé de 7,36%. Afin d'éviter toute
spéculation monétaire, les autorités de la banque
centrale pakistanaise ont ordonné la suspension jusqu'au 20 octobre
des activités de change. Les pressions internationales sur le nouveau
pouvoir sont également politiques. Les Etats-Unis, partenaires de
longue date du Pakistan, ont exigé un retour rapide du pouvoir civil
et Bill Clinton a chargé à son ambassadeur à Islamabad
de transmettre le fond de sa pensée aux autorités militaires
``et connaître leurs intentions''. Meneur du putsch, le général
Pervaiz Musharraf travaille à un retour à l'ordre constitutionnel,
affirmait-on en tout cas jeudi à Islamabad. Le porte-parole de la
présidence Irfan Siddiqi a ainsi indiqué que l'auteur du
coup d'Etat s'efforçait de trouver les moyens de ``restaurer la
démocratie constitutionnelle'', un objectif que partage, a-t-il
précisé, le président conservateur Rafiq Tarar. Depuis
mardi, le général Musharraf passe paraît-il le plus
clair de son temps à rencontrer des personnalités politiques
passées et présentes, dont M. Tarar. Il reste que les activités
de l'armée ne laissent présager pour l'instant aucune évolution
favorable. Des soldats ont ainsi fait évacuer le
siège du Parlement, à la veille de la première
réunion des députés depuis le coup d'Etat. Les militaires
ont demandé au personnel religieux et à quelques élus
qui travaillaient dans leurs bureaux de quitter le bâtiment, ne leur
donnant aucune explication, ont raconté des témoins. Avant
le renversement de Nawaz Sharif, les membres du Parlement
avaient prévu de se réunir vendredi.
Les
militaires cachent leurs intentions* (Reuters, 14/10/99)
Deux jours après le coup d'Etat, les militaires pakistanais
n'ont toujours pas fait connaître leurs intentions malgré
les appels de plus en plus pressants des drigeants occidentaux en faveur
de la démocratie. La seule intervention du porte-parole de l'armée
a été pour déclarer à l'agence de presse officielle
APP que "la démocratie est intacte". Sans explication, l'armée
a fait évacuer jeudi matin le parlement d'Islamabad et a pris position
autour du bâtiment. Selon les médias pakistanais, le Premier
ministre Nawaz Sharif, qui est en résidence surveillée depuis
qu'il a été déposé, mardi, sans effusion de
sang, a été transféré à Lahore, sa ville
natale et capitale du Pendjab. * L'information n'a pas été
confirmée par les militaires mais, selon une source proche de la
famille, il a discuté jeudi de la situation politique avec son père,
Mohammad Sharif, dans la maison familiale de Raiwind, près de Lahore.
A Karachi, la police a dispersé une manifestation de partisans de
l'ancien régime. Selon des témoins, plus d'une dizaine de
personnes ont été arrêtées. Une autre manifestation
a eu lieu à Lahore. Aucun incident n'a été signalé.
Le silence des militaires a fait courir des rumeurs de loi martiale à
la Bourse de Karachi. Le principal indice a perdu jusqu'à neuf pour
cent avant de reprendre un peu de terrain et de clôturer la première
partie de la séance sur une baisse de 5,85%. La Banque centrale
a ordonné à tous les changeurs de devises de suspendre leurs
activités jusqu'au 20 octobre. Elle a également pris des
mesures pour réduire les opérations monétaires avec
l'étranger. Dans le vide politique qui s'instaure, l'ancien président
Farooq Leghari s'est prononcé pour la formation d'un gouvermenent
provisoire chargé de "nettoyer" le pays de la corruption et d'organiser
des élections. Le chef du parti fondamentaliste Lashkar-e-Taiba
a réclamé l'instauration de la loi islamique car, a-t-il
dit, "la solution aux problèmes du pays ne viendra ni dela démocratie,
ni de la loi martiale".
Les Occidentaux inquiets
De Londres où elle vit en exil, l'ancien Premier ministre Benazir
Bhutto a fait savoir qu'elle essayait d'entrer en contact avec les
auteurs du coup d'état. "J'essaie d'obtenir l'assurance que
je bénéficierai de la liberté de mouvement à
mon retour. J'espère rentrer au Pakistan dans une semaine ou dix
jours", a-t-elle dit. Le jour du coup d'Etat, Benazir Bhutto, avait déclaré
que le général Pervez Musharraf, chef d'état-major
dont le limogeage a déclenché le putsch, était un
"modéré" et "un soldat professionnel très courageux"
qui n'avait rien d'un "intégriste". "Beaucoup de Pakistanais comprennent"
le coup d'Etat parce que "nous avions un dictateur civil à la tête
du pays", avait-elle ajouté.L'inquiétude n'en est pas moins
grande à l'étranger parce que le Pakistan possède
l'arme nucléaire et parce que ses relations avec l'Inde, qui en
est elle aussi dotée, sont en permanence à la limite du conflit
armé.
Le secrétaire-général de l'Onu, Kofi Annan, a
exhorté les militaires pakistanais "à essayer de revenir
à un gouvernement civil dès que possible".
La France a annoncé qu'elle avait pris des "mesures conservatoires".
"Tout le monde apprécie la crise en tenant compte des
capacités nucléaires dévoilées du Pakistan",
a expliqué le ministère dela Défense. "Nous avons
un souci des équilibres dans cette
région et les dangers se sont accrus".
Mercredi, Bill Clinton avait jugé qu'il "serait dans l'intérêt
du Pakistan que le régime civil et la démocratie soit promptement
restaurés".
"Je pense que la situation est très tendue", avait dit le secrétaire
à la Défense, William Cohen. "Nous devons être très
prudents
dans la façon dont nous gérons cette affaire".
A Londres, le Commonwealth a annoncé qu'il avait interdit à
la junte militaire de participer à ses sommets et qu'une réunion
extraordinaire aurait lieu lundi pour évoquer la situation à
Islamabad. /JPC/NCD
L'armée
pakitanaise renverse Nawaz Sharif pour "mettre fin au désordre"
(AFP, 13/10/99)
Le gouvernement de Nawaz Sharif a été destitué
mardi par l'armée pakistanaise qui est intervenue, selon son chef,
le général Pervez Musharraf, pour mettre fin à "l'incertitude
et au désordre" dans le pays.Le chef de l'armée, qui avait
été démis de ses fonctions mardi après-midi
par M. Sharif, n'a toutefois pas évoqué le rôle et
l'action futurs des forces armées au cours d'une allocution télévisée
aux première heures de mercredi.Le général Musharraf
a déclaré dans une allocution à la TV pakistanaise
mercredi matin que les "politiques égoïstes" poursuivies par
le gouvernement de M. Sharif ont "ébranlé les fondations
mêmes du Pakistan".Il a aussi accusé le gouvernement de M.
Sharif, qui avait été installé en février 1997,
d'avoir détruit l'économie pakistanaise et d'avoir conduit
le pays à la faillite.Les forces armées, a-t-il ajouté,
dans sa déclaration diffusée à 03H00 locales (mardi
à 22H00 GMT), ont été confrontées à
la "clameur publique incessante pour remédier à cette situation
de déclin rapide venant de tous les côtés de l'échiquier
politique".Le général Musharraf a aussi affirmé qu'en
dépit de ses conseils, le gouvernement avait "tenté d'interférer
avec les forces armées, la seule institution restée viable",
a-t-il ajouté en accusant M. Sharif d'avoir voulu "politiser et
destabiliser" l'armée en tentant de "créer des dissensions"
en son sein. Selon des sources militaires, Nawaz Sharif, son frère
Shahbaz Sharif, chef du gouvernement de la province du Penjab, ainsi que
plusieurs ministres, ont été placés "sous la grade
de l'armée" dans la résidence officielle du Premier ministre
à Islamabad, encerclée par des militaires en début
de soirée.
Ces sources ont ajouté que les gouvernements des provinces pakistanaises
(Penjab, Sindh, Balouchistan, et Nord-Ouest) ont
eux-aussi été destitués, alors que le Parlement
-- Assemblée nationale et Sénat -- est toujours en place.
L'armée a déployé dans la soirée des troupes
devant la télévision et les principaux bâtiments du
gouvernement dans la capitale, ainsi qu'aux points stratégiques
de plusieurs villes du pays tout en prenant le contrôle des aéroports.Nawaz
Sharif avait décidé dans l'après-midi de remplacer
le général Musharraf par le lieutenant-général
Khawaja Ziauddin, qui était jusqu'à présent le chef
de la puissante ISI (Inter-Service Intelligence), les services secrets
de l'armée. Ce derrnier a été placé en détention
par les militaires, ont annoncé des sources militaires.L'annonce
officielle de la mise à la retraite du général Musharraf
n'en n'avait pas expliqué les raisons, mais la presse pakistanaise
a fait état ces dernières semaines de désaccords persistants
entre les deux hommes, sur nombres de problèmes.
M. Sharif est allé de crise en crise depuis sa victoire écrasante
aux élections de février 1997 provoquées après
la destitution en
novembre 1998 de sa rivale de toujours, Bénazir Bhutto.
Deux ans et demi plus tard, les faits sont là: la dette pakistanaise
est toujours aussi écrasante (plus de 32 milliards de dollars),
le
chômage continue de croître et l'inflation ne ralentit
pas.
Mais les deux hommes se sont sans doute opposés principalement
à propos du Cachemire, une région himalayenne que le
Pakistan et l'Inde, nouvelles puissances nucléaires depuis 1998,
se disputent depuis plus de cinquante ans.
La première semaine du mois de mai de cette année, des
combattants séparatistes musulmans sont accrochés par l'armée
indienne sur les hauteurs de Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire.
Pendant 10 semaines, de violents combats opposent les deux forces faisant
plusieurs centaines de morts et amènent les deux
pays au bord de leur quatrième guerre depuis la partition du
sous-continent en 1947.
Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la
pression des Etats Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée,
qui soutient les
séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
Le général Musharraf qui est un Mohadjir (musulman ourdophone
qui a quitté l'Inde lors de la partition de 1947 pour s'établir
au
Pakistan) a, d'ailleurs dans son allocution mis en garde l'Inde sans
la nommer, de ne pas exploiter la situation actuelle.
"Ne laissons aucunes forces extérieures penser qu'elles peuvent
exploiter la situation actuelle", a-t-il prévenu. "Nous préserverons
l'intégrité, la souveraineté de notre pays jusqu'à
la dernière goutte de notrer sang".
L'armée pakistanaise, forte d'un demi-million d'hommes, a toujours
joué un rôle important dans la vie politique pakistanaise,
même si elle se tenait dans une position plus effacée depuis
la fin de la dictature militaire du général Zia-ul Haq en
1988.
Le
Pakistan pourrait être exclu du Commonwealth (AP, 13/10/99)
Le Canada travaillera de concert avec d'autres nations membres du Commonwealth
afin de déterminer si le Pakistan devrait être exclu de ce
regroupement d'anciennes colonies britanniques, a déclaré
mardi à Ottawa le ministre des Affaires étrangères,
Lloyd Axworthy. Le secrétaire général du Commonwealth
a émis un communiqué dans lequel il laisse entendre que le
Pakistan pourrait être mis à l'écart de l'organisation
à la suite du coup d'Etat survenu mardi dans ce pays, a précisé
M. Axworthy, qui a qualifié la situation de ``crise sérieuse''.
Toutefois, avant qu'il ne soit davantage informé de la situation
au Pakistan, le ministre a refusé de préciser les mesures
que pourrait prendre le Canada. ``D'autres formes de réaction''
pourraient être décidées, parmi lesquelles des sanctions
économiques, s'est contenté de dire le ministre. ``Je ne
crois pas que nous devrions prêter à des gens qui ont des
coups d'Etat militaires ou des dictatures militaires. Nous avons de nombreux
programmes de développement et d'aide en place'', a-t-il déclaré.
``Le Pakistan est certainement très sensible aux institutions financières
internationales'', a ajouté le ministre. Les décisions prises
par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international pourraient
``avoir une portée réelle sur le fait de rétablir
ou non la démocratie''.
L'économie,
principale ennemie de l'armée (Reuters, 13/10/99)
Au nom de la stabilité, l'armée a de nouveau pris le
pouvoir au Pakistan mais les réalités économiques
risquent de faire tourner court toute tentative d'établir un régime
militaire à long terme. Le Pakistan a passé la moitié
de ses 52 années d'indépendance sous la férule des
militaires mais cette fois, ils n'ont donné aucune précision
sur leurs intentions et - fait révélateur - ils n'ont toujours
pas dissous le parlement. Le général Pervez Musharraf, qui
a conduit le putsch de mardi contre le Premier ministre, Nawaz Sharif,
a annoncé mercredi matin qu'il ferait rapidement une déclaration
de politique. Mais déjà, en plus de l'avenir de la démocratie
pakistanaise, ce sont des milliards de dollars de prêts internationaux
qui sont en jeu. Le Pakistan avait récemment réussi à
persuader plusieurs banques internationales de renouveler leurs prêts
d'un montant de 877 millions de dollars. Ces accords n'ayant pas été
formalisés, ils pourraient facilement être gelés, voire
annulés, estiment les analystes. Le versement de la troisième
tranche d'un prêt de 1,56 milliard de dollars par le Fonds monétaire
international (FMI) est également remis en question. Même
avant le coup d'Etat de mardi, le troisième paiement était
sujet à caution. Pour les économistes, dans et hors Pakistan,
les militaires ne sont pas vraiment aptes à sortir le pays d'une
crise économique aigue malgré les promesses de Musharaf.
Elections anticipées?
Dans son discours de mercredi matin, le nouvel homme fort du Pakistan
a reconnu que l'économie était "au bord de l'effondrement".
Il a expliqué que l'armée, "ultime recours", était
intervenue pour mettre fin "aux troubles et à l'incertitude" et
pour empêcher que la
situation ne se détériore un peu plus. En plus des questions
économiques, l'armée devra tenter de mettre fin à
une vague de violences ethniques qui a coûté la vie à
une vingtaine de personnes en un mois et répondre aux demandes d'élections
de l'opposition. Depuis son exil londonien, l'ancien Premier ministre Benazir
Bhutto a exigé la tenue d'élections "libres et équitables"
dans les trois mois. "J'ai peur que (si le scrutin n'est pas organisé
rapidement), le chaos économique ne grandisse et avec lui les menaces
contre l'intégrité territoriale pakistanaise (de l'Inde)",
a-t-elle déclaré. De son côté, l'ancien chef
d'état-major de l'armée pakistanaise, Aslam Baig, a annoncé
que le général Musharraf s'apprêtait à mettre
en place un gouvernement intérimaire qui devrait rester au pouvoir
deux ans. Contrairement aux coups d'Etat de 1958, 1969 et 1977, Musharraf
n'a pas instauré la loi martiale, qui implique la dissolution automatique
du parlement et la suspension de la constitution. Sharif pourrait choisir
de régler la situation devant les tribunaux, estiment les politologues.
Il est coutumier du fait. En 1993, il avait contesté son limogeage
par le président Ghulam Ishaq Khan et avait été replacé
à la tête du pays par décision de la cour suprême.
L'armée devrait éprouver quelques difficultés à
faire approuver à la cour suprême la destitution de Sharif,
alors que la constitution ne reconnaît pas la légalité
des putschs militaires. Cependant, Musharraf devrait pouvoir compter sur
une partie de l'opposition qui a renforcé sa campagne anti-Sharif
au cours des derniers mois.
L'armée
prend le pouvoir, Sharif en détention (Reuters, 13/10/99)
Le général Pervez Musharraf a assuré mercredi
matin que le calme régnait au Pakistan au lendemain de la destitution
du Premier ministre, Nawaz Sharif. Douze heures après avoir été
limogé de son poste de chef des armées, le nouvel homme fort
du Pakistan a expliqué que l'armée avait été
contrainte d'agir pour mettre fin aux "troubles et à l'incertitude".
Sharif, son frère Shahbaz, gouverneur du Pendjab, et le chef des
services de renseignements, le général Ziauddin, ont été
placés en "détention afin d'être protégés",
a annoncé un porte-parole de l'armée. Les troupes pakistanaises
ont pris le contrôle des principaux aéroports du pays, des
bâtiments administratifs et des télévisions. L'armée
a également pris position autour de la résidence du Premier
ministre déchu et de certains ministres. Après le choc de
l'annonce du putsch, quelques centaines de Pakistanais sont descendus dans
les rues d'Islamabad et d'autres grandes villes du pays. Les défilés
ont pris fin sans incident. A Karachi, la capitale économique du
Pakistan, soldats et forces paramilitaires patrouillaient dans la nuit
de mardi à mercredi. "Je vous informe que les forces armées
ont été contraintes d'agir en dernier recours, afin d'empêcher
toute détérioration de la situation", a déclaré
le général Musharraf dans un discours retransmis mercredi
matin par la télévision nationale.
Sharif, déstabilisateur?
"Pour l'instant, je ne souhaite pas faire un grand discours d'intention
politique (...) Je veux juste vous dire que la situation est
parfaitement calme, stable et contrôlée", a-t-il souligné.
"Malgré tous mes conseils, (le gouvernement) a tenté de politiser
et de déstabiliser l'armée (...), la dernière institution
digne de ce nom, dont vous êtes si fiers", a ajouté le général
pakistanais.
Musharraf n'a donné aucune précision sur ses intentions
ou sur le rôle futur de l'armée. Le Pakistan a passé
près de la moitié de
son indépendance, il y a 52 ans, sous la férule des militaires.
Il a appris son limogeage alors qu'il rentrait d'un déplacement
au Sri Lanka. "Mon avion n'a pas été autorisé à
se poser à Karachi et a reçu l'ordre de se rendre hors du
Pakistan". "Grâce à Allah, ce sombre dessein a pu être
déjoué grâce à une intervention rapide de l'armée",
a expliqué Musharaf, qui avait été nommé chef
d'état-major il y a tout juste un an. Sharif n'a donné aucune
raison pour le limogeage soudain du chef des armées. La tension
régnait entre le Premier ministre et l'état major depuis
qu'il avait ordonné, sous la pression de Washington, le retrait
des rebelles pro-pakistanais de la partie indienne du Cachemire.
Conséquences financières
L'Inde a placé ses forces armées en état d'alerte
maximale à l'annonce du coup d'Etat. Les deux voisins du sous-continent,
qui se
sont déjà livrés trois guerres depuis leur accession
à l'indépendance, disposent de l'arme nucléaire. Depuis
son exil londonien, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto a imputé
la responsabilité du putsch à Sharif, coupable selon elle
d'avoir voulu politiser l'armée qui s'est retournée contre
lui. Si des élections équitables et transparentes sont organisées
rapidement, Benazir Bhutto a annoncé qu'elle souhaitait rentrer
au Pakistan. Les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils suivaient la situation
de près. S'il s'avère qu'il s'agit bien d'un coup d'Etat,
il n'est pas possible de continuer à traiter avec le Pakistan "comme
si de rien n'était", a déclaré le porte-parole du
département d'Etat. A Londres, le chef de la diplomatie britannique,
Robin Cook, s'est dit "très inquiet". De son côté,
le ministre des Affaires étrangères canadien, Lloyd Axworthy,
a laissé entendre que le coup d'Etat pourrait aboutir sur l'éviction
du Pakistan du Commonwealth. Pour les analystes, ce coup d'Etat pourrait
priver le Pakistan de nombreux financements internationaux, acquis de haute
lutte cet été. Le Fonds monétaire international (FMI)
a fait savoir qu'il étudierait les conséquences du putsch
sur son dernier prêt de 1,5 milliard de dollars.
Coup
d'Etat au Pakistan: les militaires ont agi ``en dernier recours'', selon
le chef de l'armée (AP, 13/10/99)
Les militaires qui ont renversé mardi le gouvernement du Premier
ministre pakistanais Nawaz Sharif ont agi en ``dernier recours'' pour éviter
une ``nouvelle destabilisation'' du pays, a affirmé le général
Pervaiz Musharraf, chef d'état-major de l'armée. Le
coup d'Etat militaire s'est produit quelques heures après l'annonce
du limogeage du chef des armées par M. Sharif, à présent
retenu prisonnier dans sa résidence officielle. Les militaires ont
pris le contrôle des médias officiels, des bâtiments
gouvernementaux et de plusieurs aéroports, dont celui d'Islamabad.
Dans sa première et brève allocution mardi soir, à
la télévision et à la radio, le général
Musharraf a déclaré qu'il allait faire ``très prochainement''
une déclaration de politique générale, sans autres
précisions. Les institutions du pays ont été ``systématiquement
détruites'' par le gouvernement Sharif, ``l'économie est
en train de s'effondrer'',
selon le général Musharraf. Les forces armées,
a-t-il affirmé, ont répondu à la ``demande pressante
de l'opinion de rémédier à la
situation qui se détériorait rapidement''. Lançant
apparemment un avertissement au voisin et rival indien, le chef de l'armée
pakistanaise a souligné qu'''aucune force extérieure'' ne
devait tenter de profiter de ``la situation actuelle au Pakistan (...)
Nous préserverons l'intégrité et la souveraineté
de notre pays jusqu'à la dernière goutte de sang'', a-t-il
dit.
Pakistan
- Musharraf, un para vétéran de deux guerres (AP, 13/10/99)
L'officier supérieur qui a renversé mardi le Premier
ministre Nawaz Sharif est un commando parachutiste qui s'est distingué
dans deux guerres contre l'Inde. Né à New Delhi en août
1943, Perveiz Musharraf a fait ses études secondaires à Karachi
après avoir émigré au Pakistan avec sa famille. Il
est entré dans l'armée pakistanaise en 1964 et a servi dans
un régiment d'artillerie après avoir été formé
à l'académie militaire de Kakul, dans la province de la Frontière
Nord-Ouest. En 1965, il a combattu l'armée indienne dans le secteur
de Khem Karan, dans le Pendjab, lors de la guerre de 16 jours qui a opposé
les deux pays. Il a été décoré pour sa bravoure.
Lors du conflit de 1971, Musharraf, qui avait subi entretemps une formation
de commando, a combattu dans les services spéciaux, une unité
d'élite. Il a ensuite gravi tous les échelons, commandant
des divisions blindées et des brigades d'infanterie, avant d'être
nommé lieutenant-général. En 1995, il était
chef des forces armées à Mangla (Pendjab), une importante
garnison proche de la frontière indienne. Il a été
nommé chef d'état-major en octobre 1998 à la suite
de la démission du général Jehangir Karamat, qui avait
critiqué Sharif. Musharraf a un fils et une fille.
Le général
Musharraf: un ancien commando à la carrière exemplaire (AFP,
12/10/99)
Le général Pervez Musharraf, qui a renversé le
Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif mardi soir, quelques heures après
que ce dernier eut décidé de le limoger, a été
nommé chef de l'armée en octobre 1998 après une carrière
exemplaire.Le général Musharraf, 58 ans, dont les différends
avec M. Sharif -- notamment sur les récents développements
au Cachemire -- ont
alimenté les chroniques ces dernières semaines, a commencé
sa carrière comme officier dans les forces spéciales (Special
service group).Après sept ans dans les commandos, en 1964, il a
servi dans l'artillerie avant de commander une brigade d'infanterie puis
une division blindée d'artillerie. Il a aussi commandé une
division d'infanterie.Le général Musharraf a participé
à la guerre indo-pakistanaise de 1965 pendant laquelle il a gagné
une solide réputation et quelques-unes des décorations les
plus prestigieuses de son pays.Le général, qui est d'ailleurs
un Mohadjir (un musulman ourdophone qui a quitté l'Inde lors de
la partition de 1947 pour s'établir au Pakistan) est diplômé
de la prestigieuse école et faculté de commandement de Quetta
(Balouchistan, ouest du pays) et de l'école de guerre du Collège
National de Défense.
Il a aussi suivi des cours dans des institutions militaires britanniques.
Ce général portant fines lunettes et moustaches avait
été nommé chef de l'armée de terre par Nawaz
Sharif, en remplacement du
général Jahangir Karamat, poussé par M. Sharif
à la démission après avoir critiqué la politique
du gouvernement et appelé à la
création d'un Conseil National de Sécurité qui
aurait regroupé des civils et des militaires pour conduire les affaires
du pays.
Le général Musharraf cumulait ces fonctions, depuis avril
dernier, avec celles, plus honorifiques, de chef de l'état-major
inter-armes.
Il y a deux semaines, M. Sharif l'avait reconduit dans ces dernières
fonctions en précisant qu'en agissant ainsi, il entendait "couper
court" aux rumeurs faisant état de dissensions entre eux et
de changement dans la haute hiérarchie militaire.
La capitale pakistanaise en effet bruissait de rumeurs ces dernières
semaines, selon lesquelles les dissensions entre les deux
hommes étaient arrivées à un point de rupture,
notamment après le retrait, ordonné par Nawaz Sharif, des
combattants qui luttaient contre l'armée indienne dans le nord du
Cachemire, alors que les deux pays étaient au bord d'une nouvelle
guerre.
Depuis la première semaine de mai de cette année, en
effet, des séparatistes musulmans ont combattu l'armée indienne
à Kargil et Drass, dans le nord du Cachemire, pendant 10 semaines.
Le crise a été réduite quand M. Sharif, sous la pression
des Etats-Unis, a retiré les combattants, ce que l'armée,
qui soutient les séparatistes, ne lui a sans doute pas pardonné.
Washington avait averti l'armée pakistanaise ces derniers jours
que les Etats-Unis s'opposeraient à tout changement politique
"inconstitutionnel" au Pakistan.
Des
experts américains craignent l'islamisation du Pakistan (AFP,
12/10/99)
La propagation de l'intégrisme musulman au sein de l'armée
du Pakistan pourrait être l'un des moteurs du coup d'Etat qui a lieu
mardi dans ce pays, estiment des experts aux Etats-Unis."Il y a ce que
l'on pourrait appeler une +talibanisation+ au sein de l'armée, et
même de la société tout entière", explique Deepa
Ollapally, spécialiste de l'Asie du Sud à l'Institut Américain
pour la Paix, à Washington, en faisant allusion au pouvoir intégriste
des talibans à Kaboul. Selon elle, "le pire des scénarios"
serait à présent que les militaires qui ont renversé
le Premier ministre Nawaz Sharif "tentent d'arborer un visage plus militant
et plus islamique" afin de "gagner en crédibilité et en légitimité".
"La question est de savoir ce qu'il vont faire à partir de là",
a-t-elle dit en notant que les militaires "se nourrissent des réminiscences
de la guerre en Afghanistan".Pour Mme Vidyaamali Samarasinghe, professeur
de relations internationales, spécialiste de l'Asie à l'American
University de Washington, "les factions fondamentalistes au sein de l'armée
sont devenues très puissantes". "Ce sont ces forces qui ont poussé
le gouvernement de Nawaz Sharif à se lancer dans les dernières
opérations au Cachemire",a-t-elle estimé. "L'élément
islamique au sein de l'armée est sans aucun doute plus important
qu'il ne l'était dans le passé", confirme Teresita Schaffer,
directeur de recherches pour Asie du Sud-Est au Centre des Etudes Stratégiques
et Internationales de Washington (CSIS). Mais, selon elle, "l'important
est de savoir quel rôle la droite islamique va jouer dans les prochains
jours. Si la Charia (ndlr: la loi islamique) prend de plus en plus d'importance,
c'est une évolution inquiétante que l'on ne peut exclure
à ce stade", affirme Mme Schaffer. Le gouvernement de M. Sharif
a récemment concédé que des étudiants en religion
pakistanais avaient combattu en Afghanistan aux côtés des
taliban contre le front uni de l'opposition et les forces loyales au commandant
Ahmed Shah Massoud. "Cette +talibanisation+ est possible", estime également
Shirin Tahir-Khely, du département de politique étrangère
de l'Université John Hopkins à Washington. Selon elle, "le
Pakistan a toujours eu des franges de sa population qui pactisaient avec
les musulmans intégristes. Mais ce qui est nouveau, c'est que les
institutions aient encouragé ce phénomène". "L'armée
est désormais exposé au fondamentalisme et pour la première
fois, un chef d'état-major (ndlr: le général Musharraf)
n'a pas suivi sa formation à l'ouest, dans les écoles militaires
américaines, comme ses prédécesseurs", a-t-elle souligné.
Autre élement pris en compte par les experts: la volonté
des militaire de "laver l'affront" essuyé par leur pays au Cachemire
face à l'Inde durant la dernière escalade dans cette région
entre mai et août.
Selon le Dr Ollapally, "pour la première fois, l'armée
parait fractionnée", certains militaires réclamant "une politique
plus forte contre l'Inde". Enfin, les experts s'accordent à penser
que la situation critique de l'économie pakistanaise constitue un
facteur d'instabilité de premier plan. "L'économie s'écroule,
de même que les institutions politiques. Nous assistons à
un effondrement de la loi et de l'ordre", conclut Mme Tahir-Khelys.
La
crise pakistanaise va bloquer les pourparlers avec l'Inde (Reuters,
12/10/99)
Le coup d'Etat militaire au Pakistan risque d'empêcher la reprise
des pourparlers de paix avec l'Inde, qui va devoir renforcer la sécurité
aux frontières avec son voisin, estiment mardi plusieurs observateurs
à New Delhi. Les deux frère ennemis du sous-continent indien,
qui se sont déjà livrés trois guerres, ont failli
entrer en conflit cet été dans la partie indienne du Cachemire
où se sont infiltrés des séparatistes venus du Pakistan.
"Il n'est pas question de reprendre le processus (de paix) de Lahore dans
ce genre de situation", estime ainsi J.N. Dixit, ancien secrétaire
indien aux Affaires étrangères. Le Premier ministre pakistanais
Nawaz Sharif et son homologue indien, Atal Behari Vajpayye, s'étaient
mis d'accord en février dernier à Lahore, au Pakistan, pour
intensifier les initiatives en vue du règlement de leurs contentieux.
"Nous devons être en alerte sur la ligne de contrôle (au Cachemire)
et une alerte générale devrait être décidée
sur toutes nos frontières", ajoute Dixit. Cependant, Kuldip Nayar,
un analyste reconnu membre de la chambre haute du parlement indien, pense
que la destitution du gouvernement de Sharif ne menace pas l'Inde. Il estime
en outre qu'un régime militaire au Pakistan aura des difficultés
à être reconnu par la communauté internationale, en
particulier par les Etats-Unis.
Pakistan:
avertissement de Washington, inquiétude en Inde et dans le monde
(AFP,
12/10/99)
Les Etats-Unis ont demandé mardi que la constitution pakistanaise
soit "respectée", alors que l'Inde et plusieurs pays européens
faisaient part de leur inquiétude après la tentative de coup
d'Etat militaire au Pakistan."Nous pensons que la constitution pakistanaise
doit être respectée non seulement dans sa lettre mais dans
son esprit", a déclaré le porte-parole du département
d'Etat américain, James Rubin.L'armée pakistanaise a pris
mardi le contrôle de nombreux points stratégiques, et limogé
le Premier ministre Nawaz Sharif deux heures après qu'il eut démis
le général Pervez Musharraf de ses fonctions de chef des
forces armées. Le gouvernement a été destitué,
a annoncé la télévision d'Etat.Nawaz Sharif, est "sous
la garde de l'armée pour sa protection", a par ailleurs indiqué
une source militaire à Islamabad. "Si cela devait être un
coup d'Etat, nous rechercherions le rétablissement de la démocratie
au plus vite", a ajouté M. Rubin.L'Inde, voisin et ennemi du Pakistan,
a dit sa "grave inquiétude". "Les informations en provenance du
Pakistan provoquent une grave inquiétude et nous suivons la situation
de près", a déclaré mardi soir un porte-parole du
Premier ministre indien Atal Behari Vajpayee. "Toutes les forces armées,
l'armée, l'aviation et la marine, sont en état d'alerte maximum",
a déclaré un haut responsable militaire indien.La Maison
Blanche a mis en garde l'Inde contre toute tentation de profiter de la
crise actuelle au Pakistan. "Nous serions préoccupés si quiconque
tentait de tirer avantage de l'incertitude de la situation" a déclaré
le porte-parole présidentiel Joe Lockhart. Ottawa a annoncé
mardi la suspension provisoire des visites de responsables gouvernementaux
canadiens au Pakistan. Cette décision a été prise
"dans l'attente d'une clarification de la situation", a indiqué
un porte-parole du ministère canadien des Affaires étrangères,
sans préciser le nombre de missions ainsi suspendues.La France a
qualifié les informations sur la situation au Pakistan de "préoccupantes"
car "le fonctionnement régulier des institutions ne semble plus
assuré". "Nous suivons la situation avec la plus grande attention",
a ajouté un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.Le
gouvernement allemand, de son côté, a "exhorté les
responsables à respecter l'ordre constitutionnel et à ne
pas recourir à la violence à l'encontre des organes constitutionnels
en place", a indiqué mardi soir le porte-parole du ministère
des Affaires étrangères, Andreas Michaelis. Le Foreign Office
a recommandé aux ressortissants britanniques actuellement au Pakistan
de garder "un profil bas" dans l'attente de l'évolution de la situation
dans ce pays. Les Etats-Unis ont également recommandé la
prudence à leurs quelque 4.200 ressortissants sur place, leur conseillant
notamment d'éviter de sortir de chez eux, sauf raison impérative.
L'Iran a indiqué suivre avec "attention et inquiétude" l'évolution
de la situation au Pakistan. "Nous espérons que la paix et la sécurité
seront bientôt rétablies", a indiqué le porte-parole
du ministère iranien des Affaires étrangères Hamid-Reza
Assefi, cité par la télévision d'Etat. L'Iran et le
Pakistan, pays voisins, entretiennent des relations difficiles depuis l'arrivée
au pouvoir à Kaboul de la milice intégriste des taliban en
1996. L'Iran, qui soutient l'opposition afghane, accuse le Pakistan de
soutenir les taliban. Les investisseurs, déjà particulièrement
échaudés par des avertissements de baisse de bénéfice
de grandes sociétés, ont été un peu plus inquiets
en raison de cette crise et le principal indice de Wall Street a baissé
de 2,17% mardi.
Pakistan
- L'armée indienne en état d'alerte (Reuters, 12/10/99)
Les forces armées indiennes ont été placées
en état d'alerte mardi après l'annonce du renversement du
gouvernement du Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, rapporte l'agence
Press Trust of India (PTI). "Les trois corps des forces armées sont
en alerte maximale et nous suivons la situation de près", a déclaré
un haut-responsable de la Défense indienne cité par PTI.
"Quand une telle situation survient, les trois forces, l'armée de
terre, la marine et l'armée de l'air sont placées en état
d'alerte maximal", a précisé un autre responsable. Les forces
armées indiennes ont combattu pendant l'été au Cachemire
des séparatistes soutenus par Islamabad, selon New Delhi.
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